Aujourd’hui, ouverture du procès de l’Etat marocain contre Zakaria Moumni. Points de vue des avocats marocains
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Le vendredi 20 mars, demain, s’ouvrira le procès en diffamation intenté par l’Etat marocain contre Zakaria Moumni. Celui-ci avait déposé plainte contre le patron de la DST marocaine pour sévices et mauvais traitement supposément endurés par lui lors de ses 7 jours de détention en septembre 2010.
Zakaria Moumni est défendu, soutenu et porté à bras le corps par l’ACAT, qui a mis en ligne sur son site une « analyse » de l’accord judiciaire entre la France et le Maroc, allant au-delà du très douteux Moumni.
Le collectif des avocats de l’Etat marocain, Mes TAYEB, Tabih, Rachidi et Repiquet a établi un système de défense dont il a fait part à PanoraPost :
1/ Le devoir d’informer la justice de l’autre pays, une menace sur l’efficacité des enquêtes.
Les avocats marocains précisent qu’il ne s’agit pas là d’une entrave à la justice française, mais d’une mesure entrant dans le cadre du droit international selon le principe de l’absence d’hiérarchie entre juridictions et le nécessaire respect mutuel entre elles.
Cela étant, aux termes de la Convention de New York sur la torture et les traitements inhumains et dégradants (article 20), il est préalablement nécessaire de prouver les actes de torture imputés à un pays, ce qui n’est pas le cas pour le cas de Moumni.
2/ Fin de la compétence universelle pour les crimes commis au Maroc.
Les avocats marocains mettent en exergue deux principes juridiques universellement établis, celui de la territorialité des lois pénales, en vertu duquel chaque acte criminel est traité par la juridiction où il aurait été commis, et celui de la souveraineté de l’Etat sur son territoire, qui veut que les actes criminels soient examinés sur ledit territoire. Ceci est la règle générale et donc, l’exception revendiquée par l’ACAT entre dans un cadre justement exceptionnel, mais qui ne se justifie pas.
De plus, la France rejoint ces autres pays, comme l’Espagne et la Belgique, qui avaient décidé de la compétence universelle de leur justice, mais qui sont par la suite revenus sur cette décision en raison du désordre et de la perte de confiance que cela engendrerait dans les relations avec d’autres Etats.
Enfin, l’accord maroco-français entre également dans le cadre de la Convention susmentionnée en cela que si la juridiction d’un pays saisit celle de l’autre et que cette dernière n’agit pas, ou agit mal, par exemple dans le classement du dossier ou de la complaisance, la justice initialement saisie reprend l’affaire, l’examine et la juge, ou saisit le Comité international mis en place par la Convention de New York.
3/ Mis en danger du principe de secret de l’instruction.
Les avocats du Maroc apportent une très utile précision, qui est que l’information d’une juridiction par une autre se limite à ladite information, sans fournir d’éléments de détail sur le dossier, tels que cela avait été signé entre les deux pays en 2008 et sans que cette disposition n’ait été changée en 2015.
Cela étant, la Convention de New York (Art 9.1) précise que les éléments d’information doivent être transmis d’un pays à un autre afin qu’aucune juridiction ne puisse monopoliser les informations. Donc, même si les détails sont transmis par la justice française à son homologue marocaine, cela entre dans le cadre du droit international.
4/ L’inégalité des citoyens français dans l’accès à la justice
Le collectif de défense marocain établit que rien n’empêche un Français victime de torture au Maroc de saisir la justice française, et ainsi le principe d’égalité d’accès à la justice est encore et toujours garanti pour les citoyens de France. Les juges français ne pourront pas certes préjuger du non sérieux de leurs homologues marocains, mais si, comme dans dit dans le point 2 ci-dessus, alinéa 3, le jugement marocain ne respecte pas les conditions universelles, la justice française pourra alors reprendre le dossier pour l’examiner et le juger.
AAB
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Voici, par ailleurs, le texte du mémo signé par Me Tayeb Mohamed Omar.
La lecture effectuée par l’association dite Action des chrétiens pour l’abolition de la torture et par le cabinet Ancile Avocats quant à l’accord intervenu entre le Maroc et la France n’est pas au niveau requis.
Après la signature préliminaire à Paris, le 31 janvier dernier, du document amendant l’accord de coopération judiciaire en matière pénale entre le Maroc et la France, et avant que ce document ne soit soumis pour ratification aux institutions constitutionnelles compétentes, plusieurs voix dissonantes se sont élevées en France pour contester le texte ; ce sont ces mêmes voix, et d’autres encore, qui ont été à l’origine de la crise de l’année dernière entre le Maroc et la France, et parmi lesquelles spécialement « l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la torture (ACAT) » qui a pris fait et cause (en tant qu’association et à travers certains avocats qui en sont membres) pour des Marocains et autres binationaux ayant décidé d’engager un combat contre leur pays d’origine, alléguant avoir été torturés et déposant des plaintes en France contre plusieurs responsables marocains, soutenus en cela par, entre autres, l’ACAT.
Dans cette vaste opération visant à perturber ce qui est entrepris et œuvrant à entraver ce qui est engagé, on trouve la lecture effectuée par le cabinet français Ancile Avocats, conjointement avec l’ACAT, et publiée sur le site de cette dernière en date du 4 mars 2015, et qui n’était pas au niveau requis puisqu’elle a été altérée dans l’objectif de montrer que l’accord est contraire à la constitution française, que certaines de ses dispositions sont illégales, qu’il comporte des passages d’exception potentiellement dangereux, qu’il aspire in fine à mettre en péril les droits de victimes aussi bien françaises que marocaines et qu’il devient quasi-impossible de poursuivre en justice tout responsable marocain car le Maroc, où il n’existe pas de justice indépendante, enterrera toute affaire qui pourrait lui causer un embarras politique…
Les quatre axes de ladite lecture peuvent être discutés ainsi :
Axe 1– Le devoir d’informer, une menace sur l’efficacité des enquêtes:
La mauvaise foi de ceux qui ont effectué la « lecture » est évidente dès qu’ils affirment que le devoir d’information immédiate de la partie marocaine par la partie française procurera à la première la faculté d’entraver la bonne marche de l’enquête et de l’instruction, en intimidant les victimes et les témoins, en les menaçant de poursuites judiciaires, en détruisant les éléments de preuve, en mettant en garde les suspects contre le risque de leur arrestation s’ils se rendaient en France ; alors que le juge français est tenu au secret de son instruction et que seul ce secret permet de garantir l’efficacité et la sérénité des investigations.
Tout cela est donc l’argumentaire développé pour l’article 1 de l’accord d’amendement qui stipule ceci :
1/ « Dans le cadre de leurs engagements respectifs et afin de contribuer à la bonne mise en œuvre des conventions internationales qui les lient, les parties s’emploient à favoriser une coopération plus efficace ainsi que tous échanges entre les autorités judiciaires aux fins de bonne conduite des procédures, notamment lorsque les faits dénoncés ont été commis sur le territoire de l’autre.
2/ Dans cette dernière hypothèse, chaque Partie informe immédiatement l’autre Partie des procédures relatives à des faits pénalement punissables dans la commission desquels des ressortissants de cette dernière sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée ».
Avant de nous atteler à la discussion, nous affirmons que la torture ne saurait être appliquée par quiconque contre qui que ce soit, et pour quelque motif qu’il soit ; la torture est une pratique rejetée, honnie et bannie par l’Homme, de même que la lutte contre ces pratiques inhumaines et le rejet de l’impunité est une voie dans laquelle le Maroc s’est irréversiblement engagé.
Ainsi, le Maroc a approuvé la Convention de New York et autres, de même qu’il a adhéré à un processus aussi large que profond, à travers des réformes structurelles comme la pénalisation de toutes les formes de torture et de mauvais traitements, le dépôt des documents d'approbation du Protocole facultatif de la Convention, le chantier législatif et légal lancé pour la mise en place du Mécanisme national de prévention de la torture, un processus résolument engagé dans le pays. Tout cela est mené et entrepris en collaboration étroite entre les mécanismes internationaux de droits de l’Homme et le Royaume, en tant que gouvernement, qu’organismes publics et qu’associations concernées par la défense de ces droits , en plus de la poursuite de toute personne à l’égard de laquelle est établie la pratique de la torture ; les exemples de cela sont légion, de même que l’annulation par la justice de toutes les poursuites basées sur des aveux extorqués par la force.
Et donc, le Maroc, à l’instar de tant d’autres nations dans le monde, peut certes enregistrer des cas isolés de violence et de mauvais traitements mais force est de reconnaître et de considérer que ces actes sont en régression sensible, de par une volonté politique et sociétale affirmée.
Pour répondre au point de vue exprimé par la lecture susmentionnée, nous rappelons ce qui suit :
1/ Cet accord ne se rapporte pas à une législation nationale dont l’ACAT peut faire une lecture aussi particulière qu’étroite selon son intérêt bien compris ; il entre en effet dans le cadre d’une législation relevant du droit international privé. En tant que tel, ledit accord est soumis soit à la confrontation et les conflits entre les pays concernés soit à la logique d’équilibre et de complémentarité. Du fait de son intégration dans le cadre général du droit international privé, il est caractérisé par une absence de hiérarchie, et il est contraint par les intérêts stratégiques communs de tel ou tel Etat et aussi par l’esprit des accords internationaux et leurs textes.
Le Maroc et la France ont opté pour les voies diplomatiques, écartant les conflits, s’accordant sur l’absence d’hiérarchie et sur la nécessité de la confiance et du respect par chaque partie de la justice de l’autre, et considérant les relations entre leurs deux systèmes judiciaires fondées sur la complémentarité responsable et la coordination mutuelle et efficiente entre eux, et tenant compte des intérêts réciproques et des liens historiques qui les unissent.
2/ Il existe un grand nombre de cas de détenus de droit commun qui n’ont pas été soumis à la torture, mais qui prétendent avoir été torturés ; ils fabriquent des preuves en s’enduisant les pieds et d’autres parties du corps de colorant bleu ou de colorant rouge pour faire accroire qu’il s’agit de sang. Certains autres se frappent la tête ou d’autres parties du corps contre les murs des commissariats de police ou dans les prisons, pour parvenir à échapper à des punitions, ou pour d’autres raisons. De tels individus affirmeront devant les tribunaux qu’ils ont subi d’horribles tourments, et ils seront relayés par les médias, et les rapports internationaux citeront « la pratique de la torture », et « le défaut d’équité de leurs procès ». Certains d’entre eux peuvent quitter la prison et déposer des plaintes devant la justice française, contre n'importe quels responsables marocains, pour mettre la relation des deux pays dans des crises dont personne ne peut prédire l’impact et la durée.
L’ACAT demande que le Maroc, la France et la communauté internationale donnent suite aux accusations de ce type de personnes, car ces dernières sont supposées dire vrai, car elles ne sauraient mentir, alors même que plusieurs d’entre elles sont des trafiquants de drogue, comme le cas de cet individu que défend l’association susmentionnée et, bien qu’elle sache pertinemment qu’il a des antécédents judiciaires en Espagne, persiste à le soutenir en donnant crédit à ses affirmations quant aux actes de tortures qu’il a prétendu subir pour avouer ses méfaits et aussi au jugement inique dont il aurait fait l’objet. Or, pour cet individu, la condamnation n’avait pas besoin d’aveux vu que les déclarations de ses complices, et le flagrant délit de transport de drogue en avion, étaient suffisants pour convaincre les juges de sa culpabilité. Pour ce qui est des mauvais traitements qu’il dit avoir subis, l’expertise effectuée a montré que le sang était du simple colorant rouge.
Il y a aussi les autres individus qui affirment avoir été maltraités alors qu’ils sont des séparatistes qui ont commis des actes violents contre les forces de l’ordre marocaines, parfois des meurtres, œuvrant à présenter le Maroc comme un pays qui ne voue aucun respect pour les droits de l’Homme. Une troisième catégorie est constituée de terroristes dont l’objectif ultime est de faire couler le sang, de tuer ici et ailleurs, comme nous le savons bien malheureusement.
L’ACAT peut offrir à de telles personnes une très large campagne publicitaire et peut reprocher aux autorités sécuritaires marocaines le recours à leur droit constitutionnel de saisir la justice s’il leur a été imputé un fait qu’elles considèrent mensonger ou si l’honneur ou la considération des ses hommes ont été atteints.
Comment différenciez-vous donc, au sein de l’ACAT, entre ceux qui disent vrai et ceux qui mentent à propos de la torture? Comment savez-vous que telle personne a bien été torturée ou qu’elle a été manipulée pour nuire aux excellentes relations entre le Maroc et la France, ou engagée, pour servir les intérêts ennemis de l’intégrité territoriale du Maroc ? Comment tout cela peut-il avoir autant d’impact auprès de vous, pour que vous publiiez un communiqué comme celui du 30 avril 2014 dans lequel vous exprimiez votre désappointement de ne pas avoir vu la communauté internationale supporter la thèse du Polisario, et de ceux qui l’appuient, en vue d’élargir les fonctions de la Minurso aux droits de l’Homme ?
3/ La torture dont parlent ceux qui ont procédé à ladite lecture au sein de l’ACAT et d’ailleurs et qui fait l’objet de plaintes devant la justice française par des repris de justice n’a pas été prouvée aux termes de l’article 20 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui conditionne toute condamnation à des « renseignements crédibles qui lui semblent contenir des indications bien fondées que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d'un Etat partie ». Non, ces gens ont simplement vu là une occasion qui satisfait leur rancœur contre le Maroc et leur attachement à d’autres, et ils ont adopté les assertions de certains individus qu’ils ont voulu transformer en vérités, après les avoir médiatiquement amplifiées. Ainsi, leurs glapissements ne sauront trouver aucun écho auprès de ceux qui, avant de juger, essaient de vérifier les faits, après enquête et en toute objectivité.
4/ Si les acteurs de cette « lecture » ont engagé une bataille contre le Maroc au motif de la torture, qui n’existe que dans leurs esprits et ont multiplié les rapports et les communiqués, pourquoi n’ont-ils pas engagé une telle bataille contre la torture pratiquée en Palestine, ou encore dans les camps de Tindouf, ou dans la prison d’Abou Ghraïb en Irak, ou à Guantanamo… l’abjection de ce qui est commis dans ces trois endroits , pour ceux qui voudraient l’ignorer et qui voudraient remédier à cette défaillance dans leurs connaissances en matière de mauvais traitements infligés par des humains à d’autres, est amplement détaillée dans le film documentaire réalisée récemment par la journaliste française Marie-Monique Robin et portant le titre de « Torture Made in USA »."
Quant à nous, au Maroc, nous sommes résolument opposés à la torture et à l’impunité des tortionnaires, et nous nous élevons également contre celles et ceux qui viendraient à essayer de porter atteinte à notre stabilité et à notre intégrité territoriale. Nous ne précipitons pas pour dire qu’il y a une pratique de torture, et derrière cette allégation il y a d’autres intentions.
Axe 2 - Fin de la compétence universelle pour les crimes graves commis au Maroc :
L’allégation de la fin de la compétence universelle pour les crimes graves commis au Maroc est basée sur une interprétation de la compétence universelle qui cache d’autres objectifs, sur une lecture incomplète de l’accord, sur une incompréhension de son contexte et sur une vision nihiliste de la justice marocaine.
Les personnes ayant fait ladite lecture, ont cru que « désormais, la justice marocaine, informée de l’ouverture d’une procédure en France concernant un ressortissant étranger victime d’un crime au Maroc, pourra décider des suites à lui donner : dans les cas où le juge marocain décidera d’ouvrir lui-même une procédure au Maroc, la justice française devra « prioritairement » se dessaisir du dossier. Une fois l’affaire transférée à la justice marocaine, cette dernière aura toute latitude pour l’enterrer ». Cela est discutable pour les raisons qui suivent :
1/ Elles considèrent que l’article 3 de l’accord ne concerne, exclusivement, que les affaires relevant de la compétence universelle ; j’ignore comment ils sont parvenus à cette conclusion, sachant que le texte est général et ne se rapporte pas uniquement à cette compétence, ni à une autre, en particulier.
2/ La base en matière de conflit de compétence dans les affaires pénales privilégie une règle principale qui est la « territorialité des lois pénales », selon laquelle il revient à l’Etat sur le territoire duquel l’acte a été commis de juger son auteur, et c’est la loi de cet Etat qui s’applique pour la raison que selon le principe de la « souveraineté de l’Etat sur son territoire », le crime commis sera convenablement évalué par l’Etat où il a été commis et par ses juges, qui tiendront compte de la nature du dossier, de ses acteurs, de ses circonstances et de ses conséquences, partant du principe que les preuves du crime sont à leur portée.
Ainsi est la règle générale ; quant à l’exception de conférer à un autre Etat le droit de juger les citoyens d’un autre Etat, elle ne peut donc être inconsidérément élargie, et ne peut également être décidée unilatéralement par un Etat à l’encontre d’un autre, auquel cas nous serions face à une situation de chaos et de crises interminables et insurmontables entre les différentes nations. Cette exception est applicable dans le cadre des accords internationaux se rapportant à des sujets particuliers, parmi lesquels par exemple, celui à partir duquel les tenants de cette lecture ont pris leur départ, à savoir la torture.
3/ L’accord d’amendement intervient dans le cadre d’un climat général ; les lois de plusieurs pays européens prévoyaient, comme la loi française, la compétence universelle en matière de torture, et ils ont dû les amender (le cas de l’Espagne ou de la Belgique) en raison des conflits et antagonismes auxquels ces textes ont donné naissance.
4/ Il y a une mauvaise intention manifeste basée sur une vision nihiliste de la justice marocaine qui enterre si vite, à leurs yeux,
les procédures qui lui sont soumises et qui se retient de les juger conformément à la loi, et même de conduire des investigations sérieuses et impartiales les concernant, assurant ainsi l’impunité à ceux qui commettent des crimes aussi graves. Il n’est donc pas vraiment utile de se laisser entraîner dans une discussion avec un adversaire aussi peu sérieux, non indépendant et absolument partial. En effet, la logique de cette « lecture » part du principe qu’il n’est même pas utile de collaborer avec le Maroc, ce « paradis de la torture », sans juges ni magistrats, dépourvu d’institutions, dont les citoyens doivent être jugés devant des tribunaux de France. Evidement, ce genre de propos n’est plus accepté à notre époque actuelle, et aucun juriste responsable, de France ou d’ailleurs, ne peut accepter un tel mode de pensée, qu’il se fonde sur les bases juridiques générales ou sur le droit privé international, nonobstant les us et coutumes diplomatiques qui régissent les relations entre Etats.
Et, pour rappel aux personnes ayant fait ladite lecture, le professeur G. Levasseur, en son « Cours de droit pénal général complémentaire » édition de 1960, insistait sur le fait que le système de compétence générale partait du principe consistant à faire pleinement confiance à la juridiction étrangère. Autrement dit, le point de départ de l’ACAT est faux, car il s’appuie sur l’idée qu’il n’existe point de justice au Maroc.
5/ Une lecture incomplète et altérée a été faite de l’article 3 de l’accord – du moins dans la version qu’ils ont présentée – par l’affirmation ou la supposition que le juge marocain, sitôt saisi d’une procédure ouverte en France, décidera du sort qu’il réservera à cette affaire, sans même lire les autres articles dudit accord qui stipulent des procédures précises visant l’interdiction de l’impunité, à savoir :
- L’autorité judiciaire saisie recueille dès que possible auprès de l’autorité judiciaire de l’autre partie ses observations ou informations.
- Cette dernière prend toutes les mesures qu’elle juge appropriées y compris le cas échéant l’ouverture d’une procédure.
- Au vu des éléments ou informations reçus, l’autorité judiciaire saisie détermine les suites à donner à la procédure, prioritairement son renvoi à l’autorité judiciaire de l’autre partie ou sa clôture.
- En l’absence de réponse ou en cas d’inertie de l’autre Partie, l’autorité judiciaire saisie poursuit la procédure.
Ces dispositions précises qui garantissent l’absence de toute forme d’impunité, puisées dans la Convention de New York contre la torture, semblent avoir été occultées, puis remplacées par cette formule lapidaire : « Désormais, la justice marocaine, informée de l’ouverture d’une procédure en France, pourra décider des suites à lui donner : dans les cas où le juge marocain décidera d’ouvrir lui-même une procédure au Maroc, la justice française devra « prioritairement » se dessaisir du dossier. Une fois l’affaire transférée à la justice marocaine, cette dernière aura toute latitude pour l’enterrer » !... Alors même que l’expression «détermine les suites à donner à la procédure » concerne l’Etat ayant reçu la plainte, c’est-à-dire la France, du point de vue des gens ayant fait la lecture et non le Maroc, « au vu des éléments ou informations reçus, l’autorité judiciaire saisie détermine les suites à donner à la procédure, prioritairement son renvoi à l’autorité judiciaire de l’autre partie ou sa clôture ». L’altération du sens de l’article est claire.
6/ Dans ce cadre, l’accord apparaît parfaitement conforme aux engagements internationaux du Maroc et de la France dans le domaine de la lutte contre la torture et de l’absence de l’impunité, conformément aux dispositions de la Convention de New York, tout cela par le traitement serein et équilibré des conflits de compétence.
En effet, ladite Convention a prévu des solutions pour éviter les conflits de compétence et l’impunité. Ces solutions respectent la logique progressive dans les procédures investigation, la souveraineté nationale des Etats, le recours avant tout aux juridictions nationales, que cela soit dans les relations entre Etats ou dans celles entre Etats et le Comité international de lutte contre la torture, prévu dans la Convention .
Dans les relations régissant les Etats entre eux, la Convention précise en son article 9.1 que « les Etats parties s'accordent l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure pénale relative aux infractions visées, y compris en ce qui concerne la communication de tous les éléments de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires aux fins de la procédure », puis, plus loin, dans l’alinéa 1a de l’article 21, dispose que « dans un délai de trois mois à compter de la date de réception de la communication, l'Etat destinataire fera tenir à l'Etat qui a adressé la communication des explications ou toutes autres déclarations écrites élucidant la question, qui devront comprendre, dans toute la mesure possible et utile, des indications sur ses règles de procédure et sur les moyens de recours, soit déjà utilisés, soit en instance, soit encore ouverts ». L’alinéa 1b poursuit et stipule que « si, dans un délai de six mois à compter de la date de réception de la communication originale par l'Etat destinataire, la question n'est pas réglée à la satisfaction des deux Etats parties intéressés, l'un comme l'autre auront le droit de la soumettre au Comité, en adressant une notification au Comité, ainsi qu'à l'autre Etat intéressé » ».
Et dans le cadre des relations des Etats avec le Comité international, il est convenu que ce dernier ne saurait connaître d’une affaire soumise à lui que si tous les autres moyens locaux et nationaux sont épuisés, conformément aux principes du droit international universellement connus.
Et toujours dans cette relation Etats-Comité, il convient de rappeler les dispositions de l’article 20 alinéa 1 qui précisent que « si le Comité reçoit des renseignements crédibles qui lui semblent contenir des indications bien fondées que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d'un Etat partie, il invite ledit Etat à coopérer dans l'examen des renseignements et, à cette fin, à lui faire part de ses observations à ce sujet », puis l’alinéa 2 qui ajoute que « en tenant compte de toutes observations éventuellement présentées par l'Etat partie intéressé et de tous autres renseignements pertinents dont il dispose, le Comité peut, s'il juge que cela se justifie, charger un ou plusieurs de ses membres de procéder à une enquête confidentielle et de lui faire rapport d'urgence ».
Il est à noter que l’accord intervenu à Paris en date du 31 janvier 2015 a pris de quelques susmentionnées dispositions l’esprit et quelques éléments, sans toutefois les reprendre entièrement. Il est, ainsi, conforme aux engagements régionaux et internationaux des deux pays, pas plus qu’il n’est contraire à leurs constitutions, pour la simple raison que tant le Maroc que la France ont ratifié la Convention de New York qui contient les mêmes dispositions auxquelles les deux parties se sont engagées dans ledit accord.
La Convention de New York précise en son article 9, alinéa 2, que « les Etats parties s'acquittent de leurs obligations en vertu du paragraphe 1 du présent article en conformité avec tout traité d'entraide judiciaire qui peut exister entre eux ». Or, c’est précisément ce que dispose l’accord entre le Maroc et la France en matière d’entraide judiciaire dans le domaine pénal et que veulent contester les personnes ayant fait la lecture.
Axe 3 – Le secret de l’instruction :
Concernant la contestation de la légalité des dispositions de l’accord, d’une part et, d’autre part, l’affirmation qu’elles sont anticonstitutionnelles, elles relèvent d’une mauvaise lecture de la loi :
Il n’y a aucune violation du principe du « secret de l’instruction », présentée comme prétexte pour dire que les dispositions de l’accord sont illégales, en avançant que le fait pour la France d’informer le Maroc de l’ouverture de procédures judiciaires concernant des citoyens marocains est une violation du secret de l’instruction ouverte en France. Mais cela est inexact, pour au moins trois raisons :
1/ Informer de l’ouverture de procédures concernant le citoyen de tel ou tel pays, stipulé dans l’article 2 de l’accord, ne signifie pas nécessairement informer également du contenu du dossier et de ses détails ; en effet, l’immédiateté se limite à l’information de l’ouverture de la procédure.
2/ La transmission du dossier des procédures judiciaires à la justice de l’autre partie, telle que prévue par l’article 3 de l’accord et qui s’effectue après plusieurs mesures préventives garantissant l’absence de toute forme d’impunité, tel qu’indiqué précédemment, ne porte, elle aussi, aucune violation du secret de l’instruction car, en effet, l’accord d’entraide judiciaire en matière pénale signé à Rabat le 18 avril 2008 entre les gouvernement français et marocain prévoit en ses articles 1 et 8 l’obligation pour chaque partie de maintenir le secret des instructions dans ses relations avec les autres parties. Ces deux articles détaillent les dispositions et conditions des relations entre les deux contractants, essentiellement en matière de confidentialité des investigations et des instructions, et ce, en vertu de l’accord, dans sa forme originale, et qui a été ratifié par les institutions constitutionnelles des deux pays – et qui n’a pas été considéré inconstitutionnel ni illégal.
3/ Concernant le sujet de la torture, la Convention de New York de 1984, elle-même stipule en son article 9 que « les Etats parties s'accordent l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure pénale relative aux infractions visées à l'article 4, y compris en ce qui concerne la communication de tous les éléments de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires aux fins de la procédure ». Il ne s’agit donc pas de permettre à un Etat de monopoliser la procédure ou de la protéger par une forme ou une autre de secret, mais d’une coopération internationale car les parties d’un conflit judiciaire (victimes ou accusé) peuvent appartenir à différents Etats, chacun ayant sa souveraineté et il est, ainsi, nécessaire de fournir l'entraide judiciaire la plus large possible, jusques-y compris de communiquer « tous les éléments de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires aux fins de la procédure ».
Axe 4 – L’inégalité des citoyens français dans l’accès à la justice :
Quant à l’allégation concernant la non constitutionnalité de l’accord basée sur la violation du principe d’égalité des Français dans leur accès à la justice s’ils sont victimes d’actes perpétrés à l’étranger, les personnes ayant fait la lecture ont voulu l’expliquer par « l’exemple de deux plaintes déposées en France concernant deux crimes commis au Maroc contre des citoyens français, l’un par un Marocain, l’autre par un Tunisien. Dans le cas de ce dernier, la justice française aura la possibilité (sans y être contrainte) de transférer le dossier à la justice marocaine, mais elle ne le fera pas si, par exemple, la justice marocaine ne présente pas de garanties de sérieux et d’équité. En revanche, dans le cas du premier, la justice française aura l’obligation (et non la simple option) de transférer le dossier à la justice marocaine. Et si le juge marocain décide d’ouvrir une enquête, le juge français sera obligé d’opter en priorité pour l’option du dessaisissement ».
Il est clair que l’exemple implique une grande incompréhension de la constitution française et aussi de l’accord intervenu entre la France et le Maroc car :
- L’égalité des citoyens français en matière d’accès à la justice, s’ils sont victimes de crimes commis à l’étranger, est garantie par la constitution et le code de procédure pénale français ; en effet, il n’existe pas de conditions particulières imposées à un Français pour saisir la justice de son pays si le défendeur est étranger ; la porte de la justice est ouverte à tout le monde, et c’est en cela que consiste l’égalité des Français dans l’accès à la justice dans le cas où ils seraient victimes d’un crime commis à l’extérieur des frontières de la France ; quant aux conditions procédurales qui suivent l’accès à la justice et qui peuvent être déterminées par le code de procédure pénale ou les accords internationaux ou bilatéraux, leur respect n’implique nullement la violation du principe d’égalité.
- La non compréhension de l’accord résulte du fait qu’en vertu des articles 1 et 2 de l’accord d’amendement du 31 janvier, la France et le Maroc ne sont tenus de mutuellement s’informer que dans le cas où leurs ressortissants sont concernés. De même l’article 3 porte sur le fait commis sur le territoire d’un des deux pays par un ressortissant de l’autre. L’implication de l’exemple du Tunisien, qui a été effectivement commis à l’égard d’un ressortissant français sur le territoire marocain, n’a aucune relation ni avec l’accord ni avec l’égalité dans l’accès à la justice.
Pour tout ce qui précède, la lecture faite par le cabinet ANCILE Avocats et par l’ACAT n’est pas au niveau requis, et en conséquence, elle sera ignorée tant par les Français que par les Marocains.
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… et celui de Me Brahim Rachidi, qui a pris la forme d’un point de vue, en réponse à la tribune de Me Patrick Baudouin (avocat de l’ACAT et de Zakaria Moumni) publiée sur le Monde, qui a refusé de publier la réaction de Me Rachidi, que voici.
Dans un article publié dans le Monde daté du 3 mars 2015, mon Confrère, Maître BAUDOIN, avocat et Président d'honneur de la FIDH semble sous entendre que le Maroc exercerait sur son sol la torture et que la magistrature serait «aux ordres».
Notre fonction d'avocat nous oblige à plus de recul et à une objectivité dans l'analyse de faits, ainsi qu'à l'esprit d'analyse dans l'interprétation de textes juridiques.
Il me paraît nécessaire de rappeler que:
1/ Même si une personne fait l'objet d'une plainte, quel que soit le délit allégué, et même s'il s'agit du patron de la Direction générale de la surveillance du territoire marocain, M. Abdellatif Hammouchi, Maître BAUDOIN oublie que la présomption d'innocence est de règle tant qu'aucune condamnation devenue définitive n'a pas été prononcée.
2/ La « brouille » intervenue dans les relations franco-marocaines n'avait pas pour origine « la notification, en février 2014, d'une demande d’audition de la justice française » à M. Abdellatif Hammouchi, mais la violation de l'immunité couvrant la résidence de l'ambassadeur du Maroc à Paris, immunité couvrant toute résidence d'ambassadeur à travers le monde entier, et tout ministre de passage dans un pays étranger.
Qu'aurait pensé mon Confrère, Maître BAUDOIN, si de tels faits s'étaient déroulés au Maroc.
3/ Contrairement à l'analyse faite par Maître BAUDOIN, l'amendement à la convention franco-marocaine d’entraide pénale n'a nullement pour but de dessaisir la justice française de toute plainte déposée par un citoyen français mais plutôt d'instaurer une coopération plus renforcée en matière de poursuite en cas de délit pénal et encore plus de terrorisme.
Il est nécessaire, pour une meilleure information, de rappeler le contenu de cet amendement :
« S’agissant de procédures engagées auprès de l’autorité judiciaire d’une Partie par une personne qui n’en possède pas la nationalité et pour des faits commis sur le territoire de l’autre Partie par un de ses ressortissants, l’autorité judiciaire saisie recueille dès que possible auprès de l’autorité judiciaire de l’autre partie ses observations ou informations
Cette dernière prend toutes les mesures qu’elle juge appropriées y compris le cas échéant l’ouverture d’une procédure.
Au vu des éléments ou informations reçus, l’autorité judiciaire saisie détermine les suites à donner à la procédure, prioritairement son renvoi à l’autorité judiciaire de l’autre partie ou sa clôture. En l’absence de réponse ou en cas d’inertie de l’autre Partie, l’autorité judiciaire saisie poursuit la procédure »
Comme on peut le constater cet amendement, contrairement à l'interprétation qui en est donnée par mon Confrère, n'est nullement « une prime donnée à l’impunité... », comme il l'écrit, ou un « abandon de la notion de justice universelle », bien au contraire, chacun des deux Etats signataires reste libre, même après renseignements pris auprès de l'autre, de poursuivre ou non une procédure ou d'instruire une plainte que ce soit en matière de délit de droit commun, actes de terrorisme ou torture.
Le Maroc a d'ailleurs permis à la France, notamment sur la base de cette coopération judiciaire, de déjouer un grand nombre d'attentats terroriste sur son sol.
4/ La qualité de « Président d'honneur de la FIDH » de Maître BAUDOIN, ne peut légitimer les propos et accusations portées contre le Maroc, accusations dénuées de tout fondement et de toute preuve concrète, reposant uniquement sur de simples « supputations » taxant de « tortures » des « bavures policières », comme il en existe dans tout pays, y compris en France, bavures qui font l'objet d'informations ouvertes par les parquets au Maroc et de sanctions prononcées par la hiérarchie et par les tribunaux à l'encontre de leurs auteurs.
Bien que n'ayant pas eu l'honneur d'être « Président ou Vice Président de la FIDH », mon parcours de militant dans l'opposition, du temps des années de plomb, pour le respect et la sauvegarde des droits de l'homme, me permettent d'affirmer que le Maroc d'aujourd'hui est différent de celui d'hier.
Maître BAUDOIN semble s'être arrêté aux années antérieures à l'accession au Trône de sa Majesté Mohammed VI et semble ignorer que le Maroc, tout comme l'a fait et le fait la France, n'a de cesse, depuis la relève par Mohammed VI, de multiplier ses efforts et les mesures pour préserver les valeurs universelles défendues par tous les pays indépendants et promouvoir sans relâche la liberté.
Ainsi, le Maroc œuvre pour bannir de façon irréversible les violations des droits de l'homme dont la plupart des victimes ont été les opposants et démocrates politiques, une instance équité et réconciliation a été mise sur pied au lendemain de la succession de feu le Roi Hassan II pour indemniser les victimes de violations des droits de l'homme et formuler des recommandations pour la sauvegarde et le respect des droits de l'homme dont Maître BAUDOIN n'est pas le seul gardien.
La Constitution marocaine de 2011 a consacré la création d'un conseil consultatif des droits de l'homme, conseil érigé en instance de contrôle du respect des droits de l'homme et de conseil pour les politiques publiques en la matière. Cette instance est d'ailleurs présidée par Monsieur Driss EL YAZAMI, ancien Secrétaire Général de la FIDH dont Maître BAUDOIN est aujourd'hui Président d'honneur.
Il y a encore lieu de rappeler que, si le Maroc était un pays de non droit, avait une justice « aux ordres », aucun étranger ne viendrait, comme l'ont déjà fait plusieurs millions d'étrangers et en particulier français, s'y installer, étant encore précisé que c'est l'un des rares pays arabo- musulmans, où la tolérance est de règle, à reconnaître et protéger dans sa constitution toutes les religions pratiquées sur son territoire par les hommes.
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