Mohamed Karim Lamrani, le "joker d'Hassan II", est mort à 99 ans

Mohamed Karim Lamrani, le "joker d'Hassan II", est mort à 99 ans

L’ancien Premier ministre et ancien patron de l’OCP est décédé ce matin à l’âge de 99 ans, selon sa biographie officielle. Mohamed Karim Lamrani a été plusieurs fois Premier ministre sous Hassan II et aussi le patron emblématique de l’Office chérifien des phosphates.

Fassi d’origine, il a vécu d’expédients durant la période du Protectorat, multipliant les petites affaires ici et là, avant de prendre la décision de se transporter à Casablanca dans les dernières années de la présence française au Maroc. A l’indépendance, ayant fait entretemps fortune, c’est tout naturellement vers lui que se tourne le gouvernement marocain pour prendre les rênes de l’OCP, en raison de sa connaissance des affaires et de sa proximité avec les milieux économiques français. C’est le début d’une longue ère de prospérité de l’Office, et de la notoriété de Mohamed Karim Lamrani, localement et à l’international. Et de sa richesse.

Ses relations avec les milieux fassis de l’Istiqlal et avec les gens d’affaires ont conduit le roi Hassan II à le désigner à la tête de son premier gouvernement, en 1971, et jusqu’en 1972. Il était alors aux commandes lors de deux tentatives de putsch militaire contre le chef de l’Etat marocain. Dans les années 80, il a été à la manœuvre également, aux temps de disette et d’ajustement structurel, qu’il avait négocié avec les instances financières internationales.

Qualifié comme le premier technocrate du royaume, il a contribué à l’émergence d’une classe d’affaires, elle-même devenue avec le temps et les vicissitudes de la vie politique nationale une pépinière de technocrates politiques. Mais alors qu’il servait le pays et...

son roi, le défunt a gardé un œil sur ses affaires, étant devenu l’un des hommes les plus riches du pays, à la tête de plusieurs grands groupes aux activités éclectiques (SMEIA, Davum Socodam...).

Bourreau de travail, et bourreau donc pour ses collaborateurs inefficaces ou incompétents, Mohamed Karim Lamrani était un homme à la main de fer dans un gant de velours. Apprécié de ses amis et de ses adversaires, il savait charmer pour arriver à ses fins, et se montrait toujours, par tous temps, un redoutable négociateur. C’est pour cela qu’Hassan II l’avait appelé à trois reprises à la tête du gouvernement, quand cela allait mal : après les coups d’Etat au début des années 70, au moment de l’ajustement structurel de 1983 à 1986, et en 1992-1994, quand le roi défunt, ayant appris sa maladie, a commencé à préparer sa sortie et sa succession. Il avait eu à discuter, négocier, pinailler, ergoter avec les grands que furent les syndicalistes Mahjoub Benseddik et Noubir Amaoui et les politiques Mhamed Boucetta, Abderrahim Bouabid et bien d’autres.

Mohamed Karim Lamrani, l’homme au cigare éternellement vissé aux lèvres, amateur de bonne vie et d’agapes joyeuses, a disparu de la sphère politique et entrepreneuriale nationale à la fin des années 90, sa fille Saïda ayant pris la relève. Le "bulldozer" qui balayait tout sur son passage, alternant son bon sourrire et ses gros coups de gueule, s'est mis à l'arrêt.

Paix à son âme, le Maroc a aujourd’hui perdu un Grand, peu connu ou méconnu, mais qui a laissé sa trace dans la haute technostructure du royaume.

Aziz Boucetta

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