La scène tangéroise « Akhannouch dégage » est un coup monté signé…

La scène tangéroise « Akhannouch dégage » est un coup monté signé…

Jeudi 7 juin en milieu d’après-midi, le roi Mohammed VI procède à l’inauguration des deux nouveaux ports de Tanger, quand une partie du public présent pour assister à l’événement commence à scander « Akhannouch, dégage ! », et « vive le roi Mohammed VI ! ». La scène est rude, inédite… et à ce titre mérite d’être un peu creusée. Et quand on creuse un peu, on trouve… beaucoup.

Notre confrère Goud a retrouvé la vidéo qui immortalise l’événement, et son auteur. Il s’agit d’Amine Zaoudi (ci-contre, avec M. el Omari), qui se présente sur sa page Facebook – sur laquelle il a fait un live de l’activité royale – comme ingénieur des médias à la Région Tanger Tétouan al Hoceima et aussi comme ingénieur du  PAM. Sur ses photos, on le voit également poser interminablement avec l’ex-secrétaire général du PAM Ilyas el Omari. Il n’y a aucun mal à être ami d’Ilyas el Omari, le Maroc étant un pays qui autorise le choix de ses amis. De même qu’il n’y a aucun mal, en principe, à filmer une activité royale, et d’en faire un selfie. Mais utiliser cette activité pour régler des comptes et lyncher un homme politique est un acte unique, inédit… et douteux.

Là où il y a malice, en effet, c’est de faire de la politique politicienne quand le roi est là. Les Marocains se sont habitués à une chose, c’est de ne pas mêler (publiquement) le chef de l’Etat aux luttes partisanes. Or, c’est ce qui a été fait ce jour-là. Et de fait, parmi les officiels alignés pour saluer le roi, il y a Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime, présent à l’inauguration du port de pêche de Tanger, et parmi le public, il y a une bande d’une dizaine de jeunes et de deux personnes en casquette qui semblent être les meneurs du groupe, qui s’apprêtent à en découdre avec « moul lahlib » (le laitier, en référence aux mots prononcés par Akhannouch lors du Salon de l’Agriculture en avril, quand il avait défendu au début du boycott Centrale Danone et qu’il avait bu un verre de lait). Le groupe est à l’arrière, en retrait par rapport aux gens venus acclamer le roi.

Dans la vidéo tournée en live par Amine Zaoudi, on entend  à 6’ le vidéaste s’interroger sur la fonction du zoom de son appareil, puis faire une fausse manipulation et apparaître en gros plan avec une capuche sur la tête, alors que d’autres près de lui se demandent « Akhannouch, il est où? ». Une autre voix demande aussi « où est moul lahlib ?... on va le chahuter, je te jure qu’on le chahutera ». A 6’55, on entend « moul lahlib est fait », ou encore « tu es pris, moul lahlib ». Un homme, de dos, fait signe de sa main à des gens pour qu’ils avancent, avant que le vidéaste


ne commence à rire quand les invectives fusent et qu’il commente à la minute 8’ : « Regarde regarde, le wali les supplie ». En effet, à ce moment-là, on aperçoit le wali de la Région, un peu bousculé et passablement inquiet, parler aux manifestants…

A 10’20, quand la dizaine de jeunes commencent à crier pour le roi et contre Akhannouch, un homme se tourne vers eux et leur lance « attendez qu’il passe, avant de dire ça », leur intimant l’ordre de se taire. A partir de la 12ème minute, le roi est là, il salue les officiels et, au son de la fanfare, passe en revue le détachement de la Garde royale. Le groupe s’avance alors vers les barrières de sécurité et se mêle à la foule lançant des vivats au roi, mais l’appareil de Zaoudi capte mieux les « Akhannouch, dégage » car il est au milieu de son groupe. Aussi, quand on regarde les vidéos qui ont circulé ce jour-là, on entend surtout « Akhannouch, dégage ! », alors que le roi est là. Le ministre est gêné, car il ne sait pas encore que c’est un coup monté…

Vers la fin de la vidéo, le roi est devant la foule, venu la saluer, la cohue s’installe, les gens hurlant « vive le roi, notre roi est Mohammed VI », et couvrant les « Akhannouch, dégage » de la dizaine de gens, manifestement impressionnés par leur proximité avec le roi. De guerre lasse, le groupe s’éteint et on n’entend plus que les acclamations pour le roi.

Il semblerait donc bien que nous ayons assisté à une opération montée, une « opération commando » montée de toutes pièces par Amine Zaoudi, ce proche d’Ilyas el Omari contre Aziz Akhannouch, lequel proche a sans doute eu le feu vert de l’ancien secrétaire général du PAM. En effet, ce dernier n’a pas désavoué son « ingénieur medias » de la Région, pas plus qu’il n’ répondu aux sollicitations de Panorapost, au téléphone et par messagerie.

On peut ne pas vouloir d’Akhannouch sur l’échiquier politique du royaume. Le conspuer serait légitime, si tant est que les formes soient maintenues, et ces formes sont de ne pas envoyer des commandos « polluer » les activités officielles, et surtout respecter la réserve et le respect devant la personne du roi, qui est et qui doit rester au-dessus de la mêlée politique. Même la lutte politique a des règles…

On attend la réaction du RNI.

Le député, directeur du siège RNI, Mustapha Baitas a publié le lendemain un statut accusant ceux qu’il accuse de « se jouer des sentiments et des fondamentaux du Maroc », et plusieurs autres phrases du genre, mais à aucun moment, il ne cite ni ne nomme les auteurs de cette scène hallucinante.

On attend donc plus… Peut-être une réaction du groupe RNI au parlement, ou une sortie médiatique d’Aziz Akhannouch, la cible et la victime de cette attaque inédite dans les annales politiques du Maroc récent, et même ancien.

AB