(Billet 498) - Harcèlement des femmes, silence cala#metoo

(Billet 498) - Harcèlement des femmes, silence cala#metoo

Serions-nous donc un pays vertueux qui abrite un peuple respectueux, modérément voluptueux ? Dans le vaste monde, il ne se passe pas une semaine sans que les médias ne rapportent les frasques glauques d’hommes inconvenants, lourdement insistants à l’égard des femmes, la main leste et le geste osé. Mais dans le vaste monde, les femmes parlent et dénoncent, et elles sont soutenues par leurs sociétés. Sous nos cieux, soit il ne se passe rien, soit l’omerta a vaincu.

Au Maroc, les relations sexuelles entre adultes consentants sont interdites, purement et simplement (et stupidement aussi) prohibées par la loi. Cela n’empêche pas les amours des uns et des autres, mais dans un environnement de prudence et de discrétion, certes en recul, mais prudence et mutisme quand même. C’est bien dommage mais c’est ainsi, attendant que nos législateurs comprennent combien il est idiot de brider les amours charnelles consenties de toute une nation…

Tout récemment encore, une femme a été « victime » de l’interdiction de jouissance, envoyée en prison un long mois durant, pendant que son ex-amant qui avait dévoilé leurs amours et son intimité coule des jours heureux en Europe. Et comme de bien entendu, les gens s’offusquent, se révoltent, lèvent les yeux au ciel et baissent les bras d’impuissance… mais quid des dragueurs lourdauds ?

Les actes de harcèlement et autres gestes inappropriés ont fait l’objet d’une loi, la fameuse 103-13, qui est en fait un simple amendement au code pénal. Et tout y passe, en matière d’harcèlement et de violence contre les femmes… tout, sauf le viol conjugal. Au Maroc, cela n’existe bien évidemment pas, une femme « appartenant » à son mari dès lors qu’ils ont convolé en justes noces.

Il existe bien des associations de lutte contre ces formes d’harcèlement, au travail ou dans l’espace public, mais sans l’adhésion de la société, une loi ne peut remplir son rôle. En effet, pour appliquer le droit, il faut qu’il y ait plainte et dénonciation, constitution de partie civile et désignation d’une défense virile. Or, le drame est que les femmes semblent s’être résignées à cette situation. Les « Pssst », « man choufoukch ? » et autres « ma cha Allah », ou...

encore, ou pire, les mains baladeuses ont encore de beaux jours devant elles, tant que les femmes ne dénoncent pas et ne se révoltent pas. Un mouvement, Masaktach, était apparu en 2018 et ses membres avaient sillonné les rues pour distribuer aux femmes de sifflets pour usage sonore à la première sollicitation insistante… Mais les choses en étaient restées là, ou presque.

Or, le carcan se fissure et les actes indélicats, voire délictueux (on ne parle pas du viol) commencent à être connus. Il reste seulement la dénonciation. Comment cela se fait-il que l’on n’ait jamais entendu parler d’actes de harcèlement dans les grandes entreprises (banques, assurances…) ou, pire encore, dans les administrations publiques, où hommes et femmes se côtoient et où les mains osent et les langues murmurent ?

En France, aux Etats-Unis, en Espagne, au Royaume-Uni, en Suisse, les actes d’harcèlement, voire d’attouchements ou plus se multiplient. Et les stars tombent les unes après les autres, journalistes télé ou acteurs, politiques ou enseignants… Comment expliquer qu’au Maroc, nous n’ayons encore jamais entendu parler de tels comportements coupables commis par des hommes publics, des artistes, des sportifs, des enseignants… ? Et dans les usines employant des femmes, rien ne se passe ?... Un seul mot pour expliquer, la honte de la double peine : se faire harceler, voire palper, par quelqu’un et être accusée de provocation pour cause d’un regard, d’une posture, d’un sourire, d’une tenue vestimentaire…

Et pourtant, les rumeurs sont là, nombreuses, et évoquent des situations de harcèlement au parlement, dans certains ministères, dans des communes, dans des entreprises privées ayant pignon sur rue… Quelle est donc cette femme qui osera, la première, poursuivre et attaquer en justice un homme public aux mains baladeuses ou au propos lubrique ? Cette femme serait-elle alors véritablement soutenue par une population prompte à se révolter doucement et à oublier rapidement ? Au Maroc, le silence est aussi calamiteux que la lubricité est débridée, les femmes sont aussi tétanisées que les hommes sont audacieux, sûrs de leur impunité.

Quand un mouvement « Meetoo » verra-t-il enfin le jour dans notre pays, avec de vrais témoignages, de réelles dénonciations et une activité durable ?

Aziz Boucetta