Important discours d’orientation de Benkirane au Conseil national extraordinaire du PJD

Important discours d’orientation de Benkirane au Conseil national extraordinaire du PJD

Ce samedi 22 octobre, le PJD a réuni son Conseil national extraordinaire, au regard des circonstances extraordinaires qui l’agitent. En effet, c’est la première fois au Maroc qu’un parti renouvelle sa confiance auprès des électeurs et que son chef est reconduit à la présidence du gouvernement. Ledit chef, Abdelilah Benkirane a délivré un discours d’orientation et d’explication de la ligne politique de son parti. Du changement moral dans l’air, et un apaisement du PJD aussi.

Le chef du gouvernement et du PJD a tenu un discours serein, pas agressif (en dehors de quelques inévitables piques adressées à son ennemi intime Ilyas el Omari), où il est revenu sur son parti, sur son référentiel islamiste, rendant « un vibrant hommage » (en français dans le texte) au peuple du Maroc, mûr et conscient.

Un Benkirane nouveau, ragaillardi par les résultats du PJD, et sûr de lui-même, de par sa nomination en un temps record et aussi de par la décision rapide d’adhésion de plusieurs partis à sa majorité.

Il a (curieusement) repris une phrase d’Abbas el Fassi sur le fait de considérer le dernier discours du roi sur l’administration comme programme politique pour les cinq prochaines années.

Mais on retiendra quand même ces deux phrases comminatoires… d’abord quand il dit sur le PJD « que le parti perdra bien un jour, mais n’essayez pas de la faire trébucher avant l’heure car il reviendra avec 107 sièges puis 125 et même peut-être plus »… et ensuite, évoquant son mariage qu’il a oublié d’organiser, ne s’en rendant compte qu’après 20 ans, il a dit « maintenant j’ai pris du poids, vous ne pourrez pas me balader » référence à la ammariya du mariage. Un message clair et quelque peu menaçant…

La démocratie interne. Il commence par un hymne à la démocratie interne, pas très élogieux en creux pour ses futurs alliés (Istiqlal, PPS…) : « Nous ne sommes pas un parti où les directions prennent leurs décisions et les font entériner ensuite par acclamations ou autres moyens… Nous sommes un parti qui croit en la démocratie et en fait usage, et avant de l’appliquer dans le pays, il la met en œuvre en interne ».

Le référentiel islamiste. « Nous sommes fiers de notre référentiel et nous réaffirmons notre attachement inconditionnel à notre référentiel islamiste. Mais ce référentiel n’est pas important pour les autres qui, eux, voient et attendent les résultats. Et ce référentiel doit signifier que nous ne sommes qu’une partie de cette nation, que nous ne pouvons ni imposer nos références, ni abandonner les gens à leur sort. Au Maroc, il y a une histoire et une tradition, et le champ religieux est réglementé et n’appartient qu’au roi (…).

Ce référentiel, pour nous, signifie intégrité et probité. Il ne doit pas nous conduire à nous impliquer dans la vie privée des gens (…).

Certains disent que les électeurs nous ont accordé leurs suffrages parce que nous sommes pieux… Fort bien, mais ne l’étions-nous pas en 1997 ? En 2002 ? Quoiqu’en ces temps-là, nous étions certainement plus pieux que maintenant ! (…).

Si nous trouvons quelqu’un parmi nous qui agit mal, et que nous le défendions, nous basculons de parti à une secte, et je peux vous dire que ce serait le début de la fin. Non, nous, quand on surprend quelqu’un agissant mal, nous le sanctionnons ».

Le roi. « Pour rendre à César ce qui appartient à César, si le Maroc est sûr, stable et sécurisé, en plus d’être apaisé, c’est grâce à Sa Majesté le Roi. C’est lui qui a veillé à ce que les choses soient comme elles le sont aujourd’hui, qui a veillé à désigner très vite un chef du gouvernement, respectant la constitution et, plus encore, la méthodologie démocratique. Il faut le dire ».

Le...

Maroc. « Le Maroc est un pays ancien, vieux, qui a une place dans le monde, et qui ne peut se permettre de manipuler la volonté de son peuple, et c’est pour cela que tout le monde a admis les résultats et que personne ne les a politiquement  contestés, comme dans des nations adolescentes ».

Les autres… « Ceux qui rêvaient se sont réveillés de leur sommeil et il n’ont plus aujourd’hui qu’à tirer les conclusions de leur travail. Il faut que les gens participent plus aux élections, quitte à ce que nous perdions. Nous ne nous accrochons pas à nos fonctions, si les électeurs décident qu’un autre parti est meilleur que nous ».

La lettre de réconciliation du PAM. « La question est que, puisque la réconciliation a été demandée parce que nous avons vaincu, qu’aurions-nous reçu si nous n’avions pas gagné ? Mais c’est bien que ce Monsieur se réconcilie avec son patrimoine et cite le Coran comme référence. Qu’il lise encore un peu et il découvrira bien d’autres choses. Quant à l’avenir, seul Dieu sait de quoi il sera fait… Il ne faut plus qu’il dise que son père était fqih etc  etc…Mais bon, on remarque que tu commences à t’améliorer et on ne souhaite bonne chance ! ».

Les alliances. « Certains partis ont décidé de ne pas entamer de tractations jusqu’à la semaine prochaine (RNI et UC, NDLR), mais il y a d’ores et déjà deux partis qui m’ont approché : le PPS par lequel je commencerai car il le mérite, pour avoir payé le prix électoralement, mais pas politiquement. Et l’Istiqlal, qui semble avoir bien lu les leçons de cette phase. Oh, nous avons eu avec le SG de l’Istiqlal des échanges houleux dans le passé, mais vu les dernières positions qui sont les siennes, le reste est oublié. Et dépassé. (…). Quant à ces manœuvres auxquelles vous assistez, n’en veuillez pas  à leur auteur car il ne sait faire que cela… Mais le mot-clé est de rendre le sourire aux Marocains après la formation du gouvernement, pour ne pas rééditer la déception qui avait dominé lors de l’élection des bureaux des Régions ».

Les activités commerciales. « Même si c’est légal, ne faites pas des affaires si vous en êtes en situation politique. Nous avons vu plusieurs cas de gens emportés par cela, ici et ailleurs, et notre pays a encore une sensibilité à l’égard de cela, il lui faut du temps. Si vous voulez l’argent, allez-y, mais si vous voulez servir votre pays, venez et contentez-vous des privilèges légaux et habituels ».

Le voile. « Ouvrez-vous sur les autres, ouvrez portes et fenêtres ! Je vous le dis, une jeune femme a été élue sur notre liste nationale, et elle est non voilée. Certains énergumènes, dont je suis mécontent, s’en sont pris à elle sur Facebook. Nous ne sommes pas un parti de voilées uniquement, mais un parti du Maroc et des Marocain(e)s. Cela était vrai un temps, avec notre référentiel, mais cela a changé depuis. Soyez humbles car vous n’êtes pas plus pieux que d’autres que vous ».

Un discours d’orientation donc, où Benkirane cru 2016 n’est plus le Benkirane saison 2011. On verra à l’usage, mais déjà, on sent un changement dans la voix, dans l’intonation, dans les mots et dans la posture. Benkirane croit désormais en lui et en la démocratie dans le pays, et il a décidé d’agir dans ce sens.

Cela apparaîtra dans sa coalition, puis dans les profils qu’il proposera au roi pour son gouvernement, et ensuite dans sa déclaration de politique générale. Ensuite, nous verrons s’il reste toujours dans la division et le manichéisme qui l’ont caractérisé jusque-là ou si, à l’inverse, il saura écouter les autres, mieux convaincre et plus se concerter.

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