Le ministère bloque l’activité du centre médico-social du Dr Lahna
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- 28 janvier 2016 --
- Maroc
Il est chirurgien obstétricien, acteur associatif, ancien chef de clinique des Universités de Paris VII, ancien vice-président d’Aide médicale Internationale et membre de Médecins Sans Frontières-France, et il s’appelle Zouhaïr Lahna. Après avoir sillonné le monde et soigné les déshérités et victimes de guerre à Gaza et en Syrie, il a posé ses valises dans son pays, pour y soigner, gratuitement ou presque, les nécessiteux. Mais son pays lui met des bâtons dans les roues…
Au Maroc, on n’aime pas les révolutions… Or, le bon Dr Lahna a eu une idée révolutionnaire, à savoir revenir dans son pays malgré les succès professionnels engrangés en France et ailleurs, et y ouvrir un centre médico-social pour des soins gratuits et des opérations obstétriques au plus faible coût possible, en faveur des patients démunis. Le centre a ouvert dans le quartier d’el Oulfa Errahma, mais le ministère de la Santé de Houssaïne el Ouardi ne voit pas les choses d’un bon œil. Et comme toujours, l’Etat réagit avec une certaine brutalité, toujours chaussé de ses gros sabots.
Ainsi, une dizaine de jours après l’ouverture de son centre médico-social Injab, une commission du ministère s’est matérialisée dans les locaux et a bloqué l’activité des personnels y travaillant, médecins et infirmières.
Que dit le Professeur el Ouardi ? Que le centre n’a pas déposé de demandes auprès du ministère et du Conseil de l’Ordre des médecins, qu’il s’agit d’un centre et que donc une autorisation est requise, que le médecin Lahna a été radié de l’Ordre des médecins pour s’être inscrit à celui de France…
Que dit le Docteur Lahna ? Qu’une demande a été déposée au Conseil de l’Ordre, et que le ministère n’est pas concerné.
Que dit la réalité, logiquement ? Tout simplement, que le Dr Lahna dérange et que ce serait préférable qu’il dégage. En effet, on parle de médecins du quartier qui ne sont pas particulièrement heureux à l’idée de l’ouverture du centre. L’un d’eux, installé dans le quartier et répondant à nos questions sous couvert d’anonymat (pourquoi ?...), le suggère en effet : « Ce centre est effectivement une excellente idée, mais soigner des gens gratuitement va à l’encontre de la vocation essentiellement privée de la profession. Si on fait des études longues, c’est pour gagner de l’argent… ». Tout est dit. Pour le ministère, le Dr Lahna dérange avec ses critiques et son jugement aussi sévère que tranché sur l’état de la santé publique au Maroc.
Dans l’intervalle, le projet est bloqué, et les populations nécessitant des soins gratuits devront prendre leur mal en patience. L’affaire ne fait pourtant que commencer car le Dr Lahna a reçu le soutien effectif et actif de plusieurs ONG, et celui, passif mais ô combien puissant et affectif, de l’opinion publique.
Après son projet controversé d’ouverture des cliniques au capital privé, passé en loi à la hussarde, après son bras de fer (perdu) contre les étudiants en médecine, voilà que Houssaïne el Ouardi s’apprête à s’engager dans un combat perdu d’avance.
On ne lutte pas impunément contre le mécénat, le bénévolat et l’engagement citoyen et militant, surtout quand ils sont du domaine médical. Et le (ex ?) communiste Pr el Ouardi devrait, pourtant, le savoir…