Législatives françaises : 1er couac d’Emmanuel Macron à l’égard du Maroc

Législatives françaises : 1er couac d’Emmanuel Macron à l’égard du Maroc

Le nouveau président de la République française, installé aujourd’hui 14 mai à l’Elysée, devra conduire les élections législatives en juin. Pour cela, il tentera de réunir une majorité présidentielle et présente des candidats pour son mouvement En Marche ! Mais la candidature de Leila Aichi, sénatrice Modem de Paris investie pour ces législatives, ne passe pas au Maroc… Et pour cause.

Qu’est ce que la 9ème circonscription des Français de l’étranger ?

En 2012 avaient été créées 11 circonscriptions pour les Français résident à l’étranger. Le Maroc relève de la 9ème, avec l’Algérie, la Libye,  la Tunisie, le Burkina, le Mali, le Niger, la  Mauritanie, le Cap-Vert, la  Gambie, la  Guinée, la  Guinée-Bissau, le Sénégal, la  Sierra Leone, la  Côte d'Ivoire et le Liberia.

En 2012, pour les législatives ayant suivi l’élection de François Hollande à la tête de l’Etat, ils étaient très exactement 96.569 électeurs inscrits sur les listes de ces 16 pays. Et c’est Pouria Amirshahi, du PS, qui avait été élu avec 10.851 voix, contre 6.541 pour son adversaire socialiste Khadija Doukkali. Le taux d’abstention avait été d’environ 80%.

Pour cette élection présidentielle 2017, Emmanuel Macron a été élu au Maroc avec 92% des voix, et une participation de plus de 53%.

Cette année, le nombre des inscrits à cette 9ème circonscription des FDE  est passé à 151.596, dont 52.728 au Maroc, 40.717 en Algérie et 22.438 en Tunisie. Les trois pays maghrébins représentent donc 76% du total des inscrits, et le Maroc, à lui seul, 35%.

Qui est Mme Leila Aichi ?

Leila Aichi, 47 ans, est sénatrice de Paris, pour le compte du MoDem de François Bayrou. Avocate spécialisée dans les problèmes environnementaux, elle est titulaire d'un diplôme d'études approfondies (DEA) en droit des affaires, d'un diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) en gestion d’entreprise et d'un master of Business Administration (MBA). Elle avait commencé sa carrière avec le parti Europe Ecologie Les Verts, avant de passer au MoDem en septembre 2016 et de se rallier à la candidature d’Emmanuel Macron, dans le sillage de son patron François Bayrou.

En 2013, elle avait interrogé le ministère des Affaires étrangères sur le sort des populations sahraouies et sur leur territoire, « occupé » par le Maroc. Elle était préoccupée par « la nécessité d’un référendum d’autodétermination pour le peuple Saharoui », ainsi que mentionné sur son site. Elle avait également « dénoncé l’alignement systématique de la France sur la politique marocaine au Sahara occidental, et ce malgré les graves violations des droits de l’homme constatées par les ONG humanitaires ».

C’était là la seule sortie de la sénatrice sur la question du Sahara. Elle n’est donc jamais revenue sur ce sujet, malgré ses nombreuses évolutions, au Maroc, en Algérie et dans les camps de Tindouf.

Le problème de sa candidature

Alors même que le Mouvement En Marche ! Maroc s’est « désolidarisé » de cette candidature et a décidé de se  mettre en « stand-by » de la campagne, c’est-à-dire de ne pas mener campagne en faveur de Mme Aichi, l’entourage...

de cette dernière a répondu aux questions.

Voici le communiqué d’En Marche Maroc : « Depuis jeudi 11 mai, La République En Marche Maroc a suivi avec grand intérêt et enthousiasme, la désignation du candidat pour la 9ème circonscription des FDE.

Compte tenu des positions prises en 2013, par la Sénatrice Madame Leila Aichi, concernant le Sahara, les Référents des Comités de la République En Marche Maroc se sont réunis ce jour, et ont décidé de ne pas faire campagne pour la candidate désignée. Ils ont approuvé à l'unanimité la suspension de la campagne aux législatives jusqu'à mardi prochain.

Dans un esprit de collégialité qui a toujours caractérisé le mouvement, La République En Marche Maroc a décidé d'élargir la consultation aux militants. Les comités sont donc appelés à prendre position mardi 16 mai en interrogeant leurs adhérents ».

Et voici la première réaction de l’entourage de Mme Aichi, à nos confrères de TelQuel (puisqu’elle n’a pas souhaité, semble-t-il répondre à nos questions, malgré diverses sollicitations) : « Elle est sénatrice française, et elle a une ligne égale avec tous les pays. C’est aussi ça la démocratie. Elle est extrêmement critique sur la politique des pays voisins du Maroc au Maghreb ou en Afrique et elle n’a jamais eu un mot contre le Maroc, ni contre son peuple, ni contre son roi ». C’est gentil.

Puis un de ses collaborateurs ajoute, toujours en réponse aux questions de TelQuel : « Je vois les commentaires qu’a suscités sa candidature au Maroc. C’est l’œuvre d’extrémistes qui n’aident pas à résoudre les problèmes (…). Elle s’exprimera bien évidemment sur cette question, qui est une question parmi d’autres »…  Extrémistes, question parmi d’autres… Voilà des remarques qui placent les comités d’En Marche Maroc et leurs référents dans une position intenable.

Aussi, et dans l’attente d’une réaction personnelle de Mme Aichi, ce sont ses électeurs potentiels qui risquent bien de lui faire défaut au scrutin du 11 juin prochain. Plusieurs appels à voter pour ses adversaires se font déjà entendre sur les réseaux.

Quant à Emmanuel Macron, on peut considérer qu’il a fait là un faux-pas concernant le Maroc, pour lequel la question du Sahara est aussi non négociable que prioritaire. Désigner comme candidate au Maroc une personne qui a exprimé son avis ainsi qu’elle l’a fait est une forme d’amateurisme ou d’indifférence. Mme Aichi a le droit d’exprimer ses points de vue comme elle le souhaite et comme l’indiquent ses collaborateurs : « c’est aussi ça la démocratie ». Mais les équipes du nouveau président semblent soit ne pas avoir entrepris les vérifications d’usage en la matière, soit être totalement indifférents aux priorités de leurs partenaires, et amis.

Le président français s’est déplacé, durant sa campagne, en Algérie, et c’est son droit. Il a laissé désigner une dame épousant des thèses qui ne conviennent pas au Maroc sur une question nationale, et c’est son droit également. Le Maroc pourrait réagir en conséquence ; ce serait aussi son droit. Et son devoir.

Aziz Boucetta

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