(Billet 527) – La nouvelle équation sécurité/communication

(Billet 527) – La nouvelle équation sécurité/communication

Il est habituellement malaisé de s’exprimer sur des gens généralement silencieux et des sujets ordinairement discrets et confidentiels. Nous en sommes alors réduits à observer ce qui se produit et à essayer de l’analyser. Au Maroc, depuis plusieurs mois, plusieurs opérations sont menées par les différents corps sécuritaires, au sens large, avec succès, et dans le cadre d’une communication étudiée.

La lutte antiterroriste. Menée par la DGST et le BCIJ, cette lutte a progressivement changé de forme, de plus en plus électronique, mais sans préjudice pour l’élément humain. Infiltration, recoupements, traçages des communications des groupes radicaux, ici et ailleurs… Les Marocains ont de plus opté ces dernières années pour une politique de transparence, révélant les opérations, exposant les prises et dévoilant leur coopération avec leurs services homologues.

Les services marocains ne se contentent pas de la sécurité domestique, mais interviennent dans leur environnement, d’abord proche, puis de plus en plus lointain, en communiquant autour. Habituellement discrets, les services sont aujourd’hui dans une logique de transparence, et l’objectif semble être double : d’abord semer l’effroi dans les rangs des groupes terroristes en les informant que nulle part, ils ne seront en sécurité puisque les services s’échangent les informations et, ensuite, rassurer les populations. En effet, rien de plus réconfortant qu’un antiterrorisme supranational pour lutter contre un terrorisme tout aussi supranational.

Récemment, les Français ont pu détruire une cellule terroriste à Béziers, sauf que c’était avec la collaboration et l’assistance des services marocains. Les services hexagonaux n’ayant rien divulgué de cette coopération, ce sont les Marocains qui l’ont dit, obligeant les Français à courir derrière pour essayer, par la voie de leur diplomate en chef Jean-Yves Le Drian, de reconnaître cette collaboration, même du bout des lèvres…

Aujourd’hui, en plus du savoir-faire, il est important de faire savoir. La sécurité impliquant tous les citoyens, il est naturel qu’ils soient informés, bien que cela soit plutôt inédit.

La défense des frontières....

Pour l’armée, il en va différemment. En novembre, un communiqué laconique avait annoncé que l’armée marocaine avait dégagé le point de passage de Guergarate. Aucun détail, mais un résultat. S’en suit une fébrilité du Polisario qui a tour à tour déclaré la guerre au Maroc, assuré avoir investi de pleines provinces, juré avoir détruit une partie de l’armée royale et promettant de semer la mort dans les rangs de ses soldats ! 150 communiqués de guerre, rappelant ceux de l’Oncle Ho… Silence des officiels marocains, qui guettent, et amusement de l’opinion publique nationale, paisible.

Et la semaine dernière, un gradé polisarien, puis deux, sont morts des suites de… quelque chose. On a dit que les FAR avaient utilisé un drone tueur, mais les FAR ne révèlent rien. On dit que les FAR disposent de ce type d’armement ultrasophistiqué, mais les FAR ne répondent rien. Des fuites savantes sont alors organisées, desquelles on apprend que le Maroc possède effectivement des drones, depuis longtemps, et qu’il s’est spécialisé dans cette technologie, puis longtemps aussi.

Suivant en cela la stratégie de communication des Américains mais surtout des Israéliens, les Marocains agissent, mais n’annoncent pas toujours. Toujours cette question de surprise et d’effroi. Désormais, tout gradé ou non du Polisario embarquant dans un véhicule et sillonnant le désert sait qu’il peut à tout moment devenir une cible. Les satellites sont là et ils épient, et il est bien possible qu’ils soient reliés à une batterie de missiles ou de drones prêts à partir vers leurs cibles.

De la guerre contre le terrorisme international à celle contre le séparatisme du Polisario, les modes de communication changent. La Grande Muette l’est toujours, pour des raisons évidentes de surprise et de discrétion quant au potentiel ses arsenaux, et les DGST et BCIJ ne sont pas pour autant de grands bavards, mais distillent leurs informations pour assurer la sécurité et rassurer les populations.

Aziz Boucetta