Et si le Maroc copiait (utilement) la France sur la loi contre « les fake news » ?...

Et si le Maroc copiait (utilement) la France sur la loi contre « les fake news » ?...

Avec l’arrivée, puis le développement, et enfin l’omniprésence des réseaux sociaux dans nos vies, c’est tout le concept de démocratie qui s’en trouve modifié, voire altéré. A l’approche des campagnes électorales, ici et ailleurs, toutes sortes d’informations parviennent aux populations, généralement fausses, très souvent amplifiées, et toujours déséquilibrées, dans des desseins bien compris. En France, le président Emmanuel Macron envisage une loi contre ces « fake news » ; au Maroc, nos législateurs en peine d’idées législatives pourraient y penser.

On se souvient des élections françaises, allemandes, américaines… où les informations fusaient sur les candidats. Des soupçons d’ingérence russe dans les présidentielles aux Etats-Unis, aux rumeurs sur l’homosexualité de Macron en France et de ses liaisons douteuses (supposées) avec la grande finance… Les fake news, ou fausses informations, venaient de partout, par presque tous, sur tous.

Que sont ces « fake news » ? L’expression désigne la diffusion de contenus délibérément distordus dans le but d’obtenir un avantage politique ou commercial pour leur auteur ou leur inspirateur, contre un adversaire. Et cette notion de « fake news » renvoie vers celle de « post-vérité », définie par le journaliste britannique Matthew D’Ancona comme étant ce qui apparaît «  quand les mensonges cessent d’avoir de l’importance et lorsque les consommateurs desdits mensonges commencent à être de mèche avec eux, et que la résonance émotionnelle de ces affirmations importe plus que leur exactitude factuelle ». De fait, on croie plus une info qui suscite l’émotion et qui va dans notre sens qu’une info crédible et vraie qui ne nous sied pas.

Autrement dit, la vérité, généralement indigeste, est reléguée au second plan quand une information fausse arrive sur les réseaux et qu’elle est amplifiée, se fondant largement sur le passionnel et l’émotionnel. Jadis, la désinformation était l’apanage des Etats, de la propagande nazie sur les Juifs vampires aux armes nucléaires irakiennes, en passant par les faux charniers de Timisoara (Roumanie, 1989) et les images de « désolation » en Israël suite aux « attaques » palestiniennes. Depuis quelques années, et développement des réseaux sociaux aidant, cette pratique est reprise par le grand public, comme des images syriennes pour illustrer la crise d’al Hoceima en 2017, et bien d’autres encore…

En Allemagne, les décideurs ont compris le danger de la pratique et ont promulgué le 1er janvier une loi – très polémique –  obligeant les réseaux sociaux à supprimer illico des contenus supposément illicites.

En France, le président Macron a annoncé une loi similaire qui ouvrirait la voie à des référés judiciaires pour bloquer les contenus, divulguer les identités des annonceurs, limiter les moyens mis en œuvre pour sponsoriser ces informations et, le cas échéant, bloquer l’accès au(x) site(s) concerné(s).

Au Maroc, nos législateurs en panne d’idées pourraient réfléchir à un


tel texte. Pourquoi ? Parce que la dernière campagne électorale, et la période de blocage politique qui s’en est suivie, ont été émaillées de fausses informations. Les principales victimes de ces « fake news » à la sauce locale furent Abdelilah Benkirane et Ilyas el Omari, puis Aziz Akhannouch. Le premier avait été accusé de « faire de l’argent » avec une imprimerie du PJD, le second avait été régulièrement accusé par le premier (citant des sources plus douteuses les unes que les autres) de s’adonner directement ou non au trafic de kif, et le troisième a été accusé par les deux autres de s’être accaparé toutes les richesses du Maroc passé, présent et même à venir…

Cela étant, il faut prendre exemple sur la Commision européenne qui souhaite créer un groupe de réflexion et a lancé une consultation publique sur le sujet. La Commission considère en effet qu’il serait imprudent de se lancer directement dans une législation sur la question « avant d'y réfléchir » et inefficace de le faire strictement sur le plan national.

Mais une telle loi, si on devait vraiment "y réfléchir", devrait avoir deux volets :

1/ La traque des fausses informations sur les réseaux, avec des dispositifs qui permettent de suivre ces informations, et d’en demander les origines à ceux qui les publient, dans la perspective de bloquer ces infos ;

2/ Le questionnement, éventuellement judiciaire, des personnels politiques qui attaquent et accusent  leurs pairs d’enrichissement illicite, d’activités illégales ou illicites.

Il est vrai que chez nous, au Maroc, la diffusion des fausses informations est rendue possible par une faible conscience de leur rôle par les médias, ainsi que par cette propension à attaquer et accuser toute personne riche et/ou influente des pires  turpitudes. Le public, quant à lui, est prompt à croire ces informations qui sont le plus souvent des calomnies.

A l’inverse, nous avons dans notre classe politique bien des profils qui, une fois cette loi promulguée, seraient avisés de ne pas s’aventurer sur la scène politique. Pour preuve, les informations publiées sur la fortune de l’ancien patron de l’Istiqlal Hamid Chabat, qui l’avaient conduit finalement à reconnaître lui-même, tout en se défendant de toute violation de la loi, une fortune qu’il a lui-même estimée à plusieurs dizaines de millions de DH.

Un texte législatif serait donc un assainissement judiciaire a priori de notre personnel politique, et un encadrement a posteriori pour toutes les opérations électorales, et aussi les joutes parlementaires… car lorsque les citoyens-électeurs ne croient plus en rien, sauf à ce qu’ils voient passer sur les réseaux ou dans des médias eux-mêmes leurrés, ils votent n’importe comment. Il est donc impératif de rétablir la vérité dans l’information et l’information sur la vérité.

Aziz Boucetta