Les comptables agréés divisés par un "conflit d'intérêt"
Le projet de loi n°53.19 modifiant et complétant la loi n°127.12 réglementant la profession de comptable agréé et instituant une Organisation professionnelle des comptables agréés (OPCA) fait toujours débat entre la tutelle et un groupe de comptables agréés.
Actuellement en débat au sein de la Chambre des conseillers, ce projet de loi provoque aujourd’hui une « consternation chez de nombreux comptables agréés ».
A la place, ce projet de loi devait conduire à une transitoires et exceptionnelles relatives à l’acquisition du statut de comptable agréé et à l’organisation de ses instances représentatives, mais aujourd’hui, c’est une autre tournure qu’a pris cette loi. Entre silence de la direction des impôts, colère chez certains membres de l’OPAC et forcing de la tutelle, le projet de loi bien qu’en cours d’examen au parlement est loin de son épilogue.
Selon Kamal Eddine Al Morabiti, Comptable agréé à Rabat et président de la coordination nationale des comptables agréés, ce projet de loi a été présenté par le ministère de l’Economie, des finances et de la réforme de l’administration afin de répondre à certaines lacunes de la loi n°127.12 en réponse à l’incapacité du Conseil national de l’OPCA à gérer cette étape suite à une série de conflits internes.
Sur ce point, il estime que le Conseil national de l’OPCA est « divisé » à un certain nombre d’élus « a empêché le fonctionnement normal du conseil ». De plus, le mandat du Conseil national est arrivé à échéance en juillet 2020.
Pour le non tenu d’élection, M. Al Marobiti estime que la responsabilité d’organiser des élections incombe au président du Conseil national. « Du fait des conflits internes qui ont divisé le conseil et empêché son fonctionnement, les élections n’ont pas pu être organisées. », soutient-il.
Toutefois, il rappelle que les articles 44 et 62 du projet de loi mettent l’Organisation professionnelle des comptables agréés, et ainsi les professionnels du secteur, sous la tutelle du ministère sans que celui-ci ne s’engage à organiser les élections du prochain Conseil national. « Tout cela met les comptables agréés dans une situation précaire, les privant de toute représentation légitime et permettant toute sorte de manipulations par des individus non élus pour une durée indéterminée. », s’insurge le président de la coordination nationale des comptables agréés.
Pourtant le
projet de loi en question a été approuvé par la première chambre du parlement sans modifications, « il fait l’objet de réserves de la part de nombreux comptables agréés, en particulier l’article 21 qui précise les conditions d’accès à la profession ». A travers cet article, le ministère propose le remplacement de l’examen d’entrée par un concours afin de répondre aux besoins de la profession. Suffisant pour le président de la coordination nationale des comptables agréés de souligner que la tutelle est restée vague car n’ayant pas précisé la fréquence du concours en question.
La décision du ministère assimilé à un forcing par de nombreux comptables agréés car elle ne prend pas en considération la pétition présentée par deux cent cinquante (250) comptables agréés au Ministère et aux groupes politiques, insistant sur la nécessité de maintenir l’annualité du concours d’accès à la profession.
Selon les pétitionnaires, cette nécessité s’explique premièrement par des raisons socio-économiques, car « les cabinets de comptables recrutent un grand nombre de salariés, permettant ainsi de lutter contre le chômage chez les jeunes diplômés, dont les effectifs ne cessent de croitre ». En outre, l’augmentation du nombre d’entreprises au Maroc nécessite un accroissement du nombre de comptables agréés afin d’assurer l’accompagnement de ces sociétés et de faciliter la collecte des recettes fiscales.
Par ailleurs, le projet de loi n°53-19, prévoit la régularisation, à travers l’agrément, de certains comptables inscrits et exerçant avant 2016 et de nouveaux entrants, inscrits au rôle de la Taxe Professionnelle après la publication de la loi n°127-12 le 20 août 2015 et son entrée en vigueur un an après. Cependant, M. Al Morabiti soutient qu’en continuant à enregistrer les nouveaux entrants depuis l’entrée en vigueur de cette loi, « l’administration a outrepassé les dispositions relatives à l’accès à la profession ». « Ces violations se sont poursuivies malgré la circulaire du Directeur général des impôts en date du 27 avril 2017, qui insistait sur la nécessité de produire une attestation délivrée par l’OPCA, justifiant leur inscription sur les listes de cette dernière », ajoute-il. Aujourd’hui, le président de la coordination nationale des comptables agréés, déclare que « plusieurs jeunes comptables ont injustement été privés de s’enregistrer et d’exercer », attendant l’organisation du concours prévu par les textes.
Mouhamet Ndiongue