Affaire Omar Raddad: La deuxième requête en révision

Affaire Omar Raddad: La deuxième requête en révision

La commission d'instruction de la Cour de révision chargée d'examiner la requête en révision du procès de l’ex-jardinier marocain, Omar Raddad, condamné en 1994 à 18 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de Ghislaine Marchal, a rejeté, jeudi à Paris, la demande présentée par son avocate.

“L’affaire Omar Raddad a été l’une des plus grandes erreurs judiciaires du 20è siècle. Aujourd’hui, c’est l’une des plus grandes erreurs du 21è siècle. La commission d’instruction n’a pas suivi les réquisitions de l’avocat général (…) et a considéré que les ADN ne peuvent pas être datés et la requête de Raddad a été ainsi rejetée”, a déclaré à la presse Me Sylvie Noachovitch, à l’issue de l’audience.

« Nous sommes scandalisés par cette décision, qui non seulement ne respecte pas les droits de l’homme, mais encore moins la loi de 2014 qui permet la révision en cas de simple doute », a-t-elle dit devant les médias.

“Je ne lâcherai jamais Omar Raddad, ma détermination est encore plus forte que jamais”, a-t-elle affirmé, entourée de Jean-Marie Rouart, membre de l’Académie française et écrivain, et de George Fenech, ancien juge d’instruction et député honoraire, ajoutant qu’elle va saisir la cour européenne des droits de l’homme.

“Des avocats ont déjà fait ce recours et obtenu gain de cause”, a-t-elle indiqué, au moment d’annoncer par téléphone la décision à son client devant les caméras des journalistes, ajoutant que “nous irons jusqu’au bout. Je vais lancer dès ce jour cette procédure”.

“Le procès n’est pas équitable, parce que des gendarmes ont demandé d’être entendus. Des gendarmes qui ont mené l’enquête ont découvert des éléments nouveaux extrêmement importants. Il y a quatre suspects, de nombreux suspects dans ce dossier. On ne veut pas savoir la vérité finalement”, a poursuivi l’avocate, ajoutant qu’’’Omar Raddad a droit de savoir la vérité, le justiciable a droit de savoir la vérité, on ira jusqu’au bout pour cela parce qu’on est pas dans un procès équitable, parce que tous les éléments du dossiers démontrent qu’on doit aller plus loin, c’est important et même l’avocat général considérait qu’on doit aller plus loin”.

De son côté, M. Rouart, auteur du livre « Omar, la construction d’un coupable », dans lequel il évoque « les multiples fautes de l’enquête », a dénoncé une “justice de classe et le triomphe de l’oligarchie judiciaire contre un jardinier marocain”, ajoutant que cette justice de classe choque et cette décision fait porter une lourde suspicion sur l’appareil judiciaire”.

“Si on a pas voulu innocenter Omar Raddad, c’est parce qu’on a voulu dissimuler les vrais coupables”, s’est indigné le président du comité de soutien d’Omar Raddad, créé en 1994.

Gracié mais sans jamais être innocenté, Omar Raddad n’a jamais eu de cesse de plaider son innocence, dans l’une des affaires criminelles les plus célèbres et les plus controversées de France. M. Raddad et sa défense ont multiplié les batailles judiciaires en vue d’établir la vérité, dans une affaire qui a connu de


nouveaux rebondissements ces derniers mois.

En effet, le 16 décembre dernier, la justice française a décidé de rouvrir le dossier, 27 ans après la condamnation de l’ancien jardinier marocain. Elle a ordonné un complément d’information, première étape vers une éventuelle révision du procès, après que la défense, en s’appuyant sur un rapport révélé par la presse, avait déposé, six mois auparavant une demande de révision du procès, une procédure exceptionnelle en France.

Le rapport établi en 2019 par un expert privé a conclu à la présence d’une trentaine de traces d’un ADN complet masculin n’appartenant pas au jardinier et trouvées dans l’une des fameuses inscriptions faites avec le sang de la victime, qui désignaient Omar Raddad comme le meurtrier.

L’expert Laurent Breniaux, qui a analysé 35 traces d’un des ADN présents dans la fameuse inscription « Omar m’a tuer », favorise, dans son rapport, l’hypothèse d’un dépôt d’empreintes au moment des faits, et non d’une « pollution » ultérieure par les enquêteurs.

En d’autres termes, ces traces génétiques auraient pu être déposées par l’auteur de l’inscription, qui ne serait alors pas Mme Marchal, mais potentiellement le véritable meurtrier, selon Me Sylvie Noachovitch.

Si la défense de Raddad comptait jusqu’ici sur les progrès de la science en matière d’ADN pour établir l’innocence de son client, elle s’appuie désormais sur un nouvel élément révélé dans un livre paru dernièrement sous l’intitulé  »Ministère de l’Injustice », dont les auteurs ont enquêté dans les coulisses des plus grandes affaires de ces dernières années en France.

L’ouvrage évoque une “piste cachée”, qui a dévoilé l’existence d’une enquête menée entre 2002 et 2004 par des gendarmes distincts de ceux qui ont effectué l’enquête initiale, et qui aurait probablement innocenté l’ancien jardinier marocain, mais qui ont été mystérieusement interrompues.

Le livre fait état de l’existence d’une piste non exploitée, et aux conséquences potentiellement énormes.

Entre 2002 et 2004, une enquête était menée par des gendarmes en lien avec le procureur de Grasse, sur la base du témoignage d’une source (à la fiabilité confirmée) se disant tourmentée de savoir Omar Raddad condamné.

Selon celle-ci, le meurtre de Ghislaine Marchal était en fait le résultat d’un cambriolage ayant mal tourné, alors que des procès-verbaux dans cette procédure évoquent clairement une possibilité d’innocenter Omar Raddad.

Deux frères, l’un d’eux détenu dans une autre affaire pour tentative de meurtre, sont même identifiés comme suspects, mais d’après les auteurs du livre, aucune réponse ne fut donnée aux demandes des enquêteurs, et le dossier fut clos étrangement, rapportent les médias de l’hexagone, ajoutant que le livre évoque également des  »pressions », notamment d’un général de gendarmerie, pour la clôture de la procédure.

Condamné en 1994 à 18 ans de réclusion, Omar Raddad avait bénéficié d’une grâce partielle du président Jacques Chirac, puis d’une libération conditionnelle en 1998. Mais cette grâce n’a pas annulé la condamnation et n’a pas innocenté le jardinier marocain.

Sans possibilité de faire appel à l’époque, il avait au total passé plus de sept ans en prison.

Agences