(Billet 495) - Voici ce qui manque (vraiment) à nos partis

(Billet 495) - Voici ce qui manque (vraiment) à nos partis

Ils sont plus de 35 et on ne voit que deux, ou trois, quatre en étant indulgent… Eux, ce sont les partis politiques du royaume du Maroc, éléments essentiels et incontournables de toute démocratie représentative qui ressemble à quelque chose. Et ils viennent d’apprendre, et nous avec eux, qu’ils auront droit à plus de financement public pour faire œuvre pie en politique. Il y aurait pour cela, cependant, plusieurs choses à revoir au sein de notre classe politique.

1/ L’idéologie. Une formation politique est en principe appelée à apporter une réponse politique à une demande sociale et surtout sociétale. Actuellement seul le PJD peut se prévaloir d’être dans cette logique, comme l’étaient avant lui les partis issus du mouvement national. Aujourd’hui, le terme « Istiqlal » ne parle plus à personne, pas davantage d’ailleurs que « socialisme », dans un monde qui fonctionne presque entièrement à la pensée libérale. Nos partis se disent, tous ou presque, libéraux, nationalistes, royalistes, parfois conservateurs… des propos creux qui sonnent faux auprès d’une population qui regarde ailleurs.

2/ La proximité. Un parti est un organisme fait en principe pour encadrer des populations, les instruire sur ses idées et les conduire vers un objectif déterminé. Cela implique une grande proximité des cadres du parti avec les populations, ainsi que cela se faisait d’antan avec feus Boucetta, Yata, les deux Bouabid et bien d’autres encore… Aujourd’hui, les chefs de partis évoluent, entourés le plus souvent d’une garde rapprochée, pour ne pas dire prétorienne, pour séparer les chefs de leurs « militants », voire pour les protéger. Quant au PJD, ses dirigeants restent dans leur entre-soi, ne se mélangeant que très rarement, ou à leurs corps défendants, à la frange progressiste de la société.

3/ L’audace. Un chef de parti doit savoir dire « non » quand il le faut. Il n’est nul besoin d’être dans l’impertinence ou l’agressivité pour imposer une idée, un programme, ou pour refuser un projet, une politique ; sans être dans une pratique de « cohabitation » à la française, on peut être dans une posture de collaboration, à la marocaine. Les partis marocains, au niveau de leurs hiérarchies et Politburos, sont des caisses enregistreuses des décisions prises, quand ils sont dans la majorité, des machines à hurler sans conviction ni d’autre ambition que celle d’exister par le décibel. Qui est ce...

chef de parti qui prend fait et cause pour les libertés individuelles, pour les grandes questions économiques ou sociales ?

4/ L’intégrité. Les formations politiques nationales en appellent toutes et bruyamment à l’intégrité morale en politique. Cela est normal et cela ne peut en aller autrement, mais la réalité est autre. Combien de ripoux potentiels ou avérés obtiennent-ils leurs investitures de partis qui pourtant crient à la moralisation de la vie publique ? Combien existe-t-il de personnes condamnées au parlement et/ou dans les aréopages de direction des partis ? Combien de cadres ont-ils été suspendus pour pratiques illégales, conscientes ou non, comme cela aurait dû être le cas pour les deux ministres PJD ? Combien de partis peuvent se targuer de traquer les conflits d’intérêts entre leurs occupations personnelles et leurs activités professionnelles ; le RNI aurait des réponses sérieuses à apporter sur ce point…

5/ La démocratie interne. Comment peut-on qualifier les pratiques démocratiques d’un parti comme le Mouvement populaire, dont le secrétaire général figure parmi les plus anciens au monde à sa fonction (depuis 1986…) ? Comment ne pas s’attrister quand on se rappelle les agapes istiqlaliennes de septembre 2017 avec les assiettes qui volaient et les noms d’oiseaux qui fusaient, ou la grand-messe du PAM avec sa désormais fameuse mêlée générale de 2020 ? Pourquoi un homme comme Aziz Akhannouch n’a pas d’opposition interne au RNI, sauf à considérer que la réflexion n’est pas le point fort de ce parti ? A l’inverse, trop de démocratie interne tue la démocratie interne, comme pour le PAM qui, en 13 ans d’existence, aura aligné par moins de 7 patrons !...

Que l’Etat, donc, décide d’augmenter les subventions versées aux partis politiques ne saurait être une mauvaise chose. Ce qui reste cependant préoccupant est cette propension des politiques à exister et coexister entre eux, sans véritable prolongement au sein de la société ni de sérieuse prédisposition à faire évoluer les choses…

Cela serait au demeurant ardu de pouvoir marquer le pays de leur empreinte quand on n’est pas dans la proximité, qu’on ne se fonde sur aucune idéologie, qu’on ne fait montre d’aucune audace, qu’on joue de l’intégrité et qu’on se joue de la démocratie interne. Et les citoyens, potentiellement électeurs, savent cela, le répercutant sur le taux de participation électorale qui, de scrutin en scrutin, plonge…

Aziz Boucetta