Après 2017, année de choc frontal, 2018, une année « normale » ?, par Aziz Boucetta

Après 2017, année de choc frontal, 2018, une année « normale » ?, par Aziz Boucetta

L’année 2017 s’achève donc… Une année de choc, de heurts et de malheurs, à bien des niveaux, politique et social essentiellement. Si, sur le plan diplomatique, les choses vont plutôt bien, et s’annoncent meilleures encore, en dépit de quelques hiatus, sur la scène politique interne, une rupture s’est opérée durant cette année, avec un changement du personnel politique. Plusieurs étapes ont, donc, marqué cette année 2017, augurant d’une année 2018 normale…

1/ Le blocage

La constitution 2011 a tellement été invoquée, et la scène politique 2011-2016 a été tellement agitée qu’au final, les nouvelles règles du jeu ne semblent pas avoir été comprises. Etre classé premier n’est pas exactement synonyme d’avoir remporté la majorité absolue, et quand on ne dispose pas de la majorité absolue, on n’a pas la main dans l’absolu pour faire ce que l’on souhaite.

Cela, M. Abdelilah Benkirane ne l’a pas compris, et quand il a commencé à en prendre la mesure, à comprendre le sens et l’esprit de la négociation, le fameux communiqué du 15 mars est tombé, mettant brutalement fin à sa carrière gouvernementale.

2/ Le déblocage

Après la tornade Benkirane, qui a fini par avoir raison de la cohésion interne du PJD et de la stabilité de la scène politique, Saadeddine Elotmani arrive, prend place, comprend la situation et apprend le métier. Dans la sérénité, en attendant l’efficacité. L’homme aura besoin, en 2018, d’un plus fort soutien pour mener à bien sa mission. Tirer sur un gouvernement pour raisons personnelles revient à attirer les problèmes sur l’ensemble de l’édifice politique.

Saadeddine Elotmani a aujourd’hui la légalité institutionnelle de par sa nomination royale, l’assurance constitutionnelle à travers son investiture parlementaire et la légitimité d’appareil après son élection à la tête de son parti. Il faut qu’il puisse travailler, et il faut que les intervenants comprennent que la politique, ce n’est pas un one man show…

3/ Le déminage

Six mois durant, le Maroc a vécu au rythme des événements d’al Hoceima. Le Maroc a, réellement, tangué, et le mouvement contestataire a, véritablement, failli faire tâche d’huile. Et pourtant, il faut le dire et le répéter, ce n’était pas le Hirak du Rif, synonyme de soulèvement du Rif, synonyme aussi de graves problèmes, mais des manifestations sociales dans la (seule) ville d’al Hoceima, et un ou deux bourgs environnants. Les revendications ont été entendues, les actions ont été initiées, les résultats ont commencé à apparaître et les contestations ont commencé à disparaître.

Nous retiendrons qu’il aura, quand même, fallu l’intervention du chef de l’Etat pour que les problèmes trouvent la voie des solutions.

4/ Le nettoyage

La classe politique était polluée durant ces 5 dernières années, et le résultat de cette pollution est clairement apparu en 2017. Ilyas el Omari attaque Benkirane, qui répond avec toute la puissance de son verbe et la nuisance de son vocabulaire, Hamid Chabat s’en prend à tout et à tous, puis entreprend de durer, envers tous et contre tout. Quant au RNI, après le taiseux et so british Salaheddine Mezouar, il accueille un nouveau président, Aziz Akhannouch, qui met le parti en ordre de marche, comme une entreprise. Mais en silence.

Puis intervient le séisme...

annoncé dans un discours royal, et plusieurs ministres actuels ou anciens, sont vilipendés, révoqués ou blâmés. Puis, arrive le tour du ministère de l’Intérieur, avec des dizaines de responsables limogés. D’autres sont en attente, au gouvernement et/ou dans la fonction publique. Le nettoyage a certes répondu à des considérations politiques, mais chaque responsable a désormais une épée de Damoclès au-dessus de la tête, et une trappe sous les pieds…

5/ Le recentrage

5 discours, d’octobre 2016 à novembre 2017… 5 discours de recentrage de la classe politique et de la haute fonction publique. Des propos qui gagnent en rugosité, en sévérité, en agressivité… avant d’en arriver au mot « séisme », prononcé par le roi Mohammed VI. Quelques brusques limogeages plus tard, et voilà que chez le responsables, la raideur a été remplacée par la frayeur, et chez les administrés, la résignation passive a cédé le pas à la dénonciation active.

On ne gère certes pas un pays à coups de massue, mais on peut espérer et escompter une prise de conscience des concernés pour remettre les choses à leur endroit. Ou presque.

6/ Le cafouillage

On ne peut qualifier autrement le comportement de la classe politique… Le PJD est presque scindé en deux camps et on attend de dégainer. A l’Istiqlal, Hamid Chabat est parti, Nizar Baraka est arrivé, et depuis, plus rien. Au RNI, les structures se mettent en place, les adhérents commencent à y croire, mais cela manque encore de communication et de prises de parole pour convaincre l’électorat. Au PAM, Ilyas el Omari part, puis se ravise, et ne part plus, mais les coups de feu partent de tous les côtés, vers toutes les directions.

7/ Le décollage

La diplomatie s’envole, ici en Afrique et ailleurs dans le monde. Elle est servie par les changements intervenus dans les chancelleries occidentales, à l’ONU, et même au Polisario ou Brahim Ghali se perd et désespère dans les sables du désert. Le Maroc a fait une entrée en fanfare à l’Union africaine, même s’il attend encore son entrée à la Cédéao. Dans le monde arabe, Rabat jour les équilibristes aussi savants que prudents entre des protagonistes brutaux, imprévisibles et terriblement rancuniers les uns envers les autres. A l’ONU, une victoire a été remportée avec la résolution 2351 et la désignation des pays riverains comme acteurs du conflit.

Mais une diplomatie, cela doit parler, expliquer, décortiquer, réfléchir, peser, puis communiquer. C’est le côté fragile de notre diplomatie. Elle reste taiseuse. Elle devrait évoluer sur ce point, car M. Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, est selon ses proches, quelqu’un qui sait parler. Même aux médias. Même marocains.

Et ainsi donc, voilà la nouvelle configuration de la classe dirigeante du pays. Une nomenklatura assagie, qui gagnerait à investir le champ politique. Une administration tétanisée, qui devrait comprendre qu’elle doit juste faire ce pour quoi elle est. Des ministres dopés à la perspective du séisme qui n’est jamais loin. Un Roi, désormais armé de son bras séculier appelé Driss Jettou, qui veille au grain et qui est décidé à ne plus rien laisser passer, ni à se laisser dépasser.

2018 démarre donc sur ces nouvelles bases. Nous verrons bien si c’est une année « normale », ou non.

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