(Billet 639) – Le gouvernement dit ne pas avoir droit à l‘erreur, mais s’autorise des erreurs…

(Billet 639) – Le gouvernement dit ne pas avoir droit à l‘erreur, mais s’autorise des erreurs…

Ils sont trois et viennent de signer un pacte de la majorité qu’ils composent. Cette semaine, les trois chefs de partis et de la majorité que sont Aziz Akhannouch, Abdellatif Ouahbi et Nizar Baraka ont posé tout sourire face aux objectifs, exhibant le document dûment paraphé, qui dit en gros, en bref et en substance qu’ils ne s’agresseront pas, qu’ils seront solidaires et que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes. Oui, mais il y a le reste…

Le chef de l’Istiqlal a eu ce commentaire : « Nous n’avons plus droit à l’erreur ». Certes, mais « ils » commettent quelques erreurs, peut-être… de jugement, de casting, de déclarations ou de manque de déclarations, de mauvaise appréciation de la perception des populations… Il est vrai que ce gouvernement aura la tâche difficile consistant à non seulement sortir de la crise sanitaire, mais d’en sortir en trombe pour assurer une relance qui, pour l’instant, ne cesse de caler, pour cause de virus teigneux. Et avec Omicron nous n’en sommes qu’à la 15ème lettre de l’alphabet grec, qui en compte 24…

Pour sa part, Aziz Akhannouch a eu ce mot : « Le temps de l’irresponsabilité est révolu ». On ne peut que s’en réjouir en effet, si c’est vraiment le cas, mais curieuse déclaration tout de même de la part d’un homme membre de tous les gouvernements du pays depuis 2007 ! Comment a-t-il donc pu survivre à tant d’irresponsabilité depuis près de 15 ans ??!!

Alors, comment fonctionne ce gouvernement par rapport aux précédents ? A deux étages. Faire, puis faire savoir, ou l’inverse, mais toujours aux deux stades de l’opérationnalisation et de la communication, qui évoquent un peu la poule et l’œuf et qui précède l’autre. L’ancien ministre de l’Agriculture qu’est Aziz Akhannouch devrait, depuis le temps, avoir la réponse à cette question… Dans l’attente de ce jour heureux, il semble avoir décidé de sacrifier la communication sur l’autel de l’action, et pour cela il verrouille sa majorité, partant du grand principe de « Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge ! ».

Les amis, c’est donc fait, ils ne


piperont mot, s’étant engagés sur pratiquement tout, le réalisable et le non réalisable, comme par exemple un million d’emplois nets sur les cinq prochaines années avec une croissance annuelle moyenne étique de 4% seulement, la réduction de l’indice Gini des inégalités de 46,4 à 39 (ce qui pour les profanes est réalisable, pour les initiés exclu), le relèvement du taux d’emploi des femmes de 20 à 30% (un doux rêve ou un rêve pieux, comme on veut)…

Il reste les autres, ceux qui pourraient un jour être des ennemis, ceux qui attendent, ceux qui travaillent d’arrache-pied sans pouvoir s’arracher de leur indigence, ceux qui aimeraient investir mais qui ne trouvent pas de banque à l’écoute, ceux qui doutent, ceux qui savent et ceux qui croient savoir… A tous ceux-là, le gouvernement ne dit rien. Car ce n’est pas parce qu’un ministre fait un soliloque devant un quarteron d’obligés ou s’en va à la télé s’adresser à la nation clémente et impatiente qu’on peut appeler cela de la communication.

Et puis il y a les vrais ennemis, ceux de l’étranger qui guettent, ceux qui attendent le faux-pas et ceux qui s’y attendent, ceux qui espèrent la faute et ceux qui y aspirent. Le Maroc est en délicatesse avec son voisin espagnol, en relation fraîche avec les Français, en colère contre Berlin et en quasi-guerre avec des Algériens irascibles, irritables et continuellement irrités en plus d’être dangereusement martiaux.

Tout cela il faut y faire face car quand on gouverne, il s’agit autant de déployer son savoir-faire que sa capacité à faire-savoir, surtout quand dans l’attelage, de petites erreurs de casting peuvent être relevées, que certains membres n’ouvriront jamais la bouche, que d’autres se lanceront dans d’aussi longues qu’inutiles bafouilles et qu’une troisième catégorie est là pour délivrer sans se livrer.

Jusque-là, les décisions prises (âge des enseignants, pass vaccinal, fermeture des frontières, excepté pour les Marocains bloqués dehors) sont judicieuses et audacieuses, mais les attentes populaires et le redéploiement stratégique du pays nécessitent de l’explication, de l’information, de l’interprétation… autant de choses que l’on appelle communément de la communication.

Aziz Boucetta