(Billet 657)- Tout le monde veut ouvrir les frontières mais tout le monde dit « c’est pas moi »

(Billet 657)- Tout le monde veut ouvrir les frontières mais tout le monde dit « c’est pas moi »

On ne rappellera jamais assez la pensée fort perspicace de ce haut responsable américain qui avait dit voici quelques années à son convive marocain que nous autres Marocains sommes capables du meilleur mais, que tous seuls, sans que rien ne le laisse prévoir, nous gâchons tout, ou presque… Avoir été l’un des pays ayant le mieux géré la pandémie, malgré les moyens rachitiques que l’on sait, et se retrouver aujourd’hui le seul ou presque à être isolé du monde confirme cette sentence de l’Américain.

Retenons l’explication apportée par les scientifiques marocains, reprise ad nauseam par les politiques, pour la fermeture des frontières : « On a fermé à titre anticipatif et préventif dès l’apparition de l’Omicron… souvenez-vous… nous sommes fin novembre 2021 et le monde qui sort du Delta apprend l’arrivée du nouveau variant que l’on disait encore plus contagieux et bien plus létal. Alors seddina, le temps de voir ». On a vu, on a compris et on a même eu entretemps la certitude que l’Omicron touchait, ou toucherait, à peu près tout le monde, mais que la létalité serait basse. Et elle l’est… Une forme d’immunité collective, se prenait-on même à espérer ici et là. Et ce brave Omicron ne le dément pas, malgré son sous-variant qui laisse poindre aujourd’hui le bout de sa couronne.

Revenons au Maroc. On a fermé, et nous sommes encore enfermés. Officiellement, et selon un des nombreux organismes d’Etat dépositaire de la parole gouvernementale, jusqu’au 31 janvier. Deux mois donc, seuls au monde, avec les nôtres qui désespèrent dehors, et certains qui prospèrent ici si l’on en croit les infos non démenties de rapatriements aussi discrets qu’onéreux par avion privé.

En 2020, la contestation avait porté sur l’abandon des Marocains à l’étranger, malgré la prise en charge d’une partie d’entre eux ; on ne savait rien de la pandémie et des dizaines d’autres Etats avaient pris la même mesure. Aujourd’hui, le Maroc est quasiment seul à fermer, avec des chiffres qui prêtent à confusion : les contaminations quotidiennes n’ont pas atteint le seuil des 10.000, en dépit du fait que chacun, dans son entourage,...

a plusieurs cas, dont souvent lui-même. Or comme seuls les initiés ou les gens un peu informés savent que c’est le taux de positivité qui prime, l’opinion publique s’interroge : Tout ça pour moins de 10.000 contaminations par jour ??!!

Et que fait une opinion publique, quand il lui arrive de s’interroger ? Elle se retourne vers (contre ?) ses responsables. Seulement voilà… Aziz Akhannouch en a parlé mais avec sa fatalité coutumière « inchallahesque », Khalid Ait Taleb en parle peu ou pas, Abdelouafi Laftit ne parle pas, Nasser Bourita en parlera s’il veut et Fatima-Zahra Amor parle pour elle-même. Paroles, paroles…

Alors, à défaut de trouver des réponses chez nos responsables politiques, sachant que les responsables scientifiques nationaux se sont clairement prononcé pour la réouverture des frontières, les Marocains se tournent vers l’OMS (et donc l’ONU) qui, elle, recommande de « lever ou d’assouplir les interdictions de circulation internationale, car elles n’apportent aucune valeur ajoutée et continuent de contribuer au stress économique et social des États parties », ajoutant même que « les interdictions générales de voyager ne sont pas efficaces pour supprimer la propagation internationale et peuvent décourager la notification transparente et rapide des variants émergents préoccupants ». 

En étant plus vif et encore plus alerte, le gouvernement aurait pu faire l’économie de cette si longue fermeture des frontières et, en ouvrant après quelques semaines, il aurait certes eu à faire face à des dépenses supplémentaires, qui n’auraient cependant très certainement pas atteint les 2 milliards de DH consentis en faveur de l’industrie hôtelière (et présentés comme étant pour le secteur du tourisme).

Et finalement, le chef du gouvernement ne sait quoi faire, ni quand pour ouvrir le pays, le ministre de la Santé s’en lave les mains au gel hydrocalcoolique et le comité interministériel reste tétanisé derrière son masque. Mais puisqu’il faudra bien prendre une décision un jour, autant le faire maintenant, puisque les sachants et l’OMS le disent et le répètent et puisaue chaque jour d'attente est un jour où l'on coule davantage !

« Inni aghraq, aghraq, aghraq », chantait Abdelhalim Hafed…

Aziz Boucetta