Le cahier des mesures urgentes que requiert le royaume…, par Taoufiq Bouachrine

Le cahier des mesures urgentes que requiert le royaume…, par Taoufiq Bouachrine

Il est désormais certain que le gouvernement ne verra pas le jour avant la fin de cette année…  et ce seront  donc  90 jours qui auront été perdus pour l’Exécutif, la législation et la planification de l’étape politique et institutionnelle à venir… et pendant ce temps, le pays perdra des milliards de DH en raison du blocage politique que l’on aura connu.

Et du fait que toute la question tourne autour de qui sera dans l’équipe Benkirane et qui n’en sera point, il n’y a pas de mal à s’attarder un peu sur le programme gouvernemental à venir et dont personne ne parle aujourd’hui, sur la feuille de route du royaume alors que personne ne sait de quoi seront faites les 5 prochaines années, du fait qu’il semble qu’il existe certaines personnes que les urnes dérangent et qui s’évertuent à en détourner le verdict en allongeant autant que possible le blocage politique.

Voici donc quelques questions urgentes qui feront le quotidien du prochain gouvernement…

1/ Le pays a besoin d’activer ses institutions, gelées depuis un temps trop long… Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire est à l’arrêt et ce sont donc des dizaines de dossiers de magistrats gelés quant à leur avancement, sanction, nomination… La cour constitutionnelle est arrivée elle aussi à expiration du mandat de ses membres et attend les nouvelles désignations… Le Conseil de la concurrence est hors zone et l’Agence nationale de régulation des télécommunications est toujours sans directeur général alors même que le secteur des télécoms, ultra concurrentiel, a besoin d’une autorité qui le régule pour assurer et garantir la protection des usagers. Le Conseil national des droits de l’Homme est lui aussi en état de déshérence juridique, de même que l’Instance de lutte contre la corruption, et bien d’autres organismes tous plus utiles les uns que les autres, et tous plus suspendus les uns que les autres…

2/ La question de l’enseignement  doit aussi être résolue, au moyen de politiques publiques aussi audacieuses qu’efficientes pour en soigner les plaies et les travers, pour ne pas laisser un secteur aussi sensible entre les mains des technocrates, des syndicats et d’une coupable improvisation. Aujourd’hui, le Maroc connaît une controverse au sujet du renoncement à la gratuité de l’enseignement et ce sont les familles les plus défavorisées qui craignent de perdre le peu qu’il leur reste du système d’éducation. Le marché du travail dans l’éducation nationale se ferme de jour en jour pour les lauréats des centres de formation, que le chômage guette… Et tout cela a besoin d’un responsable qui vienne au-devant de la population et qui lui tienne un langage ferme, assuré et rassurant.

3/ Le pays a besoin de grands chantiers nouveaux qui impacteraient directement la vie des populations et qui leur donneraient des raisons de penser que les urnes servent, finalement, à quelque chose, et que l’intérêt pour la politique est lucratif, comme par exemple à travers la distribution d’aides aux 4 millions de familles dans le besoin. Il y a nécessité d’un cahier des charges pour l’éducation et la santé. Le royaume requiert le lancement de 1.300 kilomètres de nouvelles autoroutes, qui s’ajouteraient aux 1.700 kilomètres existants et qui désenclaveraient de pleines régions aujourd’hui encore enclavées…

4/ Le Maroc a besoin du lancement d’un plan d’industrialisation hardi, tout en poursuivant celui des secteurs automobile et aéronautique. Il faut également et surtout introduire de nouveaux secteurs d’excellence pour augmenter significativement la part de l’industrie dans le PIB national, pour procurer plus d’emplois, bien plus d’emplois, pour inciter les universités, les centres de recherche et de formation à aller...

plus haut, plus loin, plus vite en vue d’accompagner cette industrialisation… Il ne faut plus simplement avoir une meilleure force de travail, mais une bien plus imposante puissance de réflexion et de planification.

5/ L’Etat a besoin d’audace et d’ingénierie pour en limiter les dépenses et les maîtriser à des niveaux optimaux, réduisant la masse salariale publique de son niveau  actuel de 144 milliards de DH à quelque chose autour de 120 milliards. Il est nécessaire que cela soit fait, et qu’il soit fait progressivement, par exemple par une nouvelle initiative de départs volontaires soigneusement choisis…. Il est important de redéployer cette armée de fonctionnaires, tapis dans des services où ils ne font rien. Nous avons besoin d’une véritable cure d’allégement des charges publiques, en privatisant nombre d’institutions et d’entreprises publiques, incitant l’Etat à s’en retirer car dans leur état actuel, ces organismes ne présentent aucune valeur ajoutée au pays et à son Trésor public… bien au contraire, ils représentent un poids et une très sérieuse tare pour le Maroc, ses citoyens et sa gouvernance…

6/ Il est plus que nécessaire et plus qu’urgent de lancer un plan de stratégie nationale pour libérer le pays de cette corruption qui le gangrène à tous les étages de la vie publique et privée. Cette corruption coûte désormais très cher à l’Etat et à ses citoyens et, pour tout dire, à sa stabilité. Il n’est pas normal que l’économie de rente continue ainsi de rogner le développement, enrichissant encore plus ceux qui ne le sont déjà que trop. Les Marocains ont autant appris qu’ils ont compris et la corruption ne saurait plus être un levier d’enrichissement dans un pays pauvre aux moyens limités.

7/ Il importe de mettre au point un modèle de développement nouveau et inédit qui rompe avec la pluviométrie, le cours du phosphate, celui du pétrole, le nombre des touristes qui arrivent et le niveau des transferts d’argent qui affluent. L’économie fondée sur l’agriculture et les services a en effet montré ses limites et il est du devoir de l’Etat d’engager une politique fiscale hardie qui conduirait les riches entrepreneurs à se détourner de l’immobilier, de la banque, des assurances, du tourisme pour aller résolument vers l’industrie et l’économie numérique. Ces riches doivent renoncer à la peur d’investir et oublier la culture de l’aubaine opportuniste et, en contrepartie, il faut qu’ils puissent avoir à leur disposition une réglementation sociale plus flexible, facilitant l’embauche et le licenciement ; en effet, le mariage catholique entre employeur et employé doit être rompu, les patrons devant faire face aux défis de la mondialisation, alors même que le Code du travail local nous tire vers un passé définitivement révolu…

8/  Il est plus qu’important de mettre en œuvre, enfin, cette fameuse et sempiternelle transition démocratique dont Mohamed el Yazghi a dit récemment qu’ « elle est entrée dans une grande  salle d’attente avec le gouvernement de Benkirane », et nous voilà aujourd’hui en train de payer le prix du gel des réformes politiques et démocratiques face à cette tentative de putsch soft contre les résultats électoraux. Il est demandé au chef du gouvernement de gouverner, et de ne laisser personne d’autre le faire à sa place ou à ses côtés, ou à son insu… Tout doit être fait à l’aune de la constitution et dans le strict respect de ses dispositions, dans la lettre et dans l’esprit.

Ce ne sont là que quelques exemples de mesures urgentes à lancer, urgemment… Et cela requiert un gouvernement fort, intelligent, audacieux qui regroupe les meilleures compétences et les talents les plus prometteurs en vue de créer de l’espoir dans un avenir meilleur.

Akhbar Alyoum (traduction de PanoraPost)

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