(Billet 478) – Dix ans après, le PJD… morne parti !

(Billet 478) – Dix ans après, le PJD… morne parti !

10 années au pouvoir, ça use, ça use… A la fin de cette année de grâce 2021, le PJD aura bouclé sa décennie au gouvernement, pour ne pas dire au pouvoir. Et comme toute formation politique dans le monde, le parti aspire à être reconduit, mais le cœur n’y est plus et son corps jadis soudé ne l’est plus. Le PJD a, comme les autres partis ayant été aux commandes depuis longtemps, connu les affres des ambitions contrariées, des jalousies bien naturelles et des inévitables tiraillements, sans compter les compromis et autres compromissions.

Souvenons-nous… après la formation du premier gouvernement Benkirane, les ministres PJD étaient venus forts-en-thèmes et aussi, et surtout, forts en gueules, voulant même imprimer leur marque à l’audiovisuel national, avec Dieu sait quelles conséquences sur la cohésion nationale. En effet, lors des législatives de 2011, le PJD avait attiré environ 1,1 million de votants, un effectif pouvant certes assurer la victoire (aux termes de l’article 47 de la constitution), mais ne représentant aucunement le reste des 22/23 millions de personnes en âge de voter. Même chose pour les municipales de 2015, et aussi pour les législatives de 2016.

Cela étant, la loi étant la loi, le PJD a conquis par deux fois la pole position et par deux fois aussi, la pâle fonction de chef de gouvernement. Pour les municipales, c’est plus sérieux car les amis de MM. Benkirane et Elotmani dirigent les 15 plus grandes villes du royaume, et en tirent profit pour dérouler leur très efficace politique de proximité.

Sauf que tout cela, c’est usant à la longue… car au terme de ces dix années « en situation », comme on dit, les scandales se sont succédé, du poker à la romance, et la romance sous toutes ses formes. Cela relèverait de la vie personnelle des gens si ces gens ne voulaient s’immiscer dans celles des autres. Plus grave est par ailleurs l’attrait du pouvoir, une question ennuyeuse pour un parti dont les membres se disent désintéressés… Or, à l’exception d’un Mustapha el Khalfi ou d’un Mostafa Ramid (en dehors bien entendu d’Abdelilah Benkirane), la vingtaine de ministres PJD passeront à la postérité pour… n’avoir rien fait devant l’Eternel ! Et le même Mostafa Ramid et son collègue Mohamed Amekraz laisseront le souvenir de juristes ne déclarant...

pas, ou tard, leurs employés à la CNSS, et défendus par leur parti (on imagine leurs cris et crissements si d’autres ministres avaient été pris dans ce cas).

On retiendra aussi de cette décennie que les responsables PJD ne se sont pas ouverts sur la société, se contentant d’un paternalisme aussi bienveillant que lointain à l’égard de leur électeurs, effectifs ou potentiels, et d’un éloignement volontaire vis-à-vis du reste de la société. On ne les voit jamais en dehors de leurs bureaux, de leurs partis ou de leurs mosquées, et on les entend toujours déclamer et s’exclamer, oubliant que ce sont eux qui sont supposés être aux « commandes ».

2020… Le virus s’invite dans notre pays, et nos élus PJD, ministres soient-ils ou pas, brillent par leur médiocrité et leur manque de relief. Puis arrive la question du Sahara et de la reprise des relations avec Israël. Ironie de l’histoire, c’est le PJD qui signe, puis tangue, comme un bateau ivre, et ses membres se dégrisent, brutalement réveillés par les réalités… Alors le parti vacille sous le poids de ses certitudes devenues si incertaines. Un Conseil national se tient le weekend dernier, où la parole est certes libre, mais le vote verrouillé ; entre le Sahara bien marocain et la lointaine Palestine, les intestins se nouent, les oreilles sifflent et le cœur balance…

Aujourd’hui, en dehors des élections, rien ne compte plus pour le PJD. Pour cela, et depuis sa position au gouvernement, il retarde l’élaboration des lois électorales sachant que ses adversaires tiennent à lui imposer cette curieuse hérésie qu’est le quotient électoral calculé sur la base des inscrits et non des votants. Alors Saâdeddine Elotmani a pris sur lui de ne pas réunir ses « amis » et « alliés » de la majorité, depuis le 15 octobre dernier, laissant pourrir les choses pour mieux les précipiter plus tard.

Que reste-t-il donc du PJD de 2011, dix ans après avoir goûté aux délices du pouvoir (et bu le calice jusqu’à la lie) ? Rien, ou si peu… Il est devenu aussi morne que les autres formations et ses chefs aussi ternes que leurs congénères. Et c’est bien dommage car le Maroc des années 20 a besoin d’un front politique intérieur fort pour relever les défis internes et externes, économiques et diplomatiques…

Aziz Boucetta