Le CESE pointe du doigt le modèle économique du gouvernement

Le CESE pointe du doigt le modèle économique du gouvernement

Dans son rapport 2017 le CESE estime que de nombreux évènements majeurs ont caractérisé l’année 2017. Sur le plan régional, et consécutivement à sa réintégration à l’Union Africaine en début d’année, le Maroc a consolidé son engagement envers le continent africain, en présentant officiellement sa demande d’adhésion à la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) où, il compte œuvrer pour une approche gagnant-gagnant visant à exploiter les opportunités de partenariat et d’échange dans des secteurs d’ordre stratégique.

Au niveau national, l’année 2017 a été marquée par le retard accusé dans le processus de formation du Gouvernement, l’adoption tardive de la loi de finances, ainsi qu’un climat social tendu reflété par les manifestations qui ont eu lieu dans certaines zones du pays. S’agissant du contexte économique, l’activité de 2017 a enregistré un rebond significatif passant de1,1% en 2016 à 4,1% en 2017 en raison, notamment, d’une bonne campagne agricole. En effet, la valeur ajoutée agricole a progressé de 15,4% contre une baisse de 13,7% un an auparavant, alors que le rythme de croissance non agricole est resté modeste, en dépit de son accélération de 2,2% à 2,7% d’une année à l’autre. Néanmoins, cette amélioration demeure essentiellement conjoncturelle, étant donné que l’économie nationale continue de pâtir de nombreux déficits structurels qu’il convient de résorber.

L’institution présidée par le Secrétaire général du Parti Istiqlal, Nizar Baraka, estime que cette situation suscite des questionnements par rapport au modèle de croissance actuel qui continue de souffrir de nombreuses défaillances qui entravent sa capacité de créer de la richesse. Ces déficits ont trait, notamment, au caractère dual de l’économie nationale où coexistent d’une part, quelques branches modernes dynamiques et intégrées aux chaines de valeurs mondiales et, d’autre part, des branches à faible valeur ajoutée, ainsi que des activités informelles.

Pointant du doigt les goulots d’étranglements de la croissance, le Conseil fustige le modèle de croissance actuel qu’il estime « limité » et dont les ressorts sont perceptibles également au niveau de l’investissement qui, tout en demeurant élevé, affiche une faible efficacité. Pour le Conseil, ce constat renvoie à la nécessité de promouvoir davantage l’investissement dans des secteurs à plus forte valeur ajoutée et ceux disposant d’effets d’entrainement plus importants sur le reste des branches de l’économie nationale. Pour parer à cette série de mauvais choix, le CESE appelle à la mise en place d’une entité indépendante, chargée de l’évaluation Ex-ante et Ex-post des politiques et des investissements publics.

S’agissant des échanges extérieurs en grande partie dominés l’industrie automobile, l’année 2017 a été caractérisée par une hausse généralisée des exportations avec un léger creusement du déficit commercial à 188,8 Mds de dirhams. Par contre l’électronique et l’industrie pharmaceutique peinent à tenir la dynamique leur permettant de contribuer significativement à l’amélioration du solde commercial. Pour le Conseil, cette situation reflète, également, la faible orientation des entreprises marocaines à l’exportation, en particulier les TPME, avec à peine 6324 entreprises ayant pu exporter en 2017.

Toujours dans le choix des exportations, le CESE fustige les orientations qui sont globalement faites vers des zones géographiques à faible croissance économique, avec seulement 12,4% des exportations qui sont dirigées vers des économies affichant des taux de croissance supérieurs à 4,5%. Dans ce contexte, le Conseil suggère la nécessité d’accélérer les efforts pour une diversification géographique des exportations vers des partenaires potentiels plus dynamiques et disposant, en même temps, d’un marché de taille attractive.

A propos des relations commerciales entre le Maroc et l’Afrique sub-saharienne, le Conseil souligne une tendance haussière quasi continue depuis 2013. Et pour la promotion de cette relation, il déclare qu’il convient de multiplier les efforts pour réduire mutuellement les barrières douanières qui demeurent très élevées, renforcer la connectivité logistique et sa qualité entre le Maroc et ses partenaires africains et accélérer la sophistication de la structure des exportations du Maroc afin d’en accroitre le degré de complémentarité commerciale par rapport aux besoins en importation des pays d’Afrique subsaharienne.

Autre facteur bloquant de la croissance du pays. L’environnement des affaires. Le Maroc a régressé d’une place aussi bien dans le classement de l’indice de compétitivité du Forum Economique Mondial (71e), que dans le classement de Doing Business (69e) rappelle le Conseil. Dans leur analyse les équipes de M. Baraka expliquent que ces mauvaises performances sont tributaires de cinq facteurs constituant les principales entraves à l’amélioration de l’environnement des affaires à savoir la corruption, le manque d’efficience de l’Administration publique, l’accès au financement, la fiscalité, ainsi...

qu’une éducation inadéquate par rapport aux besoins du marché du travail. A ces éléments, s’ajoute également l’allongement des délais de paiement qui ont continué leur mouvement à la hausse pour atteindre 99 jours en moyenne en 2017, alors que les textes d’application de la loi sur les délais de paiement, adoptée en 2016, ne sont pas encore publiés. Dans ce contexte, le rythme de création d’entreprises a ralenti de 8,3% à 5,2% en 2017, tandis que les difficultés de survie des jeunes entreprises persistent vu que 37% des entreprises radiées en 2017 avaient moins de cinq ans et 69% avaient moins de 10 ans.

Social

Sur le plan social, les déficits structurels continuent à peser sur les secteurs de l’éducation et de la formation professionnelle, estime le CESE qui rapporte que la rentrée 2016/2017 a révélé plusieurs dysfonctionnements, notamment ceux relatifs au recrutement d’enseignants n’ayant pas une formation adaptée aux métiers de l’éducation et de la formation ainsi que la surcharge des classes. En outre, il déclare que le développement des effectifs au sein de l’enseignement privé pose la question de la mixité sociale et interpelle sur la fracture sociale que peut engendrer un système d’enseignement à plusieurs vitesses et peut constituer une menace pour la cohésion sociale et une perte de confiance des citoyens dans la capacité à évoluer socialement à travers l’école.

Pour ce qui est de la formation professionnelle, le secteur connait certes une hausse importante des effectifs inscrits, mais l’incidence du chômage parmi les lauréats de ce cycle reste élevée et dépasse celle des étudiants issus de l’enseignement généraliste. Le Conseil explique que cette situation renvoie au besoin de renforcer les mécanismes d’orientation et de mettre davantage l’accent sur la qualité que sur les capacités d’accueil.

Le secteur de la santé n’est pas reste, la généralisation de la couverture médicale de base se poursuit, atteignant 60% de la population à fin 2017 selon le ministère de la santé, en lien notamment avec la poursuite de l’inscription des étudiants. Toutefois, et en dépit de l’adoption, en 2016, de la loi sur la couverture médicale pour les indépendants, celle-ci n’est pas entrée en vigueur en 2017. En outre, malgré l’avancée dans la généralisation de la couverture médicale de base, des dysfonctionnements liés au financement du dispositif et à la gouvernance du secteur sont à relever aussi bien pour l’AMO que pour le RAMED. Ainsi, pour l’Assurance Maladie Obligatoire, le reste à charge des ménages connait depuis plusieurs années une hausse permanente, notamment dans le secteur privé. A cet égard, la révision et un contrôle renforcé des tarifs appliqués par le secteur s’imposent.

S’agissant du RAMED, il a totalisé 11,7 millions de bénéficiaires à fin 2017, le Conseil déclare que la généralisation du RAMED n’a pas été accompagnée par une hausse correspondante des financements et des ressources humaines du secteur de la santé publique pour leur permettre de répondre à la croissance des besoins en termes de soins.

Au niveau du logement, il propose que la politique de l’habitat ne se limite pas uniquement à la construction de logements, mais devrait s’étendre à une politique sociale intégrant l’emploi, l’éducation, la santé, la culture et la mobilité. Pour ce qui est de l’égalité de genre et de la parité, il y a lieu de déplorer la prééminence de la pauvreté, du chômage et du faible taux d’activité parmi les femmes.

S’agissant de la situation des catégories vulnérables, il déclare que le programme « Tayssir » est confronté à plusieurs difficultés relatives notamment à la faiblesse du montant des bourses et à l’irrégularité des versements aux familles et propose une amélioration de la gouvernance des dispositifs incitatifs actuels.

Pour ce qui est du climat social, 154 mouvements de grèves dans le secteur privé, menés dans 121 entreprises, ont eu lieu en 2017, engendrant 178.289 journées de grèves. La cause principale des grèves reste le non-respect du code de travail par les employeurs.

Pour l’institution de Nizar Baraka, le constat devrait alerter sur les conditions de travail dans le pays et sur l’application du code du travail. Parmi les nombreux déficits confirmés par le diagnostic de la situation sociale en 2017, le Conseil a particulièrement mis l’accent sur deux aspects, à savoir, la nécessité de « renforcer l’engagement en faveur de la promotion d’une égalité de genre effective » et « d’ériger l’élargissement et la préservation de la classe moyenne en tant qu’axe prioritaire des politiques publiques ».

Mouhamet Ndiongue

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