Chambre des conseillers… faites vos jeux, rien ne va plus !

Chambre des conseillers… faites vos jeux, rien ne va plus !

Peut-on parler de jeu quand on évoque une institution législative ? Bien malheureusement, oui… du jeu et même du grand guignol. Qu’on en juge… une opposition qui a la majorité numérique, mais très théorique et une majorité gouvernementale qui est en infériorité numérique plutôt rude. L’opposition est éclatée entre deux candidats à la présidence et la majorité présente un candidat PPS, sans être sûre des autres partis de son bloc… Alors un jeu, ou non ?... Explications

Composition de la Chambre

Le législateur a considéré que cette institution, créée en 1996, était hypertrophiée avec ses 270 membres. Beaucoup trop en effet pour un rôle éminemment technique, comme l’a rappelé le roi Mohammed VI : « La Chambre des Conseillers se distingue par une composition variée, aux spécialités multiples, d’autant qu’elle rassemble en son sein un groupe de compétence et d’expertises locales, professionnelles, économiques et sociales ». Il n’y a nul besoin d’être 270 pour réunir ces compétences.

Et donc, de fait, la constitution 2011 a ramené l’effectif des Conseillers de 270 à 120, répartis en 4 collèges : 72 pour les collectivités locales, 20 pour les Chambres professionnelles, 20 pour les syndicats, et 8 pour les employeurs, représentés par la CGEM.

Les candidatures à la présidence de la Chambre

Le futur président de la Chambre des conseillers (ou la future présidente, qui sait ?) sera le 4ème personnage de l’Etat, après le roi, le chef du gouvernement et le président de la Chambre des représentants. Cela suscite des convoitises, mais les candidatures proposées manquent presque toutes d’expertises techniques, sauf une.

Pour être élu, le (la) candidat(e) devra réunir 60 suffrages au moins autour de son nom au premier tour et, au second tour, la majorité relative pour l’un des deux candidats issus du premier. Mais les calculs sont durs, ardus, et tout à fait incertains et improbables…

Il y a, à quelques heures de l’ouverture de la séance du vote, 4 candidats annoncés, mais la déclaration officielle se fait à main levée durant cette séance.

L’opposition au gouvernement, éclatée du fait de l’humeur de Hamid Chabat, présente deux candidats, en les personnes de Hakim Benchammass (PAM, président du groupe PAM sortant) et d’Abdessamad Qayouh (Istiqlal, ancien ministre de Benkirane I).

La majorité présente le PPS Abdellatif Ouâmmou.

Le collège CGEM, en principe sans appartenance politique, présente Neila Tazi.

… et on murmure que l’UMT pourrait présenter en dernière minute un candidat aussi.

Le vote se fait à bulletin secret, ce qui complique singulièrement les choses.

Les « forces » en présence

L’opposition au gouvernement à la Chambre des représentants est donc la majorité dans celle des conseillers. L’Istiqlal y dispose de 24 sièges, le PAM de 23 sièges, l’USFP de 5 et l’UC de 3, ce qui fait, hors syndicats et CGEM, un total


de 55 sièges.

La majorité gouvernementale, à la Chambre des conseillers,  y devient la minorité et c’est le PJD (12 sièges), le MP (10), le RNI (8) et le PPS (2), soit 32, loin derrière l’autre bloc.

La CGEM dispose de 8 élus et l’UMT de 6.

Que se passera-t-il ?

Bien malin qui pourrait apporter un quelconque pronostic, alors on entre dans les bien hasardeuses supputations, fort habituelles chez nous au demeurant…

Le PAM aura ses voix, plus quelques-unes du RNI et du MP (ils ne sont pas dans le même camp mais il ne faut pas trop chercher à comprendre…), et aussi de quelques syndicats.

L’Istiqlal obtiendra ses voix (en principe), celles de son syndicat l’UGTM (3) et peut-être de la CDT (4).

Le PPS, c’est-à-dire le bloc gouvernemental, aura ses deux voix et celles du PJD et de son syndicat l’UNTM (4), et aussi, sans doute, quelques-unes du RNI et du MP (il ne faut toujours pas chercher à comprendre les choix de ces deux partis…)

Neila Tazi aura normalement 8 voix, celles de son collège, plus quelques-unes de femmes supportant la parité et attirées par la personnalité de la candidate.

Puisqu’on ne sait pas pour qui voteront les RNI, MP et USFP, on ne peut rien supposer, sauf à entrer dans des calculs de probabilités que même la science mathématique n’a pas encore mis au point.

Ce qui est sûr, en revanche, est que si Qayouh est au second tour et qu’Ouâmmou en est absent, le bloc gouvernemental soutiendra le premier, dans un vote sanction contre Benchammass et le PAM ; mais si Ouâmmou passe au second tour, les partis au gouvernement voteront, disent-ils, pour lui… Nabil Benabdallah, soutenu par son désormais grand ami Benkirane, fait tout pour cela, contactant à droite et à gauche, et même ailleurs…

Ce qu’on sait de façon certaine, c’est qu’on ne sait pas dans quel sens se feront les reports de voix.

On dit que la CGEM pourrait, au dernier moment, ne pas présenter la candidature de Neila Tazi pour ne pas entrer dans les calculs politiciens en cours et ne pas contribuer à compliquer encore plus la situation. Mais on dit aussi que Mme Tazi maintiendra sa candidature pour envoyer un message fort, très fort, sur la parité et sur la cohésion du groupe CGEM, auquel cas, pour le second tour, ce même groupe pourrait voter en masse pour l’un des deux candidats issus du premier tour. Dans les deux cas, la CGEM en sortirait grandie et renforcée et obtiendrait ainsi une vice-présidence. Pour cela, elle devrait annoncer une consigne de vote, et la médiatiser. Mais là encore, rien n’est sûr.

Solution de l’impossible équation cet après-midi. Dans l’attente, l’aspirine serait un bon atout…

Aziz Boucetta