Lectures croisées de la résolution 2468 du Conseil de sécurité sur le Sahara

Lectures croisées de la résolution 2468 du Conseil de sécurité sur le Sahara

Comme convenu et désormais comme tous les six mois, le Conseil de sécurité de l’ONU examine la situation au Sahara et vote une résolution. C’est donc ce 30 avril que le CS s’est réuni, a réfléchi, a débattu, puis a voté : la Minurso est reconduite pour six mois, au moyen d’un texte sérieusement infléchi dans la direction du Maroc, au grand dam des Russes, qui font de la politique, et des Sud-Africains, qui font du n’importe quoi. Lectures croisées de cette résolution par les différentes parties prenantes.

Ce que dit la résolution 2468, en gros…

Dans sa présentation de la résolution 2468, l’ONU explique que « le texte souligne qu’il convient de parvenir à une solution politique réaliste, pragmatique et durable à la question du Sahara occidental, qui repose sur le compromis, et qu’il importe d’adapter l’action stratégique de la MINURSO et d’affecter les ressources des Nations Unies à cette fin ».

En outre, poursuit l’ONU, « par ce texte, le Conseil demande aux parties de reprendre les négociations sous les auspices du Secrétaire général, sans conditions préalables et de bonne foi, en tenant compte des efforts consentis depuis 2006 et des faits nouveaux survenus depuis, en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le contexte d’arrangements conformes aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies ».

Dans la partie préambulaire de la résolution 2468, le CS de l’ONU se félicite « des efforts sérieux et crédibles faits par le Maroc pour aller de l’avant vers un règlement », et se félicite également « des mesures et initiatives prises par le Maroc, du rôle joué par les commissions du Conseil national des droits de l’homme à Dakhla et à Laayoune et de l’interaction entre le Maroc et les mécanismes relevant des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies ».

Mais le CS, en revanche, prend note avec une vive préoccupation « des souffrances persistantes endurées par les réfugiés sahraouis et de leur dépendance à l’égard de l’aide humanitaire extérieure ».

Le texte de la résolution parle encore et encore de compromis, de réalisme et de pragmatisme, mais bannit le terme de référendum, si cher aux adversaires du Maroc dans la question du Sahara, ce qui a précisément quelque peu irrité l’Afrique du Sud.

La réaction du Maroc

Le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita note avec satisfaction que cette résolution marque une avancée dans le sens voulu par le Maroc. Ce n’est pas dit clairement dans sa déclaration, mais le sens y est largement.

Ainsi, M. Bourita fait-il dans l’étude de texte, relevant que l’Algérie est mentionnée 5 fois, ce qui est une première, que le terme compromis revient cinq fois aussi dans le texte et que celui de réalisme est cité quatre fois. Quant au mot autodétermination, une idée chère aux Algériens et aux gens du Polisario, il n’est mentionné qu’une seule fois, et dans le cadre des buts et principes de la Charte des Nations Unies.

Le chef de la diplomatie marocaine arrive donc à cette conclusion que « le Conseil de Sécurité oppose, de la manière la plus cinglante, une fin de non-recevoir à l’attachement des autres parties au "référendum" et à "l’indépendance", qui ne sont ni réalistes, ni pragmatiques, ni mutuellement acceptables, ni encore moins basés sur le compromis ».

Enfin, Nasser Bourita rappelle à toute fin utile ce qu’il a dit à chaque table ronde à Genève, et il y en a eu deux : le principe de se réunir ne doit pas devenir une fin en soi.

Une division au sein du CS ? Vraiment ?...

Ils sont 15 membres du Conseil de sécurité, et deux se sont abstenus lors du vote. Les Russes, d’abord… Ils regrettent que leurs avis ne soient pas pris en compte et demandent que le CS revienne à ses « libellés » agrées par la communauté internationale, reprochant ainsi au texte son manque de neutralité et à la puissance porte-plume (les Etats-Unis) l’introduction de concepts qui créent l’ambigüité. Rien de grave, donc, hormis la tension et la compétition entre les deux grandes puissances que sont les Etats-Unis et la Russie.

Pour sa part, l’Afrique du Sud reste égale à elle-même, appelant à l’indépendance du territoire. Alors elle regrette que la balance penche en faveur d’une des parties, le Maroc, au détriment de l’autre, le Polisario, Algérie et Mauritanie n’étant à ses yeux que des Etats voisins.

Plus intéressante est la position de la Chine qui, après s’être abstenue lors de précédentes résolutions, souhaite « qu’à l’avenir, le Conseil tienne des consultations plus approfondies avant le renouvellement du mandat de la Minurso ». Il serait temps, en effet…

La France et les pays africains du CS appellent pour leur part à un mandat d’un an de la Minurso afin de lui laisser le temps de faire son travail, sur la base du plan marocain d’autonomie.

Qu’en disent l’Algérie et le Polisario ?...

Alger a aujourd’hui d’autres problèmes à résoudre, bien plus sérieux et plus graves pour les Algériens que ce conflit artificiel, ainsi que le nomme la diplomatie marocaine. L’APS a mis un temps de réaction avant de donner la position du « gouvernement » algérien.

L’APS revient donc sur les explications de vote des Russes et des Sud-Africains, qui vont dans son sens, et titre sur un « CS divisé ».

Quant au Polisario, il regrette à son tour que le CS ait échoué à condamner le Maroc pour son occupation du Sahara, sa répression de la population, ses entraves à la paix… et insiste sur le fait que la seule solution durable, réaliste et juste soit l’autodétermination. Bien que cela aille en total contresens de la marche du monde…

Conclusion générale

La communauté internationale est en train d’avancer sur cette question de Sahara, les paradigmes des relations internationales ayant changé et centrés vers le développement, la lutte contre les extrémismes et le réchauffement de la planète.

Observant la situation avec son regard de diplomate chevronné, d’ancien chef de l’Etat allemand et du FMI, l’Envoyé personnel du SG de l’ONU Horst Kohler semble s’être fait une religion de cette affaire… En effet, alors que le Maroc avance sur la voie du développement et s’ancre plus et mieux en Afrique, avec des hauts et des bas certes, comme partout, mais dans une marche résolue, les Algériens vivent une situation interne où leurs gouvernants, anti-marocains, sont conspués et rejetés par la population, chefs militaires inclus… et le Polisario, totalement désorienté par les événements algériens, les évolutions de la diplomatie mondiale et les troubles et émeutes à Tindouf, doute.

Entre les milliards investis par le Maroc pour le développement du Sahara et les milliards injectés par les Algériens pour convaincre le monde du bien-fondé de leur position, M. Kohler semble chercher la voie pour mettre un terme au conflit vieux de près d’un demi-siècle, sans donner le sentiment d’un perdant et d’un gagnant.

Il faudra attendre que les Algériens achèvent leur révolution pour qu’enfin, le Maghreb se construise à cinq nations, voire même trois, et que le Polisario ne disparaisse dans les sables du désert.

AB