(Billet 600) – Jean-Yves Le Drian, toujours méprisant et aujourd'hui méprisé...

(Billet 600) – Jean-Yves Le Drian, toujours méprisant et aujourd'hui méprisé...

« Il y a eu mensonge, il y a eu duplicité, il y a eu rupture majeure de confiance, il y a eu mépris… », fulminait en fin de semaine le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, au sujet de la très spectaculaire résiliation du contrat de vente de sous-marins français à l’Australie, laquelle a annoncé par la voix de son Premier ministre qu’elle ne regrette rien, car l’intérêt national de son pays passe avant tout, états d’âme de M. Le Drian compris. Cela appelle certaines réflexions.

Comment une nation comme la France peut-elle en arriver là, être l’objet d’attaques aussi virulentes, quelle que soit la forme qu’elles prennent. Hier, l’Italie et la Turquie (avec à la clé les rappels d’ambassadeurs dans ces pays, pour consultation), aujourd’hui l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni… Entre les deux, l’Afrique, et principalement l’Afrique du Nord et de l’Ouest.

Si l’on exclut l’Algérie, dont la relation avec Paris est « psycho-historique » voire hystérique, il semblerait que la France a du mal en ce moment à faire entendre sa voix à l’étranger sans être vilipendée. Mais pourquoi cela devient-il de plus en plus rapproché et de plus en plus généralisé ? Il faut croire que nos amis les Français savent de moins en moins y faire dans un monde qui évolue et où, comme le dit le roi Mohammed VI, « les règles du jeu ont changé ».

Mais puisque M. Le Drian parle de mépris, il lui appartient d’admettre qu’à l’image de l’arroseur arrosé, le mépriseur devient à son tour méprisé, et le fait que cela soit aujourd’hui l’acte des Grands n’empêche en rien que cela le soit également de la part de plus petits. Florilège…

Ainsi, demander par exemple aux autorités marocaines, ainsi que l’a fait le président Macron en mars 2020, « de veiller à ce que tout le nécessaire soit fait au plus vite » pour rapatrier les ressortissants français, n’est pas plus délicat que d’avoir suggéré en 2017 que le chef de l’Etat burkinabè  était « allé réparer la climatisation » !… Une saillie de la même veine que le désormais aussi célèbre que calamiteux « l’Homme africain n’est pas entré dans l’Histoire », de Nicolas Sarkozy, 10 ans auparavant.

De 2019 à 2020, et pour le seul cas du Maroc, plusieurs déclarations de responsables français montrent le mépris dans lequel ce (pourtant) grand pays tient le Maroc… En juin 2019, M. Le Drian (toujours lui) ricane à Rabat sur une question à lui posée sur les visas : « La France est victime de son succès, et elle délivre 330.000 visas par an aux Marocains, qui auront du mal à rattraper la Chine, avec ses 900.000 visas annuels ». Un an après, un...

certain Clément Beaune, sous-ministre (selon la nomenclature du Canard Enchaîné), pérore : « Nous avons des leviers pour le faire (contraindre les pays à rapatrier leurs citoyens), par exemple les visas (…) en ciblant des responsables politiques, des responsables économiques. Oui, c'est un des leviers que le président de la République, que le ministre de l'Intérieur envisagent »…

Passons sur ce tweet de l’ambassadrice de France au Maroc Hélène Le Gal (ci-contre), où son homologue Chakib Benmoussa lui « aurait » présenté en juin 2020 un point d’étape sur le modèle de développement, tweet relié à celui de la Commission qui annonçait un délai de 6 mois accordé par le Roi. Ce tweet avait été très mal perçu par une opinion publique marocaine remontée…

Rappelons l’acharnement européen contre le Maroc pour l’affaire (certes maladroite) des jeunes migrants à Ceuta en mai dernier, et où la France avait joué les observateurs au lieu des défenseurs, ce qu’elle aurait pu faire en égard à ses propres intérêts au Maroc… et n’oublions pas ce déferlement d’animosité et de condescendance contre le royaume lors de l’affaire Pegasus ou, hier encore, sur LCI, avec le rédacteur en chef du Figaro Magazine Guillaume Roquette qui insistait lourdement sur « les 340.000 visas délivrés par la France au Maroc et qui devraient servir de moyen de pression », reprenant le propos de Xavier Bertrand…

Reprenons, lentement… Rejetée au Mali, contestée au Sénégal, jouant le deux poids deux mesures au Tchad et en Guinée, « abandonnée » par le Gabon qui a choisi le Commonwealth, très énervante au Maroc, « méprisée » de son propre aveu par le trio Australie/Royaume-Uni/Etats-Unis, malmenée par Israël, bousculée par les Russes et quasiment ignorée par les Chinois… La France devrait comprendre et admettre que « les règles du jeu ont changé », que les anciens amis ont changé de génération et que l’actuelle est plus exigeante en matière de respect, et plus intelligente concernant le choix de ses partenaires.

Quant au Maroc, l’ingratitude de la France et son double-jeu concernant le Sahara (Paris connaît parfaitement les réalités historiques mais maintient son opacité pour pouvoir arguer de son soutien à l’ONU, et le monétiser) en plus de son chantage au visa l’éloigne de plus en plus du cœur des Marocains.

MM. Macron et Le Drian, supposés porteurs de la francophonie, deviennent des vecteurs de francophobie. Il est vraiment navrant de voir ce grand pays servi, peut-être desservi, par d’aussi petits esprits. Les intellectuels de France disposent aujourd’hui de tous les éléments pour restaurer la France - et sa grandeur - à la place qui fut la sienne, parce qu'elle le vaut bien. Ils n’ont pas l’éternité devant eux…

Aziz Boucetta

 

 

 

 

éditorialiste