La Cour des comptes : Trop de fonctionnaires, trop bien payés, pas assez compétitifs

La Cour des comptes : Trop de fonctionnaires, trop bien payés, pas assez compétitifs

La Cour des comptes a publié cette nuit du mardi 21 novembre un rapport sur la fonction publique au Maroc. Il en ressort que l’effectif des fonctionnaires au Maroc est de 860.253 personnes en 2016, mais inégalement répartis sur le territoire et les départements ministériels, de même que la masse salariale qui en découle est supérieure à ce que le Maroc peut s’offrir.

La répartition géographique

Le taux de fonctionnaires par rapport à la population est de 17,2‰ sur le plan national, mais il existe de grandes disparités régionales. Ainsi, si à Rabat, le taux de 27,8‰ et se justifie par la présence dans la capitale de toutes les administrations centrales, il n’en va pas de même, par exemple, pour la Région Dra-Tafilalet, où ce taux est de 18,3‰, ou encore dans celle de Laâyoune-Saqia al-Hamra avec 37,7‰ et Dakhla-Oued Eddahab avec 26,7‰. La Région de Marrakech-Safi, en revanche, est « sous-alimentée » en fonctionnaires, avec seulement un petit taux de 13,5‰.

La répartition sectorielle

Ils sont quatre départements gouvernementaux à s’accaparer plus de 80% de la fonction publique dans le royaume. Ainsi, le ministère de l’Education national (MEN) se réserve la part du lion, avec 49,4% des fonctionnaires, la moitié donc, tout simplement. Avec les résultats qu’on sait !

Le ministère de la Santé emploie 20,5% de la fonction publique, suivi de l’Intérieur, avec 8,4% et de l’Enseignement supérieur, avec 4,2%.

Et sur les 860.253 fonctionnaires, 583.071 sont dans la fonction publique, 147.637 travaillent dans les collectivités locales et 129.545 dans les entreprises et organismes publics.

La masse salariale

Elle est, en 2016, de 120 milliards de DH, incluant les charges fiscales et sociales. Et sur cette masse, le MEN s’adjuge 36,5%, l’Intérieur 15,2% et la Santé 7,1%.

Et c’est cher payé !

En effet, rapporte la Cour des comptes, la masse salariale publique est passée entre 2008 et 2016 de 75,4 à 120 milliards de DH (+59,2%), ce qui indique une augmentation de 5,3% chaque année durant cette période, alors même que le PIB n’aura cru pendant ces années que de 3.92% en moyenne.

En comparaison, au sein de la zone MENA (Moyen-Orient et nord de l’Afrique), le Maroc a une masse salariale élevée, soit 11,84%...

du PIB contre une moyenne de 9,8% pour les autres pays. A l’OCDE, la moyenne de la masse salariale est de 10% maximum (9,4% en France).

Parallèle entre salaire public et salaire privé

Si le fonctionnaire marocain touche en moyenne 7.700 DH, avec une augmentation de plus de moitié depuis 2006 et un SMIC qui a explosé de 90% en passant de 2.000 à 3.000 DH de 2006 à 2016, les salaires privés moyens tournent autour de 5.000 DH, avec un SMIG de 2.568 DH.

Le salaire d’un fonctionnaire au Maroc est de 3 fois le PIB par habitant, contre 1,2 en France et 1 en Espagne.

Et tout cela est dû à deux facteurs :

1/ Les augmentations salariales de 2009, 2011, 2012 et 2014 ;

2/ Les avancements et promotions au sein de la fonction publique.

Et en cause, la mauvaise gestion et l’absence de vision des autorités publiques lors des négociations dans le cadre du Dialogue social.

La Cour des comptes, pessimiste ou réaliste, estime que cette propension à l’augmentation de la masse salariale se poursuivra sur les années à venir, et elle recommande donc une meilleure maîtrise de ces dépenses salariales.

Les constats

La Cour des comptes établit des remarques sur cette fonction publique, qui coûte aussi cher aux finances de l’Etat :

1/ Qualité médiocre des prestations en dépit des moyens dévolus ;

2/ Absence d’une culture d’évaluation de la fonction publique ;

3/ Faible exploitation des rapports et projets en vue de la simplification des procédures administratives ;

4/ Faible impact du ministère de la Fonction publique et grande domination des Finances ;

5/ Gestion obsolète des ressources humaines de l’Etat ;

6/ Une formation continue sans vision ni perspectives, et promotion non liée aux rendus ;

Les recommandations

La Cour des comptes, comme à son habitude, émet plusieurs recommandations en vue, peut-être, de l’amélioration du service public.

1/ Révision du système de valeurs au sein de la fonction publique ;

2/ Mise en place de mécanismes pour améliorer la qualité du service ;

3/ Obligation faite aux  administrations de simplifier leurs procédures ;

4/ Meilleure maîtrise du temps de travail ;

5/ Elaboration d’une politique effective de déconcentration administrative ;

6/ Mise en place d’un système liant la promotion au mérite ;

7/ Révision complète du système salarial ;

8/ Mise en place effective de la formation continue.

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