Le roi Mohammed VI a reçu le wali de Bank al-Maghrib pour le rapport annuel

Le roi Mohammed VI a reçu le wali de Bank al-Maghrib pour le rapport annuel

Abdellatif Jouahri a présenté son traditionnel rapport annuel sur la situation économique et financière du pays dans un document de 300 pages. C’est comme chaque année l’occasion de faire le point sur l’économie du Maroc, avec ses hauts et ses bas, sachant que tout au long de 2016, Abdellatif Jouahri s’est montré fort critique à l’égard des politiques publiques et des politiques tout court.

Exposant les grandes lignes de son rapport, le wali Jouahri a expliqué que l'économie nationale en 2015 a enregistré un taux de croissance de 4,5 %, grâce à une campagne agricole exceptionnelle. En revanche, le rythme de progression de la valeur ajoutée des secteurs non agricoles a été modeste, avec toutes les répercussions prévisibles sur l’emploi. Et, de fait, le nombre de postes créés est resté plutôt limité, avec un taux de chômage de 9,7 %. Quant à l’inflation, elle s’est fixée à 1,6%.

La faiblesse des activités non agricoles, donc, continue de se refléter sur le marché du travail. Après une création de 129.000 postes en moyenne entre 2003 et 2014, l’économie nationale n’a généré que 33.000 emplois en 2015.

Pour l’agriculture, la valeur ajoutée a baissé d’une façon significative, s’établissant à 2,1% depuis 2013 contre une moyenne de 4,7% de 2003 à 2012. Et si la croissance est passée de 2,6% en 2014 à 4,5% en 2015, c’est bien du fait d’une année agricole exceptionnelle. Le ministre de l’Agriculture peut bien parler partout de la résilience de l’agriculture, le constat de Jouahri le critique assez durement.

Le wali de la banque centrale a aussi relevé que les grands équilibres économiques ont été nettement améliorés, avec une réduction du déficit budgétaire à 4,4% du PIB, du fait de la hausse des recettes fiscales de l’Etat et de la baisse drastique de la charge de la compensation. Mais cela s’est fait également en parallèle à une explosion de l’endettement du Trésor à plus de 64% et une dette publique à 80,4% du PIB.

Intraitable, Jouahri a indiqué que malgré les grands chantiers d’infrastructures lancés depuis les années 2000 et les grands ouvrages qui en sont nés, le rythme du progrès n’a pas été celui escompté, baissant même dans ces dernières années.

Certains secteurs, comme celui du tourisme par exemple, n’ont pas su pour leur part tirer bénéfice de l’avantage comparatif par rapport aux pays voisins, ce qui a conduit le wali de Bank al-Maghrib à s’interroger...

plus généralement sur l’efficience des  politiques publiques et du modèle de développement du Maroc.

Ainsi, le modèle fondé sur la demande intérieure comme vecteur et moteur de croissance montre des signes d’essoufflement, avec une croissance molle, un endettement en nette augmentation et un emploi poussif. Il faut désormais axer sur l’industrialisation du pays, véritable créatrice de richesse et de développement intégré.

A cet égard, Abdellatif Jouahri a souligné que le Maroc a besoin de réexaminer son modèle de développement et la manière avec laquelle sont conçues et mises en œuvres ses politiques publiques. Pour cela, il propose de s’orienter vers l’adoption de la planification stratégique en tant qu’approche assurant une vision globale et cohérente. Il a également insisté sur l’accélération des réformes structurelles en cours, en premier lieu celle du système de l’éducation et de la formation ainsi que celle relative à la justice. Il a ajouté que la fragilité qui caractérise le marché de l’emploi milite pour que la problématique de l’emploi soit hissée parmi les priorités nationales, tout en veillant à décliner la stratégie élaborée dans ce domaine en dispositifs et programmes efficaces. 

Quant aux écosystèmes, si chers au ministre Moulay Hafid Elalamy, le wali de la banque centrale estime qu’ils sont prometteurs, mais qu’ils gagneraient à être confirmés pour améliorer les résultats, atteindre les objectifs dans des délais possibles et pousser les PME.

Avoir des politiques et des plans sectoriels est une bonne chose, affirme A. Jouahri, mais ils devraient être plus cohérents et bien plus intégrés de sorte à impacter l’économie en général.

"Aujourd’hui, notre pays a besoin d’initier une véritable refonte de ce modèle et une série de ruptures au niveau de la conception et de la mise en œuvre des politiques publiques. L’industrialisation, créatrice de valeur ajoutée et d’emplois de qualité devrait être au centre de ces mutations à côté des autres stratégies sectorielles lancées ces dernières années mais dont les résultats jusqu’à présent restent contrastés", dit le wali.

Sortant de son rôle économique et financier, il se permet alors une adresse aux partis politiques en affirmant que  pour relever les grands défis auxquels le Maroc fait face, il est primordial de renforcer le front interne et de placer les enjeux stratégiques au-dessus des considérations d’ordre politique ou catégoriel. Ce n’est qu’ainsi, a-t-il affirmé, que le Royaume pourra réaliser ses ambitions, en particulier celles d’assurer de meilleures conditions de vie à sa population et des perspectives prometteuses à sa jeunesse.

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