Affaire des déchets italiens, Hassad défend el Haité, Benkirane se tait mais Yatim (s’)interroge…

Affaire des déchets italiens, Hassad défend el Haité, Benkirane se tait mais Yatim (s’)interroge…

Il est bien possible que les déchets importés d’Italie vers le Maroc respectent les conditions et les conventions en la matière. Mais s’il y a une partie qui sème le doute dans l’esprit des populations, c’est bien le gouvernement et son parti majoritaire, le PJD. En effet, alors que le ministre de l’Intérieur a défendu sa collègue de l’Environnement en Conseil de gouvernement, le 1er vice-président de la Chambre des représentants Mohamed Yatim demande des explications au gouvernement. Une cacophonie institutionnelle…

2.500 tonnes de déchets italiens sont sur notre sol, semblerait-il… Le doute est permis car la ministre de l’Environnement Hakima el Haité a affirmé à la presse que le déchargement n’a pas encore eu lieu. Mais dans son communiqué, publié en début de semaine, la même parlait de cette affaire comme si la cargaison était déjà sur les lieux de son incinération.

Et puis, en Conseil de gouvernement, c’est le ministre de l’Intérieur qui monte au créneau pour défendre sa collègue, absente pour motif de voyage  à l’étranger. Qu’a dit donc Mohamed Hassad ? « Ce qui se dit autour de cette affaire n’est pas exact… ces produits-déchets sont utilisés pas plusieurs pays européens, dont l’Italie, et leur importation au Maroc répond aux critères de la Convention de Bâle, est soumise aux vérifications d’usage dans les ports nationaux pour s’assurer de cela et, au final, est aussi contrôlée dans les usines où ils seront incinérés ».

Tout cela est correct, sauf que l’argumentaire développé par le ministre n’est absolument pas convaincant. Voulant être persuasif, Mohamed Hassad commence par affirmer que les accords et critères internationaux sont respectés, avant de dévoiler une batterie de vérifications et de dérouler l’argument quelque peu fallacieux de « y a pas que nous, les autres aussi le font »…. C’est un peu comme si tout le monde doutait de tout et de tout le monde. On ne peut reprocher à l’opinion publique de douter, elle aussi, à son tour. C’est bien la moindre des choses.

Et puis la question du groupe parlementaire PJD… et pas de n’importe qui… C’est Mohamed Yatim qui est à la manœuvre, et tout le monde connaît la place que tient ce député dans la hiérarchie du


PJD et l’amitié qui le lie à Abdelilah Benkirane, lequel l’a fait 1er vice-président de la Chambre. Mohamed Yatim a donc adressé une question au ministre de l’Energie, le PJD Abdelkader Amara, toujours muet dans cette affaire. Il souhaite s’enquérir des dangers encourus par la population du fait de la présence de ces déchets sur le sol marocain, et s’interroge aussi, en interrogeant le ministre, sur les mesures prises pour faire face à ces risques.

Une sorte de cacophonie muette (si l’on ose dire…) de la majorité. Une ministre en charge de l’Environnement permet l’importation de déchets dans son pays, organisateur d’une conférence mondiale sur la protection de la planète, pendant une opération nationale d’éradication du plastique dans nos verts pâturages, un chef du gouvernement très prolixe sur tout sauf pour cette affaire, un ministre de l’intérieur qui, fort de son autorité et de son aura, prend position pour dire que tout va bien, et un député très proche de Benkirane qui s’interroge sur ce qui pourrait ne pas aller…

Pour leur part, les cimentiers, par la voix de leur association (APC), ont pris part à cette polémique en expliquant leur position. Leur communiqué précise donc que « grâce à la température élevée (1450°C) et au temps de séjour dans le four, les matières et molécules sont totalement détruites, sans impact sur les émissions et sans résidu ultime. Les cimentiers marocains sont engagés depuis 2002 dans la valorisation des déchets locaux et ont valorisé en 2015 plus de 500.000 tonnes ». S'en suit une longue explication sur le caractère tout à fait normal de la procédure d'incinération, et même d'importation des déchets de l'étranger.

Pendant ce temps, la pétition lancée voici quelques jours a dépassé la barre des 18.000 signatures… Autant dire que le public n’est pas nécessairement convaincu du bien-fondé des explications publiques, et de la capacité de la ministre Hakima el Haité à communiquer convenablement sur une question devenue affaire d'opinion publique… On commence déjà à dire sur les réseaux que Mme el Haité possède une entreprise proche du domaine des déchets, que la solidarité gouvernementale vole en éclats... Le Maroc de la COP22 n'avait pas vraiment besoin de cela.

AAB