Confusion totale pour l’élection du président de la Chambre des conseillers
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- 14 octobre 2018 --
- Maroc
La semaine dernière, le parti de l’Istiqlal décidait de présenter un candidat pour le poste très convoité de président de la Chambre des conseillers. Puis, hier, décision a été prise de retirer ce candidat et de ne même pas aller à la bataille. Le PJD ajoute à la confusion en décidant ce dimanche de présenter un candidat. Pour l'instant, le sortant Hakim Benchamas reste le favori à une élection bousculant tous les codes de la logique politique.
Le candidat istiqlalien, Abdessamad Qayouh, est le même qui avait été déjà défait par l’actuel titulaire du poste Hakim Benchamas, devenu entretemps chef du PAM. A l’époque, ce dernier avait été élu avec une voix de différence, ce qui a conduit les Istiqlaliens et M. Qayouh à chercher une revanche. Las…
La raison du retrait de la candidature est une sorte d’union qui se serait d’ores et déjà formée autour de M. Benchamas, assuré d’obtenir les suffrages de plusieurs partis de la majorité. Le RNI semble être à la manœuvre et, bien évidemment, il a attiré dans son camp les autres formations que sont le MP et l’UC. Le PJD, quant à lui, devrait s’abstenir de voter.
Mais pourquoi donc l’Istiqlal retire-t-il son candidat ? parce qu’il ne veut pas entrer dans le jeu opaque des partis pour la présidence de la Chambre. Mais en maintenant son candidat, l’Istiqlal de Nizar Baraka aurait tout aussi bien pu dénoncer les collusions entre partis politiques, se poser en formation victime de ces accords et arrangements, et se positionner pour les élections législatives de 2021…
Quant au PJD, il avait semble-t-il entériné le choix retenu lors de la réunion de la majorité, en fin de semaine, en l’occurrence que chaque parti agirait selon ses intérêts. Mais lors d’un Secrétariat général extraordinaire du PJD tenu ce dimanche à Rabat, les membres ont « longuement et profondément » débattu de la candidature à la présidence de la deuxième Chambre, et il a été finalement décidé à l’issue d’un « vote secret » de désigner un candidat, élu en la personne de Nabil Chikhi.
« C’est à une grande majorité que le secrétariat général a décidé de présenter un candidat » annonce Slimane Elomrani, secrétaire général-adjoint. Cela signifie que les deux clans du PJD, celui de Saadeddine Elotmani et celui d’Abdelilah Benkirane, se sont encore opposés sur cette question, avec avantage certain, et logique, au second. Le chef du gouvernement, et du PJD, est donc en situation inconfortable…
Cette décision du PJD plonge l’élection dans la confusion la plus totale car s’il est déjà inhabituel que la majorité ne présente pas un candidat, s’il est étrange que des partis de la majorité votent pour un candidat de l’opposition, il aurait été « suicidaire » pour le PJD de voter pour le candidat, et patron, du PAM. Les dirigeants du PJD ont remis les choses à leur endroit, mais mis leurs « alliés » de la majorité dans l’embarras. Comment RNI, UC, USFP, et MP pourront-ils alors justifier avoir voté pour le PAM et non pour le PJD, le parti conduisant leur alliance ?
Et si, pour appuyer davantage sur le côté kafkaïen de cette élection, l’Istiqlal revenait sur sa décision et décidait de présenter finalement M. Qayouh ? Cela n’éclaterait pas seulement les blocs majorité opposition au sein du parlement, mais éclaterait aussi et définitivement tout espoir de logique au sein de la classe politique marocaine…
Quant au groupe CGEM (la Confédération est désormais présidée par Salaheddine Mezouar, qui fut président du RNI), il devrait normalement voter pour le sortant. Toute pensée tendant à expliquer cela par un rapprochement RNI et PAM serait hasardeuse... ou peut-être pas, finalement.
Pour résumer, l'opposition est éclatée, et des partis de la majorité voteront pour le PAM, principal adversaire (numérique) de leur chef de file, le PJD, qui présente un candidat... Toutes ces manœuvres sont de nature à décrédibiliser encore plus qu’elle ne l’est une classe politique opaque et illisible que le chef de l’Etat vient de décider pourtant de gratifier d’un complément financier public. Pour réfléchir…
Aziz Boucetta