(Billet 456) – Moulay Hafid Elalamy : « C’est le Maroc qui chasse ses talents ! »

(Billet 456) – Moulay Hafid Elalamy : « C’est le Maroc qui chasse ses talents ! »

Cela fait sept ans, deux mois et une poignée de jours que Moulay Hafid Elalamy est ministre multidimensionnel et avec le temps, il est devenu coutumier des petites phrases et des longues tirades. De sa glose sur la sinistrose à son dernier passage au parlement, en passant par ses luttes épiques au sein du gouvernement, l’homme a son franc-parler. Et tout récemment, il a affirmé que « c’est nous [le Maroc] qui chassons nos talents ! »…

Lui, il sait faire des affaires et, nommé un jour à la tête de l’Industrie du pays, il en a fait son affaire aussi. Alors, comme il n’avait pas de couleur politique, on l’a peint en bleu RNI… vous savez, ce parti qu’on intègre par le haut, une fois que, bleu en politique, on est devenu ministre, comme c’est le cas pour Nadia Fettah ou Mohamed Benchaâboune, ou comme ce fut le cas d’Amina Benkhadra, des profils pointus, adoubés au gouvernement, en mal d’appartenance politique… mais là n’est pas le sujet.

Même s’il garde toujours un œil averti sur ses activités, qu’il s’engage dans des secteurs, qu’il en sort, qu’il vend aux Sud-Africains son assurance, qu’il engrange du profit qui adoucit les réprimandes, M. Elalamy fait le job au gouvernement. Il a significativement contribué au démarrage de Renault Tanger puis il a négocié le transfert de PSA de Tunisie vers le Maroc, avant de dealer avec d’autres groupes mondiaux pour leur venue au Maroc.

Aussi, il sait de quoi il parle quand il dit ceci, cette semaine au parlement : « Si on dénigre tout et qu’on s’interroge après sur la raison du départ de ces talents marocains en Amérique, la réponse est que c’est nous qui les avons chassés, que c’est nous qui mettons en doute leurs capacités à travailler sur de grands projets, à se hisser à de tels niveaux… Et bien oui, le jeune talent marocain est parfaitement capable ! Moncef Slaoui, le M. vaccin des Etats-Unis, est un gars de chez nous… le vice-président de Boeing, est aussi un gars de chez nous… Ces Marocains qui ont atteint de tels niveaux ailleurs pourraient prendre le pays sur leur dos (يهزو او يهرب بيه en VO) ! Il faut juste les reconnaître et leur donner de...

la confiance en eux-mêmes ! ». C’est mieux que si c’était pire, mais applaudissements nourris quand même dans la salle.

Mais il n’y a pas que Moncef Slaoui et Ihssane Mounir (VP de Boeing), qui sont tous deux irrémédiablement perdus pour le Maroc, bien qu’ayant tous deux obtenu leur bac au pays… D’autres peuvent revenir au Maroc, pour y travailler et aussi pour leurs conseils, leurs expertises, leurs carnets d’adresses. Ils sont puissamment représentés à la Commission de développement mise en place par le roi et dont on attend beaucoup, espérant que les vraies recommandations seront faites et que, suite à cela, les vraies décisions seront prises.

Mais quand Moulay Hafid Elalamy s’exprime, a-t-il en tête ce projet porté par un autre grand Marocain de l’étranger, Rachid el Yazami en l’occurrence, cet homme qui a révolutionné la batterie au lithium et qui vient d’inventer la batterie qui se recharge totalement en moins de 10 minutes ?! Cet homme a récemment affirmé être prêt à lancer la fabrication de sa batterie au Maroc, si le royaume lui en donne toutefois l’occasion, et les moyens. M. Elalamy connaît cette affaire… il s’agit d’industrie, d’un projet piloté par un Marocain titulaire du prix Draper et nominé au Nobel, et qui a clairement et explicitement affirmé sa volonté de fabriquer sa batterie au Maroc, donnant au royaume une notoriété, une expertise et de l’argent, beaucoup d’argent et d’emplois… On verra bien ce que fera le Maroc et comment réagira le ministre Elalamy.

Sur la scène politique en général et au RNI en particulier, M. Elalamy est l’un des rares à dérouler un discours qui fait sens, fondé sur son expertise des marchés, consolidé par son expérience des affaires, et porté par cet inimitable accent marrakchi qui est le sien. On lui prête même une ambition politique plus affirmée, n’ayant pas beaucoup de concurrence à la tête de son parti, pétri de compétences individuelles taiseuses mais incapable de développer une intelligence collective parlante.

Avec M. Elalamy, plusieurs autres talents survivent au sein d’une classe politique tétanisée par cette crise sanitaire et sclérosée par nature. Après avoir chassé ses talents à l’étranger, formons des vœux pour que le Maroc écoute certaines vérités politiques émanant des centres de décision !

Aziz Boucetta