Le roi lance les études pour le gazoduc géant Nigéria-Maroc, mais ce n’est pas gagné
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- 14 décembre 2016 --
- Maroc
Sitôt arrivé du Nigéria où il a signé avec le président Muhammadu Buhari l’accord sur la construction d’un gazoduc devant relier les deux pays, le roi Mohammed VI a présidé à Casablanca une séance de travail bipartite sur la faisabilité technique du projet ainsi que son financement.
Il n’y a pas encore beaucoup d’informations sur ce projet géant qui désenclavera l’Afrique de l’Ouest sur le plan énergétique. « Ce gazoduc de portée stratégique, susceptible d’être relié au marché européen, favorisera l’émergence d’une zone nord-ouest africaine intégrée et permettra à la région d’atteindre l’indépendance énergétique, d’accélérer les projets d’électrification au bénéfice des populations et de développer des activités économiques et industrielles importantes », annonce la MAP.
Mais les études vont aller assez vite, semblerait-il, au vu de la qualité des Nigérians et des Marocains ayant participé à cette réunion présidée par Mohammed VI. Ainsi, côté nigérian, on trouve aux côtés du conseiller du président deux directeurs généraux de la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC), la compagnie pétrolière nationale du Nigeria, l’un étant en charge de l’ingénierie et l’autre du droit commercial. La présence de ces dirigeants de haut niveau atteste de l’importance accordée par Abuja au projet.
Du côté marocain, et en dehors du chef du gouvernement Abdelilah Benkirane et du conseiller Fouad Ali al Himma, l’autre conseiller chargé des affaires financières Yassir Znagui,la patronne de l’Office des hydrocarbures (ONHYM) Amina Benkhadra, Mustapha Bakkoury, directeur de Masen pour l‘énergie solaire, et Mostafa Terrab, patron du Groupe OCP ont participé à la réunion.
Les discussions sont donc entamées tant au niveau technique que financier ou encore juridique car le projet, de par sa grandeur et sans doute en raison de son gigantisme, pourrait être difficile à réaliser, pour plusieurs raisons.
1/ Le coût : En l’absence d’informations (le projet semble relever du secret d’Etat, ce qui est compréhensible), nous ne pouvons qu’agir par comparaison. Ainsi, le gazoduc transsaharien prévu, et abandonné depuis, entre le Nigéria et l’Algérie devait avoir une longueur de 4.300 km, pour un coût de 20 à 30 milliards. Il devait être en partie souterrain.
Le pipeline en projet entre le Nigéria et le Maroc courrait sur une distance de 6.000 km environ, et en l’absence d’accord mauritanien (quoiqu’une règle internationale impose aux Etats d’autoriser le passage des pipelines), le gazoduc pourrait passer en offshore sur les 500 km de littoral mauritanien. Le tuyau projeté aurait alors un coût de 30 à 40 milliards de dollars.
2/ Le financement : les Marocains mettent en avant Ithmar Capital, un fonds souverain d’investissement qui serait alimenté par de fortes contributions des pétromonarchies du Golfe. Côté nigérian, le financement serait porté par la NNPC et surtout le Nigeria Sovereign Investment Authority (NSIA). Mais les deux Fonds ne sauraient à eux seuls supporter le coût de 30 à 40 milliards. Un emprunt international serait alors mis en place, mais dans quelles perspectives ? La douzaine de pays traversés auraient plus à gagner à ce gazoduc qu’ils pourraient lui donner. Un raccord final au réseau gazier européen devra alors être envisagé, mais la consommation européenne étant plutôt stable et l’approvisionnement du Vieux Continent étant en grande partie assurée par les Russes, les Algériens et les ports méthaniers, on ne pourrait trop compter sur une forte contribution européenne.
3/ Les résistances : les Algériens ne verraient pas d’un très bon œil ce projet, qui concurrencerait leur propre production. Récemment, le gouvernement algérien a expliqué le renoncement au gazoduc Nigéria-Algérie par le fait que ce pays dispose de sa propre production que ce pipeline aurait concurrencé. Il reste les Russes, qui étaient intéressés par une contribution à ce projet, à travers Gazprom, mais le coût et les risques les ont dissuadés. Gazprom était bien plus intéressé par la maîtrise des flux gaziers, en vue de contrôler leurs stratégies énergétiques, que par les ouvertures commerciales que ce projet aurait procurées.
Les choses en sont donc là, mais les objectifs de développement intégré de l’Afrique de l’Ouest et l’indépendance énergétique qu’il offrirait aux pays concernés iront dans le sens de trouver des solutions pour mettre à jour ce projet géant, dont l’ennemi principal est, précisément, son gigantisme.
AB