Maroc à l’UA : « Louable » résistance de la présidente sud-africaine de la Commission
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- 30 novembre 2016 --
- Maroc
Alors qu’elle devrait quitter ses fonctions à la tête de la Commission de l’Union africaine, Mme Nkosazana Dlamini Zuma, présidente de la Conférence et ancienne épouse du chef de l’Etat sud-africain Jacob Zuma, oppose toujours une farouche (et ultime) résistance à l’adhésion du Maroc à l’Union africaine. Elle vient de décider le refus des lettres de soutien des Etats du continent au Maroc dans sa démarche d’adhésion. Retour sur la longue histoire de l’hostilité de cette dame pour le royaume, avec le dernier évènement en date, aujourd’hui 30 novembre.
Elue en 2012 à la tête de la Commission de l’Union africaine, la plus haute instance après la Conférence des chefs d’Etat, Mme Nkosazana Dlamini Zuma avait soulevé beaucoup d’espoirs, étant la première femme à accéder à cette fonction, mais aussi et surtout parce qu’elle avait réussi à suivre des études de botanique, de zoologie, puis de médecine, malgré le régime de l’apartheid en Afrique du Sud, qui l’avait contrainte à l’exil. Femme politique chevronnée, et femme de Jacob Zuma aussi, elle avait été cheffe de la diplomatie de son pays de 1999 à 2009, puis ministre de l’intérieur de son ex-époux de 2009 à 2012, avant d’accéder à la tête de la Commission de l’UA cette même année.
Mme Nkosazana Dlamini Zuma a, depuis son élection à cette fonction, déployé un zèle fort « louable » pour contrer le Maroc et tenter de convaincre la communauté internationale du fait que le royaume n’était pas chez lui au Sahara. Las… Ses efforts n’avaient pas abouti à grand-chose, puisque la liste des Etats retirant leur reconnaissance à la RASD s’allongeait et que, mécaniquement, le nombre de ceux qui continuaient de soutenir le Polisario se réduisait.
Mais elle ne s’était pas sentie battue pour autant, multipliant les actions pour gêner la diplomatie marocaine. Elle avait adressé en 2014 une lettre en sa qualité de responsable panafricaine au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon pour l’inviter à accélérer le processus pour l’exercice du droit à l’autodétermination des Sahraouis, puis elle avait nommé l’ancien chef d’Etat du Mozambique, Joachim Chissano, en tant qu’Envoyé spécial pour l’affaire du Sahara, avec mandat de rencontrer les Grands (et moins grands) de ce monde et leur expliquer la version de la présidente sur le Sahara. Elle avait aussi appelé le secrétaire général de l’ONU à s’assurer que les droits de l’Homme sont respectés au Sahara. Mme Zuma a fait également part de son inquiétude quant à l’exploitation qu’elle juge illégale des richesses naturelles des provinces sahariennes.
Tous ces efforts n’avaient pas abouti à grand-chose, et voilà qu’en juillet, coup de théâtre en Afrique et de massue pour Mme Dlamini Zuma : le Maroc annonce son intention d’entrer à l’UA, et Mohammed VI adresse un message en ce sens aux chefs d’Etat du continent réunis en conférence et en Sommet à Kigali. 28 pays signent alors une déclaration de soutien à cette demande, soit la moitié plus une voix des 54 Etats membres.
Deux mois après, le 22 septembre, le souriant conseiller du roi Taïeb Fassi Fihri rencontre la présidente de la Commission à New York et lui remet en mains propres la demande officielle d’adhésion du Maroc. Elle tweete sur cette rencontre « avec Salaheddine Mezouar, ministre marocain des Affaires étrangères », sur une photo la montrant avec Fassi Fihri (photo). Négligence ? Indifférence ? Mépris ? Légèreté ? Le bon Dr Zuma connaît la réponse.
Elle garde toutefois la lettre sous le coude, et il aura fallu un appel téléphonique irrité de Mohammed VI au président tchadien et président en exercice de l’UA, le 31 octobre, lui demandant d’intervenir, pour que Mme Zuma consente enfin à remettre la lettre aux différents pays membres de l’Union.
Aujourd’hui, et à quelques semaines du Sommet de l’UA, qui doit se réunir à Addis Abeba pour discuter de son départ à elle en élisant son remplaçant, et de l’arrivée du Maroc, Mme Zuma vient de prendre une décision inédite… Ayant reçu des lettres de soutien d’une grande majorité des Etats africains à la demande d’adhésion du Maroc, elle a décidé de rejeter ces lettres, sans motif sérieusement valable ou valablement sérieux..
Cela a quelque peu énervé notre ministère des AE qui s’est fendu ce 30 novembre d’un communiqué encore plus énervé face au manquement au devoir de réserve de la présidente et au non-respect de la volonté des Etats membres : « Le Royaume du Maroc dénonce vigoureusement les manœuvres continues de la Présidente de la Commission de l’Union Africaine, qui tente de contrarier la décision du Maroc de regagner sa place naturelle et légitime au sein de sa famille institutionnelle panafricaine.
Ainsi, et après avoir retardé, de manière injustifiée, la diffusion de la demande du Maroc aux membres de l’UA, Mme. Nkosazana DLAMINI-ZUMA poursuit son élan d’obstruction, en improvisant une nouvelle exigence procédurale, inédite et sans fondement ni dans les textes ni dans la pratique de l’Organisation, et par laquelle elle rejetterait arbitrairement les lettres de soutien au Maroc émanant des Ministères des Affaires étrangères des Etats membres de l’UA.
La présidente de la Commission de l’Union Africaine se met en contradiction avec son devoir de neutralité, les règles et les normes de l’Organisation et la volonté de ses Etats membres.
En effet, le Maroc dispose à ce jour, documents à l’appui, du soutien et de la pleine adhésion d’une grande majorité d’Etats membres, largement supérieure à celle requise par l’Acte Constitutif de l’UA. Ces membres ont, d’ores et déjà, communiqué à Mme. ZUMA des lettres de soutien, formelles et juridiquement valides, à la décision du retour du Maroc à l’Organisation panafricaine dès le prochain Sommet ».
On peut reprocher ce qu’on veut au Dr Dlamini Zuma, mais pas son attachement à ses idées, au risque de transgresser les règles de neutralité et d’irriter les chefs d’Etat africains ayant décidé de soutenir le Maroc.
Cela étant, on notera de ce communiqué de la diplomatie marocaine le segment de phrase : « grande majorité d’Etats membres, largement supérieure à celle requise par l’Acte Constitutif de l’UA ». Cela signifie en clair qu’en plus des 28, Rabat a pu obtenir encore plus de soutiens, peut-être autant que le requiert la majorité des deux tiers (d’où l’adverbe « largement »), nécessaire pour amender les statuts de l’UA et entamer la procédure d’expulsion de la RASD. Qui fait désordre…
Aziz Boucetta