Webinaire : PCNS/ISCAE aborde l’état et le citoyen

Webinaire : PCNS/ISCAE aborde l’état et le citoyen

En partenariat avec l’ISCAE, le Policy Center for the New South a organisé, le jeudi 27 mai, un webinaire sur le thème : « L’État, le Citoyen et la Sphère Savante ». Modéré par Nihal El Mquirmi, Research Assistant au Policy Center for the New South, le webinaire a connu la participation d’intervenants académiques et institutionnels éminents, dont Abdelmounim Belalia, Professeur Universitaire, Groupe ISCAE, Expert en Management et Stratégies des Organisations, Abdallah Saaf, Senior Fellow au Policy Center for the New South et Noureddine El Aoufi, Professeur de l’enseignement supérieur, Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales, Université Mohammed V de Rabat. La réflexion générale du débat a reposé sur trois axes principaux : le retour sur un défi commun et des responsabilités partagées entre L’État, le scientifique et le citoyen face au COVID-19 ; Les échelles et les temporalités de la réinvention de la recherche scientifique pour les politiques publiques ; la réflexion sur la citoyenneté par le prisme de la culture scientifique via les nouvelles technologies d’information et de communication.

En se penchant sur le premier axe, Abdallah Saaf a démontré que le rapport entre la science de manière générale et la prise de décision politique dans le contexte du côté du sud est comparable.

Il estime qu’il est nécessaire de s’approcher de quelques entités scientifiques pour rendre compte de cette relation entre les savants et les entités de la prise de décision. Le Senior Fellow a souligné que, dans une situation d’incertitude, comme celle vécue, cette articulation sur la science est intéressante et que plusieurs questions pertinentes restent à être soulevées concernant les données mises à disposition, le processus de prise de décision et la place des préoccupations scientifiques par rapport à celles sécuritaires ou politiques.

De son côté, et pour répondre à la même question, Abdelmounim Belalia a expliqué que l’analyse de ce triptyque avant la pandémie fait que la relation entre l’État et le citoyen est une relation caractérisée par une crise de confiance, chose qui concerne tous les pays et ne se limite pas au Maroc. Cette crise de confiance est liée d’une manière générale au fonctionnement de l’État. Du côté de la sphère savante, le savoir scientifique a été toujours été mobilisé par la sphère politique, c’est-à-dire les décideurs. Abdelmounim Belalia souligne ainsi que la connaissance scientifique a pour vocation d’objectiver les décisions prises et que le décideur qui fait appel au savoir scientifique est un décideur qui se rapproche de la réalité. Du côté du citoyen, la question qui se pose est sa relation avec la connaissance en général et la science. Dans ce sens, il démontre que la connaissance scientifique tant restée l’apanage des scientifiques et des chercheurs et devenue, par le biais de la crise de COVID-19, accessible à tous les citoyens.

Le professeur indique que la pandémie a transformé le lien entre la sphère savante et le citoyen d’une part, et la sphère savante et le décideur de l’autre autre.

Pour Professeur Noureddine El Aoufi, la question posée tourne autour de deux axes essentiels : L’État et la décision, le Citoyen et le Savoir. Dans ce contexte, il estime qu’il faudrait se focaliser sur le processus de la prise de décision, les fondements et la légitimité de ces décisions. Noureddine El Aoufi a apporté une perspective économique au sujet dans le sens où il a traité de l’incertitude instaurée par la crise de la COVID-19 comme étant embuche à l’anticipation et la prévision des irrégularités économiques. Il évoque aussi la confusion des citoyens marocains vis-à-vis de l’État et du pouvoir. Pour lui, la sphère savante peut constituer un pouvoir, et ce pouvoir en cette période de crise a gagné de


force de façon que sa parole est devenue plus importante que de celle du politique. Cependant, Noureddine El Aoufi termine son intervention en affirmant que la sphère politique détient, au final, plus de pouvoir étant donné qu’elle gouverne les affaires des citoyens, et que c’est à son niveau que les décisions sont prises.

La modératrice de la rencontre a ensuite abordé le deuxième axe, qui stipule que dans le cadre de cette pandémie, la sphère savante a pu en partie légitimer les décisions politiques et a constitué une opportunité pour arranger la situation pour l’État et le citoyen. Dans sa réponse, Abdallah Saaf explique qu’il existe une combinaison assez complexe entre le politique et les contraintes scientifiques. Dans un contexte où la priorité revient à la minimisation des pertes et des risques, il aurait fallu prédominer la science au-delà même du politique et du sécuritaire.

Plusieurs niveaux de débat ont vu le jour : la science discute avec elle-même, avec décideurs (d’incertitude radicale), et avec les citoyens. Le Senior Fellow affirme ainsi que la COVID-19 a entrainé l’humilité du politique qui écoutait, qui consultait et qui intégrait les renseignements, et toutes les parties prenantes étaient obligées de négocier.

Pour répondre à la question suivante qui reprend l’articulation de la recherche scientifique et les politiques publiques, Abdelmounim Belalia a rappelé que les commissions scientifiques ont suscité beaucoup de débat dans les pays à la fois au niveau de composition et au niveau de processus de nomination. Cela a fait que les décideurs qui nominent d’une manière normative et figée, ont suscité beaucoup de critiques. L’invité démontre ainsi que l’analyse de la constitution de ces groupes d’experts dans le monde fait la distinction entre trois modèles : le modèle Anglo-Saxon où on désigne des scientifiques rattachés au décideurs pour que ces deniers se rapprochent le plus de la réalité. Le modèle administratif, dans lequel l’administration joue le rôle d’expert. Le modèle conforme aux pays ayant des agences sanitaires déjà solides : Des agences avec une réputation scientifique approuvée -comme l’exemple de l’Allemagne, qui apportent leur expertise, sans besoin de créer une agence à part. Le professeur affirme qu’il est crucial d’intégrer la science dans le processus de prise de décision.

Pour cette même question, Professeur El Aoufi a exprimé un avis différent qui consiste en l’idée que la gestion de la crise dépend des modalités, et renvoie au cas marocain où on a privilégié la vie du citoyen au lieu de l’économie. Le modèle Américain a fait le contraire par exemple. Il rappelle ainsi que dans ces processus c’est le décideur qui compte et prend décision.

La dernière partie du webinaire fut consacrée aux questions de l’audience : Quelles sont les répercussions durables de la crise sanitaire actuelle sur les approches managériales au sein de l’administration publique ? Est-ce que la relation entre le savant et l’État exclut le citoyen du processus décisionnel dans le sens où ce dernier doit pouvoir participer aux décisions via le vote ?

Jusqu’où la vérité scientifique peut-elle constituer un rempart contre la désinformation et les fakes news ? Comment asseoir une nouvelle culture constructive de la citoyenneté par la culture scientifique ? Les réponses des intervenants ont tourné autour des idées suivantes : La crise de la COVID-19 a affirmé qu’il faut renforcer la sphère de la science en général ainsi que le dispositif de la production de la recherche scientifique au Maroc ; Le politique est déterminant, mais en concertation avec les autres groupes ; la technologie a permis la disponibilité et l’accessibilité, la rapidité et la continuité des services et demeure l’âme de fond des centres de réflexion qui produisent beaucoup actuellement grâce au numérique.