(Billet 494) – Le PJD doit choisir son camp : l’Etat ou le clan

(Billet 494) – Le PJD doit choisir son camp : l’Etat ou le clan

Il est temps que le PJD se décide à jouer franc jeu… Près de dix années après son premier succès électoral et après deux mandats à la tête du gouvernement, le parti se prépare résolument à rempiler pour un troisième tour ; louable intention et légitime ambition, sauf qu’il doit clarifier ses positions et dépasser ses clivages et antagonismes idéologiques, créant une opacité dont le premier parti du pays pourrait nous faire grâce.

Alors que le Maroc a renoué avec l’Etat d’Israël et que les choses vont bon train entre différentes institutions des deux pays, le PJD adopte une position opaque. Ses chefs et organes décisionnels approuvent et entérinent la reprise de ces relations avec Tel Aviv, alors que nombre de ses cadres dirigeants et surtout influents freinent des quatre fers et hurlent aux quatre vents. Dans cette affaire, même Abdelilah Benkirane est sorti de sa retraite pour appeler à soutenir Saâdeddine Elotmani, chef du parti et du gouvernement, au nom duquel il a signé le rapprochement avec Israël.

Il reste cependant plusieurs cadres du parti qui ont manifesté leur opposition à cet accord entre Etats. Le premier est le député Abouzaid El Mokrie El Idrissi (à gauche, sur la photo), monté aux créneaux dès l’annonce de la reprise des relations avec Israël. Il a gelé sa participation dans les instances de son parti et s’est virulemment attaqué aux autres dirigeants qui ont accepté cette normalisation des relations avec Israël. C’est de son plein droit, au nom de la liberté d’opinion et d’expression, mais il est du devoir du PJD de trancher.

En effet, le député El Idrissi n’est pas un membre anonyme ou insignifiant du parti. Il est l’un de ses plus grands tribuns, disposant d’une influence considérable sur ses membres. Il appartient donc aux instances dirigeantes du PJD de se prononcer sur leurs priorités : sont-elles nationales ou claniques ? Les intérêts du pays avant tout, comme l’ont attesté MM. Elotmani et Benkirane, ou les équilibres partisans ? Si la doctrine du PJD a évolué avec le temps et la realpolitik, un homme comme M. El Idrissi devrait choisir, ou être incité à le faire : c’est le parti,...

avec sa nouvelle politique, ou s’en aller… aussi simplement que cela.

Le député d’El Jadida est soutenu par la maire de Casablanca, M. El Omari (à droite sur la photo), qui a également démissionné du secrétariat général du PJD, sans qu’il ne prenne la peine d’en annoncer la raison. Mais il se confirme que c’est pour la question d’Israël aussi…  Et l’affaire est d’autant plus sérieuse que la « guérilla » institutionnelle a commencé…

En effet, le groupe PJD de la Chambre des Conseillers a posé une question au ministre de l’Education nationale au sujet d’une « menace d’infiltration israélienne dans l’éducation au Maroc », après des « contacts officiels avec ‘l’Etat occupant’ au sujet d’initiatives de coopération en matière d’éducation ». Les conseillers PJDistes y voient une menace contre notre identité nationale. Après l’interminable polémique sur les langues d’apprentissage, en vue de l’ouverture de nos jeunes sur le monde, voici encore le même combat du PJD sur l’éducation, un secteur que le parti semble vouloir s’accaparer, voire prendre en otage, officiellement au nom des valeurs et de la culture.

Après dix ans aux affaires, le PJD doit aujourd’hui clarifier ses positions sur son alignement et son allégeance : c’est le Maroc ou l’arabité, les intérêts nationaux ou la cause palestinienne (sachant que l’Etat joue sur les deux fronts), la nation ou la « oumma », Gaza ou le Sahara ? Le parti à la tête du gouvernement ne peut continuer à déployer un double langage et afficher un double visage : un discours officiel aux médias, tout en rondeurs, et une autre posture à l’égard de ses membres, plus carrée et rugueuse.

Le chef du gouvernement et du PJD Saâddedine Elotmani doit aujourd’hui clairement et officiellement annoncer la position de son parti pour la question de la reprise des relations avec Tel Aviv. S’il est opposé à cette nouvelle donne diplomatique, cela serait de son plein droit, mais il devra alors avoir le courage de quitter le gouvernement ; dans le cas contraire, il sera tenu d’unifier ses rangs et de prononcer des sanctions contre les refuzniks élus, créant la confusion dans des objectifs inavoués.

La politique du double et trouble langage doit cesser.

Aziz Boucetta