Déclassification de 89 documents sur l’affaire Mehdi Ben Barka

Déclassification de 89 documents sur l’affaire Mehdi Ben Barka

Il est mort, ou plutôt il a disparu le 29 octobre 1965, soit voici plus d’un demi-siècle, et on ne sait toujours pas ce qu’il lui est arrivé. Lui, c’est Mehdi Ben Barka, l’opposant marocain enlevé près de la Brasserie Lipp, en plein Paris. Aujourd’hui, tous les protagonistes directs de l’affaire sont morts, et la France vient de décider de déclassifier 89 documents qui ont trait à cette affaire. Mais que valent-ils ?

En 2010, déjà, une série de documents avaient été déclassifiés par les autorités françaises. Mais le juge d'instruction Patrick Ramaël, alors en charge de l’affaire et qui avait demandé cette déclassification , s’était déclaré « surpris par la vacuité des documents reçus ». Et pourtant, la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) avait émis un avis favorable à la déclassification de 144 pages d'archives du SDECE (ancêtre de la DGSE, services secrets).

Aujourd’hui, la même CCSDN a émis un avis défavorable à la déclassification du document n° 1 du scellé n° 11 constitué lors d’une perquisition faite le 3 août 2010 dans les locaux de la direction générale de la sécurité extérieure, dont le contenu est sans rapport possible avec l’objet de l’information judiciaire, dit la Commission. On doit la croire… En revanche, 89 documents sont déclassifiés, c’est-à-dire qu’ils deviendront publics.

C’est par l’Avis n° 2017-08 du 20 avril 2017 que la CCSDN a donc autorisé à déclassifier les 89 documents concernant cette affaire dont tous les protagonistes sont morts, à l’exception du général Housni Benslimane, commandant de la Gendarmerie royale, cité par l’instruction,...

bien qu’il n’ait eu qu’un rôle parfaitement subalterne au moment des faits. Les militaires marocains, les chefs d’Etat de l’époque et les responsables gouvernementaux, plus les lampistes français et marocains, tout ce monde est aujourd’hui décédé, et la vérité peut être apportée à cette affaire, que les jeunes générations ne connaissent pas.

En quoi consistent donc ces documents ? Ils sont datés des années 1965 et 1966, mais ils sont intéressants en cela qu’ils contiennent une documentation du SDECE, les services secrets français, datant d’avant l’enlèvement, et sans doute le meurtre, de Ben Barka. Pourquoi donc le SDECE s’intéressait-il à Ben Barka avant sa disparition ? Pourquoi tant de documents sur sa personne et ses activités ?

Il est vrai que l’opposant (et ancien professeur) d’Hassan II était un personnage d’envergure mondiale, et qu’il agitait la sphère tiers-mondiste de l’époque, dérangeant tout aussi bien la France (ancienne puissance coloniale) que les Etats-Unis et aussi Israël. En plus du Maroc d’Hassan II, en plein état d’exception.

Par ailleurs, la déclassification de ces documents que la CCSDN avait refusé de remettre à la justice en 2010 serait de nature à comporter des éléments d’information que les autorités françaises tenaient à garder secrets il y a tout juste 7 ans.

La question est de savoir si cette nouvelle déclassification apportera, enfin, la vérité sur l’affaire Ben Barka, ou si, à l’inverse, elle ouvrira sur d’autres questions sans réponse. Le fait même que cette décision ait été prise quelques jours avant que le président Hollande ne quitte l’Elysée pourrait laisser croire à un expoir de clore, définitivement, ce dossier.

AB

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