La taxe sur le profit immobilier, mode d'emploi, par Me Nesrine Roudane

La taxe sur le profit immobilier, mode d'emploi, par Me Nesrine Roudane

Me Nesrine Roudane est avocate d'affaires, médiatrice commerciale et arbitre international. Pur produit de l'université marocaine, où elle a obtenu son DESA en droit des Affaires, elle a parfait sa formation professionnelle dans les prestigieux Harvard Business School et Massachusetts Institute of Technology. Ayant obtenu son certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA) à Casablanca, elle a exercé au sein du Cabinet Naciri & Associés, avant de devenir associée-gérante du cabinet Roudane & Partners La Firm, toujours à Casablanca. Elle nous explique ici les points principaux de la taxe sur les profits immobiliers, telle qu'elle est déormais appliquée au Maroc, selon les dispositions de la loi de finances 2020.

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La taxe sur le profit immobilier est un impôt sur le profit immobilier opposable aux personnes physiques ou morales, en cas de réalisation d’un profit dans le cadre d’une vente d’un bien immobilier (appartement, villa, terrain etc.). L’impôt est dû par le cédant et il est imposé là où se situe le bien.

Ce profit immobilier taxable représente la différence entre le prix de cession et le prix de revient du bien immobilier cédé. Le prix de revient équivaut au prix d’acquisition, des dépenses d’investissements effectuées et des intérêts bancaires, dans l’hypothèse où le bien a été acheté moyennant un crédit bancaire.

L’évaluation se fait en appliquant les coefficients fixés par arrêté ministériel en se basant sur l’indice national du coût de vie. Généralement, le taux d’imposition est fixé à 20% sur le profit immobilier. Au Maroc, la loi de la loi de finances 2020 a apporté certaines modifications, voire des nouveautés en matière de revenus immobiliers.

En effet, cette loi de finances a institué une modification relative à l’impôt sur le revenu lié aux profits fonciers dans le cadre d’une vente de la résidence principale. Cette modification se traduit par une exonération figurant à l’article 63 de la loi : « […]  Sont également exonérées les opérations de cession d'un immeuble ou partie d'immeuble occupé à titre d'habitation principale par son propriétaire ou par les membres des sociétés à objet immobilier réputées transparentes au sens de l'article 3-3°, avant l'expiration du délai de six (6) ans précité, dans les conditions suivantes […] ».

Cependant, afin de bénéficier de cette exonération, des conditions énumérées à l’article 63 de la même loi snt requises et doivent être cumulativement réunies à savoir :

« L’engagement de réinvestir le prix de cession dans l’acquisition d’un immeuble destiné à l’habitation principale dans un délai ne dépassant pas six (6) mois à compter de la date de cession du premier immeuble  destiné à l’habitation principale ;

Le contribuable ne peut bénéficier qu’une seule fois de cette exonération ;

Le prix de cession de l’immeuble précité ne doit pas excéder quatre millions (4.000.000) de dirhams ;

Le montant de l’impôt sur le revenu afférent au profit résultant de la cession de l’immeuble précité qui aurait dû être payé, doit être conservé auprès du notaire jusqu’à la date de l’acquisition d’un autre immeuble destiné à l’habitation principale.

Toutefois, le contribuable peut procéder au paiement du montant de l’impôt précité auprès du receveur de l’administration fiscale ».

Désormais, les propriétaires pourront vendre leur résidence principale sans attendre la période irréductible de six années ouvrant droit à l’exonération de la taxe sur le profit immobilier (TPI).

S’agissant de la première condition, la loi conditionne le bénéficiaire de cette exonération par un réinvestissement du produit de vente par un autre achat en vue d’être utilisé comme résidence principale et cela dans un délai ne dépassant pas les six mois à compter de la date de cession du premier immeuble. Une fois le délai précité dépassé, le montant de la taxe sur le profit foncier sera dû au trésor.

En ce qui est de la seconde condition, le contribuable n’a droit de bénéficier de cette exonération qu’une seule fois.

Également, parmi les conditions requises, le prix de vente est plafonné à quatre millions de dirhams (4.000.000).

Finalement, pour garantir la conclusion de la transaction conformément aux conditions énoncées dans le code général des impôts (article 63 du CGI), le montant de la taxe sur le revenu afférent au profit immobiliers résultant de la cession de l’immeuble doit être conservé auprès du notaire jusqu’à la date de l’acquisition d’un nouveau logement destiné à l’habitation principale.

En cas de non-respect de l’une des conditions susvisées, l’administration peut procéder à la rectification en matière de profit foncier conformément aux dispositions de l’article 224 de la loi de finance.

S’agissant des modalités de restitution, une demande doit être adressée par le contribuable concerné au directeur général des impôts ou à la personne désignée par lui à cet effet, dans un délai de trente (30) jours suivant la date d’acquisition du nouveau logement.

Ainsi, cette mesure devrait avoir un impact positif sur les transactions immobilières dans la mesure où d’une part, le propriétaire immobilier n’aura plus à attendre six années pour céder son bien et bénéficier de ce fait de cette exonération. Et d’autre part, cette nouveauté permettra d’encourager le propriétaire immobilier à investir dans un autre bien immobilier dans un délai court de 6 mois, sans être pénalisé par la taxation. Ce dernier point tend à promouvoir l’investissement en apportant de nouvelles transactions, et aussi à fluidifier le marché de l’immobilier.

Pourtant, certains décrient ce délai de six mois qui semble court dans le sens ou pour réinvestir dans un autre logement qui répond aux attentes des acquéreurs, cela nécessitera beaucoup plus que six mois. Il est donc suggéré de prolonger ce délai afin d’éviter aux acquéreurs d’acheter à la hâte, dans le seul objectif de pouvoir bénéficier de ladite exonération.

Dans le cadre de cette nouvelle disposition, l’État ne recueillera plus dans le cadre de ces opérations l’impôt sur le revenu au titre du profit foncier. Cependant, il devra encaisser les droits relatifs à l’enregistrement et à la conservation foncière dans le cadre de l’acquisition que le bénéficiaire de cette exonération est dans l’obligation de réaliser.

Les Marocains résidant à l’étranger bénéficient des mêmes droits que les Marocains résidents au Maroc. Ainsi, en cas de vente d’un bien immobilier situé au Maroc, les Marocains résidents à l’étranger auront la possibilité de bénéficier du régime d’exonération au titre de la résidence principale.