Un accueil en grande pompe pour un chef d’Etat qui n’est ni en visite officielle ni en visite d’Etat… Le roi Mohammed VI se trouve depuis ce mercredi en « visite d’amitié et de travail » en France. Une rencontre en tête,  ou restreinte, élargie par la suite aux chefs de la diplomatie, aux ministres de l’Ecologie et aux conseillers des deux chefs d’Etat. Au menu des discussions, COP 21/22 et terrorisme. Les deux palais ont publié des communiqués, chacun à sa façon…

La visite, dans la forme

Garde Républicaine au complet, accueil en bas des marches de l’Elysée, réunion restreinte, puis une autre élargie… De plus, le site officiel de l’Elysée a orné sa page d’accueil des images, photos et vidéos, de la réception et de la réunion élargie. Le président Hollande semble avoir sorti le grand jeu pour le roi du Maroc qui, rappelons-le, n’est « qu’en » visite d’amitié et de travail, généralement au protocole plus sobre.

Les relations et le niveau de protocole ont changé depuis cette fameuse brouille de 2014, quand la justice de France avait entrepris d'interroger un (très) haut fonctionnaire marocain, en l'occurrence le patron de la police secrète, puis de la police tout cour,t Abdellatif Hammouchi. Celui-ci avait plus tard contribué à la traque et à la mise hors d'état de nuire des jihadistes qui avaient endeuillé le 13 novembre la capitale française et qui s'apprêtaient à reproduire les mêmes actes une semaine après.

Les relations avaient également évolué depuis la visite du président français à Tanger, où un Appel du même nom avait été signé, contribuant (selon les communiqués publiés mercredi 17 février) au succès de la COP21.

Les COP21/22, décisions et enjeux

Le palais royal. « Le Président de la République a remercié Sa Majesté le Roi pour son engagement personnel dans la réussite de la COP21. Dans l’esprit de l’Appel de Tanger du 20 Septembre 2015, et en vue d’une action solidaire et forte en faveur du climat, les deux Chefs d’Etat ont donné leurs hautes instructions afin de mettre en place une feuille de route conjointe à même de maintenir la mobilisation, renforcer la coordination en vue de la ratification, par tous les Etats membres, de l’accord de Paris et de garantir le succès de la COP.22, qui se tiendra à Marrakech du 7 au 18 novembre 2016 ».

Le palais présidentiel. « Le président de la République a remercié le Roi pour son engagement personnel dans la réussite de la COP21. Dans l’esprit de l’Appel de Tanger du 20 Septembre 2015, en vue d’une action solidaire et forte en faveur du climat, les deux chefs d’État sont convenus de renforcer la coordination en vue de la ratification, par tous les États membres, de l’accord de Paris et en vue du succès de la COP 22, qui se tiendra à Marrakech du 7 au 18 novembre 2016. Ils ont souligné que la coopération bilatérale dans le domaine du développement durable était également en plein essor sous l’impulsion des deux Ministres en charge de l’Environnement ».

On retiendra de cela que le président Hollande tient au plein succès de « sa » COP et doit, donc, faire ratifier l’accord de Paris par ceux qui y étaient. Pour cela, il fera tout ce qui est son pouvoir, qui est grand, pour aider le Maroc à réunir le plus de chefs d’Etat et de gouvernement qu’il sera possible et, ce faisant, assurer la continuité de la COP 21 et assurer la réussite de la COP 22 « de » Mohammed VI.

Il faut savoir que l’Accord de Paris, bien qu’approuvé par les Etats présents à la COP21, pour entrer en vigueur, doit encore être ratifié par au moins 55 pays représentants plus de 55% des émissions de gaz à effets de serre. L’entrée en vigueur de l’accord, s’il est ratifié, n’est en outre prévue que pour 2020. Et la ratification devrait être plus simple, puisque certains Etats, qui auraient pu craindre les votes de leur Parlement,...

comme le cas du Congrès américain, pourront l’adopter par décret. C’est pour cette raison que l’Accord s’appelle ainsi et non traité ou protocole, car cela aurait contraint nombre de pays à passer par des parlements qui pourraient être rétifs à ratifier.

L’affaire n’est pas du tout gagnée… En effet, le premier Etat à avoir ratifié l’Accord sont les Îles Fidji, le 12 février, deux mois après la conférence dans la capitale parisienne. Cependant, l'ONU organise le 22 avril une cérémonie officielle durant laquelle les représentants des États signataires seront invités à signer un document attestant qu'ils s'engagent à faire ratifier le texte de l'Accord de Paris.

Le terrorisme

La Libye. Hollande et Mohammed VI ont ainsi passé en revue le déroulement des événements politiques en Libye.

Communiqués similaires des deux palais, (sauf dans les titres protocolaires…). « Le président de la République et le Roi ont également abordé les questions régionales, en particulier le dossier libyen, qui pose des défis pour la sécurité au Maghreb et en Méditerranée occidentale. Le Président a salué le rôle essentiel du Maroc en soutien au processus engagé sous l’égide des Nations Unies ayant abouti à l’accord de Skhirat pour la formation d’un gouvernement d’union nationale. Les deux chefs d’État ont appelé la Chambre des Représentants libyenne à accorder rapidement sa confiance à ce nouveau gouvernement ».

Il est vrai que l’intérêt de tous pour la situation en Libye provient grandement du fait que ce pays est une base, voire un sanctuaire, pour l’organisation terroriste dite « Etat islamique ».  Y ramener la paix épargnerait donc bien des tracas aux pays du pourtour méditerranéen.

La coopération sécuritaire, antiterroriste et anticriminelle. On est dans le cœur du second thème de la rencontre entre les deux chefs d’Etat…

Le palais présidentiel. « Les deux chefs d’État ont salué le bon avancement des chantiers bilatéraux, en particulier en matière économique et culturelle. Ils se sont félicités de l’étroitesse de la coopération dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale, et ont examiné de nouvelles pistes de coopération renforcées dans ce domaine ».

Le palais royal. «  Les deux chefs d’Etat ont salué le bon avancement des chantiers engagés, en particulier en matière économique et culturelle. Ils se sont également félicités de l’étroitesse de la coopération dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale et ont examiné de nouvelles pistes de coopération renforcées, notamment dans le domaine de la sécurité, de la dé-radicalisation, de la culture, du vivre-ensemble et de la coopération triangulaire en Afrique ».

On remarquera la dernière phrase ajoutée par le palais de Rabat, indiquant, en plus de la sécurité, les aspects civils – et civilisés – de la lutte antiterroriste, et aussi l’inclusion de l’Afrique, où les deux pays, malgré les déclarations courtoises, sont bel et bien en compétition.

Avenir des relations bilatérales

Les Marocains sont plus enthousiastes que ne semble l’être la France. A preuve, les deux phrases qui marquent l’avenir des relations.

Pour l’Elysée, les deux hommes « ont réaffirmé leur volonté d’entretenir le nouvel élan qui anime les relations bilatérales et d’intensifier encore la concertation entre le Maroc et la France ».

Vu de Rabat, le roi et le président « ont constaté avec satisfaction le nouvel élan qui anime les relations entre les deux pays et réaffirmé leur volonté de poursuivre leur concertation, notamment à travers le renforcement des mécanismes de coopération régulière, de manière à inscrire davantage les relations entre le Royaume du Maroc et la République Française sous le sceau de la permanence et de l’excellence ».

La visite du Centre culturel marocain

François Hollande et Mohammed VI se sont ensuite transportés vers le centre, qui « sera construit sur un terrain de 320 m², propriété du Maroc, situé au 115 Boulevard Saint-Michel, ancien siège de l'Association des étudiants musulmans nord-africains.  Le projet, d'une surface plancher de 1.360 m², est conçu avec une architecture contemporaine, en phase avec l'ambition d'incarner un lieu de rencontre entre les cultures ». L’islam made in Morocco s’installe en France, au cœur de la capitale, et sa culture aussi.

Aziz Boucetta