Affaire Derhem : le constateur et celui qui le constatait, plus quelques autre, en détention provisoire
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- 23 avril 2017 --
- Maroc
C’est le genre de fait divers qui devient une affaire d’opinion publique, intégrant tous les ingrédients d’une société qui s’essaie, poussivement, à l’état de droit et aux droits humains. De l’alcool, de l’inconscience, de l’impunité, de l’abus et/ou excès de droit… Hamza Derhem, le héros malgré lui (il était soul) de cette affaire, est aujourd’hui en prison, avec les officiers de police chargés de constater les dégâts humains et matériels de l’accident de la circulation qu’il a provoqué.
Lundi 17 avril, une Ferrari conduite par un jeune homme a embouti des voitures à Rabat. Une vidéo du conducteur de la Ferrari, Hamza Derhem, le montrait boire du champagne alors que sa voiture roulait, nuitamment. Une autre vidéo le montre se moquer, dans un état d’éthylisme avancé, des constateurs venus dresser le procès-verbal de l’accident.
Si rien n’indique que la seconde vidéo est la suite chronologique de la première, on pourra retenir deux délits de Hamza Derhem : conduite en état d’ivresse (et en buvant), et outrage à fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions. Les deux vidéos, en plus d’une troisième, montrant le jeune homme installé dans une ambulance, près du chauffeur, et fumant une cigarette, ont fait le tour du web et des réseaux, suscitant une levée de boucliers sectaire contre les « riches », contre leur impunité, contre la justice, contre le système, tout. Le genre de vidéos et de réactions qui font mal, et causent du mal, à une société.
Les constateurs et celui qui les a constatés, Derhem, ont été placés en garde à vue mercredi 19 avril, et présentés au procureur du
roi de Salé. Et ce samedi 22 avril, le juge d’instruction près la cour d’Appel à Rabat a ordonné l’incarcération, à la prison locale de Salé, de 5 personnes, soupçonnées de falsification d’un procès-verbal officiel, modification des indices d’un accident de circulation et délit de fuite. Il s’agit d’un officier de police, d’un inspecteur de police, du propriétaire d’un hôtel à Rabat, du chauffeur du véhicule ayant causé l’accident et de son frère
Questions : Pourquoi le juge d’instruction auprès de la Cour d’appel, et non une juridiction inférieure, vu la nature délictuelle, et non criminelle, des faits ? Pourquoi avoir arrêté les constateurs et autres policiers, alors qu’un simple mesure administrative à leur encontre (et pouvant être contestée auprès des tribunaux) aurait suffi ? Pourquoi n’y a-t-il aucune mention à l’outrage à fonctionnaire et à l’éthylisme du vidéaste apparemment assumé ?
Il est vrai que les policiers auraient dû interpeller Derhem pour outrage (« qu’est-ce que tu constates, Monsieur le constateur ? »), comme il est tout aussi vrai que la décision d’arrêter tout le monde procède davantage de fébrilité que de légalité. Mais il est tout aussi vrai que les réactions énervées sur les réseaux se justifient, sachant que durant 48 heures, l’auteur de la vidéo, fils d’une famille nantie, n’a pas été inquiété, avant de se retrouver promptement sous les verrous…
Il reste à espérer que la justice ne se transforme pas en justice d’abattage, employée à éteindre une contestation sociale et non à dire le droit. De même qu’il reste à espérer que le sort des policiers ne soit pas synonyme d’injustice ou de fébrilité judiciaire.
AB