La Cour des comptes épingle le ministère de l’Education pour la rentrée 2016-2017

La Cour des comptes épingle le ministère de l’Education pour la rentrée 2016-2017

On se souvient que la rentrée de septembre 2016 avait été caractérisée par un mouvement d’humeur sur les réseaux sociaux et dans les établissements scolaires, en raison du déficit d’enseignants et de l’encombrement des classes, qui atteignaient par régions jusqu’à 70 élèves. La Cour des comptes vient de publier un rapport sur la question relevant les anomalies qui ont marqué ladite rentrée.

Ainsi, la Cour des comptes relève qu’ « au titre de l’année scolaire 2016/2017, 2.239.506 élèves, tous cycles confondus, poursuivent leur scolarité dans des classes encombrées. Ce chiffre représente 38% de la population scolarisée qui s’élève à 5.945.551 élèves. Le Ministère retient comme seuil d’encombrement un effectif qui dépasse 40 élèves par classe, la Cour considère, pour sa part, que cet effectif dépasse largement la moyenne d’élèves par classe constatée dans les pays de l’OCDE. Cette moyenne s’élève à 21 élèves par classe au cycle primaire et 23 par classe au cycle secondaire.

Cet encombrement, en tenant compte du seuil retenu par le ministère, concerne, au niveau national, 49.696 classes. Le taux d’encombrement est de 49% au niveau du cycle collégial, 29% au niveau du cycle qualifiant et 16% au niveau du cycle primaire. Ces taux varient d’une AREF à l’autre.

Au cycle primaire, les taux d’encombrement les plus élevés en milieu urbain, sont enregistrés au niveau des AREFs de Rabat-Salé-Kenitra (49%), Fès-Meknès (49%), Marrakech-Safi (45%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (44%).

Au niveau du cycle collégial, les AREFs de Fès-Meknès, Rabat-Salé-Kenitra, TangerTétouan-Al Hoceima, Marrakech-Safi et Casablanca-Settat affichent des taux d’encombrement des classes variant entre 49% et 72%. A l’AREF de Casablanca-Settat, les directions provinciales d’Ain-Chok et de Sidi-Bernoussi enregistrent respectivement des taux élevés de l’ordre de 87% et de 96%.

Au cycle qualifiant, les classes les plus encombrées se situent au niveau des AREFs de Casablanca-Settat et de Marrakech-Safi qui affichent des taux d’encombrement respectifs de 45% et de 38% ».

De plus, et pour aggraver la situation de l’encombrement, la Cour constate l’existence de classes à plusieurs niveaux. Au Maroc, donc, on a enregistré pour cette rentrée 2016-2017 « un nombre de 27.227 classes à cours multiples dont 6.381 classes avec trois à six niveaux, soit près de 24% du total des classes à cours multiples. Ce type de classes constitue une caractéristique du cycle primaire en milieu rural ».

Les déficits d’enseignants sont eux aussi alarmants, comme on le constate à travers les chiffres suivants :

1/ le milieu urbain compte 62% du déficit (10.318 enseignants) contre 38% en milieu rural (6.382 enseignants) ;

2/ les AREFs de Casablanca-Settat, Fès-Meknès et Marrakech-Safi comptent plus de 46% du déficit en enseignants. L’AREFs de Casablanca-Settat vient en tête avec un déficit de 3.500 enseignants ;

3/ le cycle primaire affiche un déficit de 6.252 enseignants (37%), le cycle collégial 6.332 (38%) contre 4 116 (25%) pour le cycle qualifiant ;

4/ les matières généralisées enregistrent un déficit de 83% contre 17% pour les matières non généralisées.

Cette situation a engendré, bien évidemment, les conséquences suivantes :

1/ le taux d’encombrement des classes est élevé ;

2/ la suppression des groupes des travaux pratiques pour les matières scientifiques ;

3/ la réduction, parfois à moitié, du volume horaire...

réservé à l’enseignement de certaines matières ;

4/ la suspension de l’enseignement de certaines matières ;

5/ l’enseignement de certaines matières par des enseignants non spécialisés ;

6/ l’enseignement de certaines matières par des contractuels, ou des stagiaires sans être suffisamment formés au préalable.

Quant au déficit d’enseignants, il trouve son origine dans les départs en retraite, volontaire ou légale, sans que le ministère ne veille à assurer les remplacements nécessaires. Ainsi, de 2010 à 2016, voici les écarts entre départs et recrutements : +2.688 en 2010,  -771 en 2011,  -1.292 en 2012, -2.265 en 2013,  -7.463 en 2014, -8.287 en 2015, et -11.134 en 2016.

Et pour compliquer ces déficits, la Cour des comptes remarque que le nombre d’heures de travail hebdomadaire n’est pas respecté. Ainsi, « 40% des enseignants du cycle qualifiant enseignent moins de 14 heures par semaine au lieu des 21 heures réglementaires et 42% des enseignants du cycle collégial enseignent 18 heures par semaine au lieu des 24 prévues par la réglementation ».

La Cour des comptes propose une série de recommandations :

1/ revoir le processus de planification scolaire par l’adoption d’une planification pluriannuelle retraçant la vision stratégique 2015-2030, matérialisée par une carte scolaire prospective. Des paramètres objectifs doivent être retenus en matière de projections et mis à la disposition des AREFs pour l’élaboration de leurs cartes scolaires régionales conformément aux dispositions de la loi n°07.00 ;

2/ mettre en place un système d’information intégré en procédant à l’apurement de l’ensemble des données et l’intégration de toutes les applications servant à la gestion du système éducatif ;

3/ réviser le processus d’évaluation des besoins en établissements scolaires et du choix des sites d’implantation afin d’éviter la sous-exploitation ou la fermeture des établissements ;

4/ élaborer un plan de mise à niveau des établissements scolaires et des internats pour améliorer les conditions d’accueil des élèves ;

5/ élaborer un statut du personnel des AREFs ;

6/ adopter un système d’évaluation des besoins en ressources humaines global et équilibré, en portant une attention particulière aux personnels d’encadrement pédagogique et administratif ;

7/ réviser le mode de gestion de la mobilité et d’affectation des enseignants pour optimiser l’utilisation des ressources disponibles ;

8/ prendre les mesures nécessaires pour combler le déficit en enseignants par:

          - la maitrise du système d’évaluation et de planification des besoins en ressources humaines ;

          - la mise en place d’un plan pluriannuel de recrutement et de formation des enseignants, concerté entre tous les départements concernés. Ce plan doit prendre en considération les départs anticipés et le respect des volumes horaires réglementaires ;

9/ résorber de manière progressive l’excédent en enseignants par :

          - la préparation d’un plan de redéploiement ;

          - la maîtrise des mouvements des enseignants selon des critères objectifs;

10/ mettre en place un plan de financement approprié pour les différentes composantes de l’appui social sur la base d’un plan d’action commun et concerté entre les différents gestionnaires de ces programmes;

11/ réviser le système de ciblage des bénéficiaires des programmes d’appui social ;

12/ améliorer les conditions de restauration, d’hébergement et de transport des élèves bénéficiaires.

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