Musée Mohammed VI : les raisons du départ du Commissaire de l’exposition
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Quand le roi Mohammed VI avait inauguré le Musée qui porte son nom à Rabat, cela s’était fait sans le commissaire de l’exposition permanente, Mohammed Rachdi. Cet artiste et critique d’art avait quitté les lieux à la mi-octobre et si les artistes et les acteurs culturels étaient au courant, le grand public lui, ne s’était aperçu de rien. Mohammed Rachdi accuse la fondation des Musées d’avoir spolié son travail de commissariat. « Je n’ai pas quitté le musée par plaisir, on m’a contraint à le faire. Il s’agit donc pour moi d’un véritable avortement curatorial », confie Mohammed Rachdi dans un entretien à PanoraPost (lire l’interview ci-dessous). Mehdi Qotbi niait en bloc toutes les accusations envers l’institution qu’il préside et envers son équipe. « Ce monsieur avait signé un contrat avec la fondation des musées et ce contrat s’est achevé, tout simplement » explique-t-il avant de s’efforcer à préciser qu’il ne veut pas polémiquer. « Je rencontre plein de gens a l’étranger qui me disent que le musée est très beau, il faut positiver, je suis fatigué de la polémique ». Le président de la Fondation Nationale des Musées a aussi déclaré à PanoraPost que lorsqu’Abdelaziz Drissi est arrivé, il a voulu modifier, ajouter certaines choses et que c’était son droit. Si Mohammed Rachdi considère aujourd’hui légitime de dévoiler ce qu’il qualifie de manque de rigueur de la part de l’équipe du Musée, Mehdi Qotbi lui répond quant à lui qu’il peut intenter un procès s’il le souhaite.
(Cet article avait été mis en ligne en octobre 2014, mais il a été supprimé pour des raisons techniques indépendantes de notre volonté ; nous le remettons en ligne suite à la demande de nombreux artistes. Nous nous en excusons auprès d’eux et des autres visiteurs de panoraPost. NDLR)
Qods Chabâa
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Mohammed Rachdi : « Le contenu du Musée Mohammed VI est altéré »
Avant même l'ouverture du Musée d'art contemporain, vous avez quitté votre poste de commissaire d'exposition. Que s'est-il passé ?
Je ne l’ai pas quitté par plaisir ! On m’a contraint à le faire ! Il s’agit donc pour moi d’un véritable avortement curatorial. Le grand public ne le verra peut-être pas, mais cela n’a pas échappé aux artistes et aux acteurs du monde l’art. C’est une spoliation d’une œuvre de commissariat dont il est question ! C’est vraiment malheureux d’inaugurer le premier musée dédié à l’art moderne et contemporain dans notre pays, avec un tel mépris de la mission des experts.
J’ai conçu le projet de cette exposition inaugurale et j’ai beaucoup travaillé pour ce musée à plusieurs niveaux. Mais je n’ai malheureusement pas pu accomplir sa réalisation. Or, la mission du commissaire dépasse le simple niveau de la conception. En effet, son rôle se poursuit en médiateur lors et après l’inauguration pour justifier ses choix et expliquer le pourquoi et le comment de son concept d’exposition…
Or, je n’ai pas pu finaliser mon projet à cause notamment d’une divergence de vision avec la Fondation Nationale des Musées (FNM) et en raison aussi du niveau de mon exigence dans le montage.
La forme prise par l’exposition est tronquée et son contenu fortement altéré et on a diffusé à la presse des textes que j’ai rédigé sans respect des droit d’auteur !... sans parler du fait qu’on n’a
pas mentionné l’auteur dans tous les textes affichés dans cette exposition pour présenter les différentes articulation du parcours muséographique. Est-il normal qu’un musée démarre avec un tel non respect de l’auteur et des exigences scientifiques ?
Cet équipement muséal a été initié par Sa Majesté pour la conservation, la promotion, la diffusion et la connaissance de notre patrimoine artistique. Nous nous devons d’être responsables et réellement à la hauteur de cette noble mission. Nous sommes malheureusement loin du compte.
Votre tache consistait à réaliser le parcours artistique du Musée. Comment avez vous procédé ?
Pour structurer l’exposition, j’ai défini quatre périodes essentielles subdivisée chacune en plusieurs thèmes. Le but est de tisser une trame signifiante en entrecroisant un parcours chronologique avec un découpage thématique. Il s’agit de remonter l’histoire de l’art moderne et contemporain du Maroc en partant de la profusion hétéroclite de la création actuelle jusqu’aux balbutiements des tout débuts de modernité artistique qui coïncide dans notre pays avec l’introduction au début du 20ème siècle de l’image photographique et picturale au sein d’un art ancestral fondé sur l’écriture et l’ornement qui font intimement corps avec leurs supports.
L’objectif est de planter des jalons aussi clairs que possible pour mieux faire connaître l’articulation et l’évolution de notre histoire de l’art moderne et contemporain.
Permettez-moi de signifier ici mon désaccord total avec le titre choisi par la FNAM pour cette exposition. Rien, absolument rien ne peut justifier la date de 1914, puisque des œuvres de 1901 y sont montrées. Du point de vue historique et scientifique, ce n’est pas sérieux pour une institution muséale d’agir avec un tel manque de rigueur.
Plusieurs artistes ont refusé de prêter leurs œuvres. Quelle en est la raison ?
En fait, il n’y a pas de refus de la part des artistes de prêter leurs œuvres. Seuls quelques collectionneurs avaient marqué leurs réticences à prêter leurs créations par peur (à mon sens non justifié) du risque de ne plus les récupérer à la fin de l’exposition. Mais, en réalité, beaucoup ont joué le jeu. Et cela fait plaisir de savoir que dans notre pays, il y a des bonnes volontés. Encore faut-il ne pas les décevoir en veillant surtout à faire un travail de qualité !...
Comment vivez-vous en ce moment le fait que vous ne soyez plus le commissaire d'exposition ?
Le problème, c’est que je suis le commissaire de cette exposition sans l’être tout à fait ! Beaucoup d’artistes et d’acteurs du monde de l’art m’ont écrit, appelé, téléphoné parce que j’étais absent lors de l’inauguration en me disant à quel point j’y étais encore plus présent ! Et ils savent parfaitement de quoi ils parlent ! J’aurais aimé honorer cet événement et en profiter pour expliquer à Sa Majesté la réalité des dysfonctionnements et tout ce qu’on lui a certainement caché sur cette affaire, mais je ne voulais pas gâcher la fête. Ce musée est voulu par Sa Majesté pour tous les citoyens, il nous appartient donc de nous l’approprier en ouvrant un véritable débat contradictoire pour que chacun puisse assumer ses responsabilités et œuvrer effectivement pour l’intérêt général, par-delà les déclarations d’intention qui ne sont jamais suivies d’actes.
Propos recueillis par Qods Chabâa