(Billet 654) – Gouvernement Akhannouch, 100 jours, dont la moitié dans un pays isolé du monde !

(Billet 654) – Gouvernement Akhannouch, 100 jours, dont la moitié dans un pays isolé du monde !

Et le gouvernement Akhannouch acheva ses 100 premiers jours, l’occasion traditionnelle pour dresser un bilan de son action, et surtout de la perception qu’il renvoie... Un gouvernement homogène certes par l’ambition, mais anxiogène par mutisme et manque de d’expression. Un gouvernement de technocrates aussi assurément, mais de novices également.

Ce qui surprend en premier dans la composition de ce gouvernement, c’est la qualité et l’esprit d’innovation dans les départements créés et qui font donc leur entrée pour la première fois dans un exécutif : l’Evaluation des politiques publiques et la Convergence, les Transitions énergétique et digitale, la Petite entreprise, le Préscolaire, la dissociation de la Jeunesse et des Sports… Un gouvernement ramassé, de choc, de réalisations et harnaché d’une immense ambition.

Cependant, on peut regretter l’excès de retenue et de prudence de l’équipe Akhannouch, ainsi que sa propension à lancer des chiffres par milliards qui, sans communication, restent peu crédibles. Des dizaines de milliers d’emplois ici, des centaines de milliards d’investissements là, mais avec des explications étiques et, par moments, plutôt laborieuses. Ainsi, par exemple, du programme Awrach, assurément ambitieux, mais manquant de précisions et de cohérence arithmétique. Comment par ailleurs réaliser une émergence réelle et assurer un million d’emplois avec une croissance moyenne de 4% ?

Quant aux décisions prises, elles sont certainement positives, louables et nécessaires mais, jetées à l’opinion publique sans préparation ni pédagogie, elles atteignent l’objectif inverse de celui escompté, ratant la crédibilité et versant dans une préjudiciable opacité, voire une regrettable et légitime méfiance. Fixer 30 ans comme limite d’âge aux postulants enseignants est sans doute salutaire, mais il eût fallu mieux l’expliquer, de même que la volte-face sur les contractuels aurait gagné à être exposée.

Il est vrai que la tâche dévolue à Aziz Akhannouch est peu aisée ; en effet, la constitution consacre un gouvernement éminemment politique mais, une fois peuplé de technocrates, il appartient au chef du gouvernement d’assurer l’équilibre entre cette...

technocratie souvent muette et sûre d’elle-même, parfois condescendante, et les contraintes d’une démocratie parlante et convaincante. On peut raisonnablement douter des qualités du chef du gouvernement à cet égard.

Ainsi, si la gestion de la pandémie, sur un plan purement technique et sanitaire, se décline toujours aussi convenablement, c’est sur le plan des décisions d’accompagnement que le problème se pose. Le pass vaccinal n’est pas passé et la fermeture des frontières encore moins, surtout après le premier mois. Et de fait, le gouvernement Akhannouch aura eu cet étrange privilège de diriger un pays fermé et enfermé. On en sort certes, mais on n’y revient pas, à moins d’être doté de solides moyens financiers, les informations sur des retours très onéreux se font de plus en plus fréquentes, insistantes, navrantes, révoltantes car il n’y a aucun démenti et encore moins d’enquête de la part du gouvernement.

Comment donc apprécier l’action du gouvernement d’un pays aussi ouvert que le Maroc alors que sur ses 100 jours d’existence, il en aura passé la moitié frontières fermées et clés semble-t-il perdues ?…

Il revient à Ssi Akhannouch de comprendre que la communication et l’échange sont nécessaires, voire vitaux. En effet, si les Marocains ont besoin de technocratie pour véritablement émerger, ils ont envie de démocratie pour respirer. Et la démocratie, c’est la proximité avec les populations, la disponibilité pour prendre des risques à s’exprimer et l’humilité de reconnaître ses éventuelles erreurs.

Le chef de l’Etat a accordé sa confiance à Aziz Akhannouch, les députés l’ont investi, les ministres ont cru en lui et les populations en attendent beaucoup. Il serait dommage que par abus dans la retenue ou trop-plein de timidité, par défaut d’audace ou excès de confiance, tous ces gens soient déçus. N’avait-il pas dit lors de la campagne électorale que nous méritions mieux ? C’est le moment ou jamais de le prouver en ouvrant la bouche et les frontières !

Aziz Boucetta