Migrations : la diplomatie marocaine s’inscrit dans la confidentialité

Migrations : la diplomatie marocaine s’inscrit dans la confidentialité

« Il nous appartient de composer un agenda positif, pour dessiner un avenir meilleur » avait déclaré le roi Mohammed VI lors du 5ème sommet Union africaine (UA)-Union européenne (UE) à Abidjan en novembre 2017.

En tant que Leader de l’Union Africaine sur la Question de la Migration, le roi Mohammed VI, lors du Sommet de l’UA, a fait des propositions pour développer un Agenda africain sur la Migration.

Le Roi avait souligné que la migration peut être « un pilier de co-développement », et avait proposé quatre mesures, le premier étant la création d'un Observatoire de la migration, qui aura pour mission le recueil de données statistiques sur le nombre réel d'Africains qui continuent à migrer de manière illégale. La seconde proposition est la création d'un poste d'envoyé spécial de l'UA chargé de la migration et la préposée à ce poste aura la lourde tâche de coordonner les politiques de l'UA à ce sujet. Une suggestion qui illustre la volonté affichée du souverain d'un processus inclusif qui ferait participer le plus grand nombre de pays africains.

Le troisième point est la participation de l'Agenda à l'élaboration du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et modérées, un processus lancé en septembre 2016, via la Déclaration de New York. D’ailleurs l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), estime que ce pacte permettra de « renforcer la coordination sur les questions […] de la migration internationale ».

Dernier point : la tenue de deux grands rendez-vous, le roi Mohammed VI proposant d'accueillir en décembre 2018 au Maroc une conférence intergouvernementale d'adoption du Pacte mondial ainsi qu'un Forum global pour la migration et le développement. Les deux événements auront donc lieu dans le royaume.

Le silence comme stratégie de suivi des initiatives du Roi

En plus des quatre importants points ci-dessus, les services de la diplomatie marocaine ont inscrit le un cinquième : le silence le plus absolu. Quelques conférences peut-être, deux ou trois rencontres, et c'est tout...

Depuis l’annonce par le Roi de son initiative de prendre à bras le corps la problématique de l’immigration au point d’être reconnu par ses pairs comme leader africain sur cette question, il se pose un véritable problème de suivi et de communication sur les stratégies du royaume qui doivent le conduire au 11ème sommet du forum mondial sur la migration, du 5 au 7


décembre à Marrakech.

L’organisation d’une conférence intergouvernementale doit obéir à une véritable stratégie de communication d’autant que la question de l’immigration cristallise beaucoup d’attention et est devenue très clivante. Personne aujourd’hui ne peut s’en passer, les économistes, les sociologues, les médecins, encore moins les diplomates qui sont aujourd’hui au début et à la fin de cette question.

« Aujourd’hui, une nouvelle vision s’impose : il s’agit de faire de l’immigration un sujet de débat apaisé et d’échange constructif (...) », avait déclaré le Roi lors du sommet d’Abidjan en novembre 2017. La déclaration du Roi de vouloir faire de l’immigration un sujet de débat n’est peut-être pas bien comprise par la diplomatie marocaine qui préfère se terrer dans un silence dont elle seule détient le secret.

Le Maroc est cité aujourd’hui partout dans le monde grâce aux initiatives du Palais, mais il dispose en revanche d’une diplomatie qui peine vraiment à porter le rôle de leader africain.

Ni sur le site du ministère ni ailleurs, la stratégie de l’Agenda n’est visible et c’est à se demander si les diplomates marocains ne sont pas dans la confusion de ce qui doit être visible ou pas.

Pourtant, la Représentante spéciale pour les migrations internationales Louise Arbour a salué le solide engagement du Maroc à réussir l’élaboration du premier document international sur la gestion des migrations, le Pacte mondial sur la migration sûre, ordonnée et régulière (GCM ). Au cours de la conférence tenue en présence du Secrétaire général des Nations Unies António Guterres et de plusieurs représentants des Etats membres de l'ONU, Mme Arbour, chargé de créer le processus, a félicité le royaume pour avoir fait de cette conférence « un grand succès ».

Si le Maroc décide de faire de cette conférence et de toute sa stratégie sur l’immigration une affaire de confidentialité, il n’en demeure pas moins que la diplomatie a besoin des fois de bruit et de com. Et c’est à ce titre que l’Espagne et toute l’Europe sont très attentifs à ce qui se déroulera chez le voisin marocain qui, sur un coup de somnolence, peut inonder l’Europe de migrants ; récemment, la « fuite » de certains migrants qui sont entrés en Espagne et dont on soupçonne une certaine connivence avec les gardes côtes marocains a failli causer de vrais soucis de voisinage avec l’Europe.

La rédaction