Lecture détaillée du projet de résolution du CS de l’ONU sur le Sahara
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- 24 avril 2018 --
- Maroc
Cette année 2018 pourrait être un tournant dans l’affaire du Sahara… Oh, sans doute pas pour un règlement définitif de cette question qui dure depuis plus de 40 ans, mais au moins pour faire avancer les choses plus vite. Après les rapports Koehler et Guterres, le projet de résolution pour le renouvellement du mandat de la Minurso semble être favorable au Maroc, puisqu’il reprend une grande partie de ses remarques et exigences.
Dans le draft qui circule, distillé par l’agence Inner City Press, spécialisée dans les délibérations du Conseil de sécurité, plusieurs passages ont été biffés et plusieurs ajouts ont été apportés au texte, vraisemblablement sur insistance du groupe des amis du Maroc, et du Sahara, et aussi, et surtout de la France. Rappelons que le roi Mohammed VI avait rendu une visite remarquée au président Emmanuel Macron voici quelques jours à l’Elysée. On en voit le résultat, à la lecture du projet de résolution.
Les attendus.
1/ La solution politique. Le CS réaffirme sa volonté de parvenir à une solution politique pour l’autodétermination : « Aider les parties à parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui garantira l'autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le cadre d'arrangements compatibles avec les principes et objectifs de la Charte des Nations Unies. Nations Unies, et notant le rôle et les responsabilités des parties à cet égard ». L’autodétermination, dans le cadre des arrangements de la Charte de l’ONU, implique plusieurs voies : le référendum certes, mais aussi l’intégration dans un ensemble déjà en place, ce qui revient à l’idée de l’autonomie.
Et pour ce faire, le CS réitère « son appel aux parties et aux États voisins à coopérer plus pleinement avec l'ONU et les uns avec les autres et à renforcer leur participation pour sortir de l'impasse actuelle et progresser vers une solution politique ». On relèvera l’expression « impasse actuelle » et l’insistance sur la solution politique.
2/ L’Algérie. Le CS reconnaît qu’ « une solution politique à ce différend de longue date et une coopération renforcée entre les États membres de l'Union du Maghreb arabe contribueraient à la stabilité et à la sécurité dans la région du Sahel ». Et encore une fois la solution politique, avec cette mention sur l’UMA, qui implique directement l’Algérie, Etat membre de l’UMA. Mettre les deux dans la même phrase est une indication sur la nécessité de l’engagement algérien, ainsi que le réclame, que l’exige, le Maroc.
3/ Le statut de la Minurso. Le CS est préoccupé par les violations, du Polisario essentiellement car le rôle et la retenue du Maroc sont loués : le CS exprime sa « préoccupation face aux violations des accords existants et appelle les parties à respecter leurs obligations pertinentes et à s'abstenir de toute action susceptible de déstabiliser la situation ou de menacer le processus onusien, et de reconnaître la réponse mesurée du Maroc à cet égard ».
4/ Le sérieux du Maroc. Relevons ce passage et notons la différence des termes qualifiant le Maroc et le Polisario : «Prenant note de la proposition marocaine présentée le 11 avril 2007 au Secrétaire général et se félicitant des efforts sérieux et crédibles déployés par le Maroc pour faire avancer le processus vers une résolution; prenant également note de la proposition du Front Polisario présentée le 10 avril 2007 au Secrétaire général ». Au Conseil de sécurité, les mots ont un sens et les nuances leur importance.
5/ Le CS appelle les deux parties à se rapprocher aux fins de trouver une solution mutuellement acceptable, dans un esprit de « réalisme et de compromis ». En creux, le référendum d’autodétermination est aux oubliettes. Cependant, cette phrase est à retenir aussi, pour suivre la réaction de Rabat : « Prenant note des quatre cycles de négociations organisés sous les auspices du Secrétaire général et reconnaissant l'importance pour les parties de poursuivre le processus de négociations sans conditions préalables et de bonne foi ».
6/ Le CS rappelle la nécessité de recenser les populations de Tindouf par le Haut-commissariat aux réfugiés, même si pour atténuer les choses pour Alger, on ne parle pas de recenser mais d’identifier.
7/ Le CS revient sur le
rapport de son secrétaire général, et l’annule en quelque sorte sur sa partie droits de l’Homme : « Saluant à cet égard les initiatives prises par le Maroc et le rôle joué par le Conseil national des droits de l'homme à Dakhla et Laâyoune, ainsi que l'interaction du Maroc avec les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies ». Un passage qui se passe de commentaire, surtout qu’il est appuyé par le passage suivant : « Une profonde préoccupation pour les difficultés persistantes auxquelles sont confrontés les réfugiés sahraouis et leur dépendance vis-à-vis de l'aide humanitaire extérieure ».
8/ Le CS admet, constate et affirme que le maintien et la consolidation du statu quo n’est pas acceptable.
9/ LE CS a renoncé, semble-t-il, à un long passage de louanges destinés à l’ancien Envoyé personnel Christopher Ross, et cela est aussi une exigence marocaine. On ne peut louer quelqu’un qui a été partial.
Les décisions.
1/ Le CS décide de proroger le mandat de la Minurso jusqu’au 30 avril 2019 ET souligne la nécessité de progresser vers une solution politique réaliste, praticable et durable à la question du Sahara occidental fondée sur le compromis
2/ Le CS réitère sa préoccupation concernant les agissements du Polisario, par deux fois, dans deux points distincts : « la présence du Front Polisario dans la bande tampon de Guergarate », et demandant son retrait immédiat, et par « l'annonce par le Front Polisario du transfert prévu de fonctions administratives à Bir Lahlou », et demandant au Front Polisario de s'abstenir de toute action déstabilisatrice de ce type.
3/ Les négociations directes : le CS rappelle « l'importance de l'engagement des parties à faire avancer le processus politique de préparation d'un cinquième cycle de négociations et rappelle son approbation de la recommandation du rapport du 14 avril 2008 selon laquelle le réalisme et l'esprit de compromis des parties est essentiel pour progresser dans les négociations et encourage les pays voisins à apporter des contributions importantes à ce processus ». On notera les termes réalisme et esprit de compromis.
En outre, le CS revient sur la nécessité de contacts directs, mais avec cette formule : il « affirme son soutien sans réserve à l'intention du Secrétaire général et de son Envoyé personnel de trouver une solution dans ce contexte afin de relancer le processus politique avec une nouvelle dynamique et un nouvel esprit de reprise politique, ce processus visant à parvenir à une solution politique mutuellement acceptable, qui garantira l'autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le cadre d'arrangements compatibles avec les principes et objectifs de la Charte des Nations Unies ».
4/ Le CS « invite les parties à reprendre les négociations sous les auspices du Secrétaire général sans conditions préalables et de bonne foi, en tenant compte des efforts déployés depuis 2006 et des développements ultérieurs, en vue de parvenir à un accord politique juste, durable et mutuellement acceptable une solution qui garantira l'autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le cadre d'arrangements compatibles avec les principes et objectifs de la Charte des Nations Unies, et notera le rôle et les responsabilités des parties à cet égard ».
Il « demande en outre aux États voisins d'accroître leur participation au processus de négociation et de remplir leur rôle spécial et essentiel de soutien au processus politique ». On notera l’insistance de voir impliquée l’Algérie.
5/ L’insistance encore sur l’Algérie. Le CS « encourage les parties et les États voisins à coopérer avec le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés afin d'identifier et de mettre en œuvre des mesures et, si possible, d'élargir les mesures de confiance ».
En somme, le CS reprend la presque totalité des exigences du Maroc, sur l’Algérie, sur la présence du Polisario à Guergarate, sur sa volonté de changer le statu quo dans la zone à l’est du mur en y créant des « administrations », sur le rôle positif du CNDH dans les Provinces du Sud, sur le réalisme et le compromis.
Le projet de résolution, s’il est voté en l’état, reprend donc la version marocaine, et prend le contrepied de quelques passages du SG, quelque peu hostiles au Maroc.
On attendra donc le vote de ce projet.
Aziz Boucetta