Forum Festival Gnaoua: «L’impératif d’égalité » ou le sens de «la décision partagée»

Forum Festival Gnaoua: «L’impératif d’égalité » ou le sens de «la décision partagée»

Le Forum du Festival Gnaoua Musique du Monde, qui avait pour thème majeur «L’impératif d’égalité», a posé avec acuité le débat sur la place de la femme dans les sociétés africaines modernes avec comme toile de fond le rôle des élites et des gouvernants qui préfèrent ignorer voire reléguer cette exigence des femmes, qui pour certains, est une exigence universelle.

Universelle est aujourd’hui l’inégalité à l’égard des femmes dont a parlé Françoise Héritier qui l'a dénommé «discrimination universelle». La femme est discriminée universellement, dans toutes les parties du monde. Anthropologue et ethnologue, Françoise Héritier a contribué avec Lévi-Strauss à combattre le mythe du matriarcat (qui demeure toujours une utopie). « Il n’y a pas de société matriarcale dans le monde, toutes les sociétés sont patriarcales. », disait Lévi-Strauss.

Au cours du forum, il a été rappelé combien le code est patriarcal et c’est peut-être cela la première violation. Déjà vendredi lors du panel dont le thème porté sur « Des avancées incontestables, des discriminations persistantes », la Tunisienne, Mme khadija Cherif, sociologue, de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD), a insisté sur « la solidarité des Etats pour ne pas aller de l’avant », et Mme Ghita Lahlou, directrice de l’Ecole Centrale de Casablanca, ce samedi, lors du panel portant sur « Les voies de la réforme » a pointé du doigts la frilosité des élites et des décideurs publics.

A propos du code patriarcal qui est associé au dahir de 1919, Mme Rkia Bellot, du mouvement des femmes soulaliyates souhaite de son vœu qu’il soit abrogé, car pour elle, c’est une loi où la femme est reléguée et écartée pour qu’elle n’ait pas d’indemnité dans les ayants droits qui devraient lui revenir.

L’article 40 de l’état civil a été évoqué où les quatre pages pour la polygamie sont toujours prévues et que cela nécessite aussi une révision. A ce titre, les femmes pensent que cet universel commun que partage les citoyens marocains est un universel discriminatoire, ce que Mme Leila Rhiwi, représentante d’ONU Femmes Maghreb, a appelé les éléments critiques du sens « crisis » (crise) qui empêche les normalisations qu’elle appelle de ses vœux.

La chanteuse malienne Fatoumata Diawara a aussi fait un tour au forum avant sa montée sur scène, la Malienne a témoigné de façon extraordinaire pour dire que c’est avec les instruments que les hommes dominent, et être femme musicienne, cela signifie simplement sa voix. Définit par les grecs comme le plus petit et le plus inapparent des corps, cela on le laisse aux femmes. Fatoumata Diawara révèle que si elle veut utiliser les instruments détenus par les hommes, elle rencontre plusieurs violences. Et la négation de cet instrument musical, « c’est la négation de tout le rapport et qui définit en quelque sorte la mise en cause de l’humanisation de l’homme » explique -t-elle. Et « l’humanisation de l’homme se fait de manière...

continue par le caractère artificieux de créer des instruments et des techniques qui relèguent la femme » ajoute la Française, Mme Geneviève Fraisse, philosophe et historienne, ex-déléguée aux droits des femmes. Mme Fraisse définit en outre que « le sexisme comme étant la disqualification quasi ontologique de la femme, voire quasi substantielle de la femme ».

Mme Rkia Bellot est revenue sur la dépossession sur les soulaliyates, l’absence d’indemnité et l’accès à la propriété ainsi que la dot discriminante. Mme Myriam El Khomri, ancienne ministre et conseillère à ville de Paris, suggère « une approche holiste parce que les lois sont en constellation en résonnance et dans cette résonnance, il faut ajouter ce qui fait partie de ce lot c’est la dépénalisation de l’homosexualité et l’a abolition de la peine de mort et c’est le moment pour une nation de négocier un tournant civilisationnel tant est qu’une femme est le miroir de la société. »

Le thème du Forum « L’impératif d’égalité », madame Fraisse qui estime que « l’impératif est une urgence ». M. Mohamed Sghir Janjar, anthropologue, pense que « le processus même s’il est engagé devrait être accéléré, néanmoins, si les avancées restent modestes, elles sont réelles. » tout ceci pour dire qu’il faut inscrire une exigence dans ce cadre.

Mme El Khomri est revenue sur « le besoin de sensibilisation » dans toutes les situations complexes qu’elle a décrites lors de ce panel du samedi autour des femmes migrantes en France qui vivent de la toxicomanie, de la pauvreté, de la prostitution et de la relégation. Avant le plaidoyer de Mme El Khomri sur le besoin de sensibilisation, Mme Amina Niandou, présidente de la section de l’Association des professionnelles africaines de la communication (APAC) au Niger, a estimé qu’il y a un déficit médiatique dans l’accompagnement du droit des femmes. Dans ses propos, la militante des droits des femmes au Niger explique comment « les femmes sont invisibilisées » dans les médias et comment elle a contribué pour améliorer une charte pour l’image de la femme au Niger avec ce qu’elle appelle « les capsules de sensibilisation ».

Mme Bochra Bel Haj Hmida, députée tunisienne et sa compatriote, la sociologue, khadija Cherif ont développé le rapport Etat/ société civile avec cette oscillation entre l’antagonisme et le partenariat ; antagonisme Etat/société civile évoquée par Mme Bel Haj Hmida. Mme Cherif a ajouté l’idée d’une « oscillation et d’une ligne de crête » ou d’un passage un peu difficile de l’Etat autoritaire aux islamistes et vice versa pour le cas de la Tunisie, elle explique comment l’expérience tunisienne a arraché des droits, avis très partagé par un participant qui soutient que « les droits, ça s’arrache… ils ne sont pas donné au hasard ».

En ouverture du Forum, Madame Neila Tazi a parlé de grandes performances dans les entreprises quand « la décision est partagée. », ce qui explique tout le sens de « l’impératif d’égalité ».

 

Mouhamet Ndiongue

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