Le blocage politique perdure… comment le briser ? Une intervention royale se dessine…

Le blocage politique perdure… comment le briser ? Une intervention royale se dessine…

On le sait, cela fait maintenant près de 9 semaines que le roi Mohammed VI a désigné le chef du gouvernement sortant Abdelilah Benkirane pour former un gouvernement, conformément à l’article 47 de la constitution. Mais les négociations n’ont abouti jusqu’à présent à rien, sauf à montrer que la future majorité est tributaire du RNI et/ou de l’USFP, une alternative que Benkirane ne réussit pas à gérer. Que faire donc ?

Etat des lieux. Le PJD a remporté 125 sièges et, avec son allié le plus loyal, le PPS, il en a 137. L’Istiqlal et ses 46 députés se sont adjoints à cette alliance entre les deux partis, portant la coalition à 183 élus. Il en reste 15 pour former une majorité absolue. Avec l’USFP, Benkirane disposerait alors de 203 députés, et avec le RNI (auquel l’UC s’est arrimée), la coalition disposerait de 239 élus (37 pour le RNI et 19 de l’UC).

Les conditions des uns et des autres. L’USFP, pour entrer dans la coalition, exigerait la présidence de la Chambre des représentants, pour Habib el Malki, et certains portefeuilles ministériels, que le Premier secrétaire Driss Lachgar veut négocier en nombre et en qualité. Le RNI, pour sa part, a une exigence claire : que l’Istiqlal ne soit pas du futur gouvernement. Abdelilah Benkirane refuse l’une et l’autre des conditions.

Que veut la logique ? Que le chef du gouvernement désigné, pour former sa majorité, doive céder à l’USFP ou au RNI. Ce sont là les règles de la formation des coalitions et, plus généralement, des négociations. En pareils cas et sous d’autres cieux, des programmes changent et des structures gouvernementales évoluent pour rendre possible l’impossible, ce qui est la définition de la politique

Où cela coince-t-il ? Pour l’USFP, il ne s’agit pas tant d’exigence à satisfaire que de confiance à instaurer entre Lachgar (un peu trop proche d’Ilyas el Omari) et Benkirane. Quant au RNI, le chef du gouvernement ne veut pas céder à son nouveau président Aziz Akhannouch, en cela qu’il explique qu’il a donné sa parole à Hamid Chabat, le chef de l’Istiqlal, parce que celui-ci aurait refusé de se joindre aux « putschistes », comme les appellent les gens du PJD, que sont PAM, RNI, UC, MP et USFP, qui devaient, selon une rumeur insistante, former une majorité le 8 octobre et barrer le chemin à Benkirane.

Le grand problème est donc, ici, la confiance ou plutôt le peu de confiance accordée par Benkirane à Akhannouch, avec lequel il avait eu de rudes dissensions par le passé, et surtout à Lachgar, trop volatile, parfois puérile.

Qui est responsable du blocage ? A première vue, c’est Abdelilah Benkirane qui endosse toute la responsabilité de ce blocage car c’est lui qui a été désigné et c’est donc à lui que revient la dure tâche de rendre l’impossible possible. Mais il n’est pas le seul… Si on exclut Driss Lachgar, pour les raisons de confiance mentionnées plus haut, il reste Aziz Akhannouch. Tout dépend de lui, si on lit la situation à l’aune de la réalité et de la coutume marocaine.

Ainsi, Akhannouch serait responsable d’entraver l’action...

d’une personnalité nommée par le roi, et à laquelle le peuple a confié mandat de former un gouvernement. Mais le peuple, précisément, a confié ce mandat en demi-teinte à Benkirane, le contraignant à la concertation. Akhannouch devrait donc composer et se montrer moins intraitable quant à la condition de Benkirane de maintenir l’Istiqlal au sein de la future coalition. Mais cette souplesse devrait trouver écho chez Benkirane qui, obtenant de son interlocuteur cette concession, serait inspiré de réduire le rôle de l’Istiqlal autant que possible. C’est faisable car, 1/ Chabat est prêt à tout accepter pour peu que son parti siège au gouvernement et, 2/, l’Istiqlal ne dispose pas des cadres adéquats pour occuper les grands ministères qu’il a la prétention de s’adjuger (équipement, transport, éducation, finances, investissements…), si on part du postulat que les Ghellab, Hjira et autre Badou ont fait leur temps, pendant longtemps..

Quel rôle pourrait jouer le roi ? Il est garant de la continuité des institutions, selon la constitution. Mohammed VI devrait donc, après plus de deux mois d’attente, intervenir pour tenir le rôle du facilitateur, fort de son aura et du respect que lui témoignent les différents acteurs de la crise. Cela passerait par plusieurs possibilités.

1/ Reconduire Benkirane en tant que chef du gouvernement désigné, lui renouvelant ainsi sa confiance et le re-légitimant face à une classe politique qui l’a jusque-là malmené.

2/ Agir en direction des autres forces politiques, Akhannouch essentiellement, pour le conduire à faire montre de plus de souplesse, moyennant l’obtention des grands ministères. La constitution confère ce pouvoir d’arbitre au chef de l’Etat, en plus de l’immense estime et respect dont il bénéficie auprès des dirigeants politiques (il avait déjà fluidifié les négociations en 2013 entre Mezouar et Benkirane, de l’aveu même de celui-ci). Cela affaiblirait certes le chef du gouvernement à l’égard du chef de l’Etat, mais si le premier ne réussit pas à convaincre et qu’il doive avoir recours à l’action du second, tel est le prix à payer.

3/ Nommer un autre dirigeant du PJD en lieu et place de Benkirane, qui aurait échoué dans sa mission, alors qu’il a eu tout le temps de l’accomplir. Nous aurions donc comme candidats potentiels Mustapha Ramid (trop radical aux yeux même des membres de son parti), ou Aziz Rabbah (mal aimé au sein du PJD) ou Saâdeddine Elotmani, numéro deux du parti et personnalité consensuelle, au PJD et sur la scène politique en général.

Dans les trois cas, on constate que l’intervention du roi Mohammed VI devient incontournable, avec ou sans Benkirane. Et dans les trois cas, il n’y aura pas de nouvelles élections générales, trop coûteuses financièrement et moralement. Or, le roi était en tournée africaine depuis le 17 octobre, avec une interruption de quelques jours du 13 au 17 novembre, quand il était à Marrakech pour la COP22, avec un agenda surchargé. Il ne semblerait pas qu’il y ait un autre voyage programmé pour le chef de l’Etat, et tout porte à croire que du nouveau devrait intervenir dans les quelques jours qui viennent. Il serait temps…

Aziz Boucetta

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