Réforme du Code de la Famille, le roi Mohammed VI saisit, et encadre, le Conseil des Oulémas

Réforme du Code de la Famille, le roi Mohammed VI saisit, et encadre, le Conseil des Oulémas

Cela fait près de deux ans que le roi Mohammed VI avait appelé à une révision, ou plutôt à une actualisation du Code de la famille sur la base des dispositions égalitaires contenues dans la constitution de 2011, et sachant que le Code actuel remonte à l’année 2004. La constitution avait introduit bien des droits et des libertés, lesquels doivent être inclus et opérationnalisés aujourd’hui. La Moudawana de 2004 comporte certaines dispositions limitant ces libertés, qu’il convient d’amender et de faire évoluer.

Lors du discours du Trône 2022, le souverain avait appelé à «  l’opérationnalisation des institutions constitutionnelles concernées par les droits de la famille et de la femme », demandant « que soient mis à jour les dispositifs et les législations nationales dédiés à la promotion de ces droits ». Un an plus tard, une lettre royale avait été adressée au chef du gouvernement, dans laquelle le souverain affirme qu’ « aujourd’hui, il est nécessaire de réexaminer [le Code de la famille] afin de corriger les dysfonctionnements et les lacunes que l’expérience de sa mise en œuvre judiciaire a révélés. Par ailleurs, ses dispositions doivent également être mises en adéquation avec l’évolution de la société marocaine et les besoins du développement durable. La nouvelle version s’harmonisera ainsi avec la progression de notre législation nationale ».

En un mot comme en cent, le roi, Commandeur des croyants et à ce titre responsable de la sécurité spirituelle des Marocain(e)s, appelle à revoir les dispositions de ce Code aux fins de les mettre en application avec les nouvelles tendances de la société, ses évolutions et les attentes des populations. Le gouvernement avait un délai de six mois pour rendre sa « copie » au Cabinet royal, ce qui fut effectivement fait six mois après par l’instance chargée de cette réforme, formée du ministre de la Justice, du président du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et du président du ministère public.

Aujourd’hui, un communiqué royal annonce la saisine du Conseil supérieur des Oulémas pour apporter son avis et émettre une fatwa, lui recommandant de prendre en considération le contenu de la lettre royale adressée Aziz AKhannouch, en l’occurrence l’adoption des vertus de la modération et de l’Ijtihad ouvert et constructif. On...

retiendra de cette réforme du Code la démarche dynamique, ouverte, inclusive et prospective retenue, ainsi que le recours systématique à la constitution. Dans sa lettre au chef du gouvernement, le roi s’appuie sur l’article 78 conférant au gouvernement l’initiative des lois et dans sa saisine du CSO, le souverain se réfère à l’article 41 qui consacre  ce Conseil comme seule instance  habilitée à prononcer les Fatwas officiellement agréées.

Ainsi, cette démarche royale consiste à élargir le processus de consultation institutionnelle, dans le respect des attributions des institutions constitutionnelles nationales : Pouvoir judiciaire, gouvernement et Oulémas, sollicités dès lors qu’il s’agit de réformer ou amender, et même simplement modifier un texte juridique avec référentiel religieux, ce qui est le cas de la Moudawana.

Quelle est donc la mission confiée aujourd’hui par le souverain au CSO ? Essentiellement de vérifier le bien-fondé juridique de certaines propositions de l’Instance de révision du Code de la Famille et au besoin les souligner et les renforcer ; mais cette mission dont est chargée le CSO demeure bien encadrée par le Roi, et à plusieurs aspects :

  • N’examiner que les propositions émises par l’Instance,
  • Tenir compte et user de l’Ijtihad ouvert et constructif,
  • Respecter les fondements de l’émission d’une fatwa, en l’occurrence les principes, règles et finalités, ou maqassid, de l’islam.

Ce dernier point revêt une importance capitale car le CSO est la seule institution chargée d’émettre des fatwas et, de par sa composition d’éminents spécialistes et érudits en islam, la fatwa qu’il émettra sera une réponse antérieure et postérieure et aussi un barrage à toutes ces interprétations, devenant souvent des élucubrations, de personnes qui apportent leur avis en en faisant une vérité religieuse, juridique et juridico-religieuse ; ces personnes restent figées dans une interprétation rigoriste, passéiste, parfois inutilement passionnée, souvent incorrectement étayée et ne tenant jamais compte des évolutions de la société et des revendications d’une population ouverte sur le monde et sur son temps.

Il faudra donc attendre d’apprendre le contenu de cette fatwa pour prendre la mesure de ce qui sera introduit comme innovation dans les dispositions relatives à la famille, au mariage, à la parité du genre, mais on peut d’ores et déjà anticiper sur une plus grande ouverture juridique.

AB