Face à la CAF, à Lausanne, le Maroc est-il bien défendu ?

Face à la CAF, à Lausanne, le Maroc est-il bien défendu ?

Mardi, une séance de plusieurs heures a opposé les représentants du Maroc à ceux de la CAF. L’enjeu est, comme on le sait, d’annuler les dures sanctions sportives imposées par la Confédération africaine de football contre le Maroc pour avoir proposé le report de la CAN 2015 en raison d’Ebola. Le Tribunal arbitral du sport, réuni à avant-hier à Lausanne, rendra son verdict le 5 avril, trois jours avant les tirages au sort pour la CAN 2017 dont le Maroc a été suspendu.

Bref rappel des faits.

En octobre, le Maroc demande le report de la tenue de la CAN programmée en janvier 2015. Le virus Ebola avait déjà fait des  milliers de morts et le Maroc s’inquiétait d’accueillir et de réunir des milliers de supporters venus d’Afrique de l’Ouest, avec le risque de propagation rapide de la maladie. La CAF avait sèchement refusé le report (et non l’annulation) demandé par le Maroc. En janvier, la sanction tombe, en plaine CAN jouée en catastrophe (et globalement dans de bonnes conditions, il faut le dire) en Guinée équatoriale : Suspension de l’équipe nationale pour les CAN 2017 et 2019, plus environ 10 millions de dollars d’amendes et dommages-intérêts (dont le sort sera décidé par le tribunal de commerce de Paris).

Arguments de la CAF.

Le Maroc n’a pas fait honneur à son engagement. Il a aussi maintenu le Mondial des Clubs et accueilli des matches qualificatifs joués sur son sol par l’équipe nationale de Guinée, un des pays les plus touchés alors par la pandémie. La CAF note également que le Maroc n’avait pas suspendu ses liaisons aériennes avec les pays où l’épidémie sévissait.

Arguments du Maroc.

Le Mondial des clubs n’a rien à voir avec la CAN en matière de risque de propagation du virus Ebola, et les liaisons aériennes ont été maintenues par solidarité, sachant que toutes les autres compagnies avaient suspendu leurs vols, plaçant de facto ces pays en état d’isolement. Pour les matchs joués sur son territoire, le Maroc affirme, à raison, qu’il est plus facile de contrôler le public d’un match que celui de quelques dizaines de rencontres. Enfin, Rabat précise et rappelle qu’il n’a jamais demandé l’annulation, mais le report de la CAN, pour des raisons de force majeure, sachant que d’autres événements de même nature ont été annulés dans des pays d’Afrique.

Le Maroc a également


engagé des centaines de millions de DH pour la mise à niveau de ses infrastructures afin de bien accueillir la CAN.

Audience houleuse au TAS.

Et ainsi donc, mardi, à Lausanne, les deux parties sont en présence. Le Maroc est représenté par le président de la Fédération de foot Fouzi Lakjaâ, son conseiller et vice-président Noureddine Bouchehati et Tarek Najem. La CAF, dans son staff, met en avant … le Marocain Hicham El Amrani, son secrétaire général.

Les uns et els autres défendent leurs positions, mais Bouchehati croit intelligent de laisser entendre qu’el Amrani est traître à son pays. L’homme est haut fonctionnaire international, et fait son travail. Tout simplement. Bouchehati semble ne pas connaître les exigences des hautes fonctions dans ce type d’organismes supranationaux. Selon un témoin sur place, la sortie du conseiller de Lakjaâ n’a pas été très bien perçue par le tribunal.

Le Maroc est-il bien défendu ?

Avec la sortie irritée et très fortement irritante de Bouchehati et l’inexpérience de Lakjaâ et des ses accompagnateurs, on peut en effet ‘interroger sur l qualité des défenseurs du Maroc. Il semblerait même – et nous le disons – que la meilleure défense du Maroc soit dans ses documents, sa bonne foi et le risque réel de contamination qu’il voulait éviter.

Le Maroc n’a pas de ministre des Sports depuis environ trois mois, son staff fédéral est très inexpérimenté, il ne dispose par de représentants élus au sein du Comité exécutif de la CAF et rien ne l’aurait empêché d’avoir recours aux services, à la compétence et à l’expérience de Hicham El Amrani, au lieu de laisser un quelconque Bouchehati crier des slogans d’un autre âge, genre « traître à sa patrie ».

En face de lui, il y a Issa Hayatou, le président de la CAF qui règle ses comptes pour la frayeur que lui avait causé le Maroc en demandant le report de la CAN. Cela lui aurait coûté très cher, financièrement, et il l’avait reconnu. De plus, à quelques semaines de l’élection du président de la FIFA (le 29 mai), Hayatou n’est pas candidat contre le sortant Joseph Blatter mais il pourrait lui être très utile pour se maintenir en fonction. Or, Blatter est suisse, le TAS est en Suisse et les voies de la justice en général et de la justice sportive en particulier, sont, comme chacun sait, impénétrables.

AAB