Réforme EEP: Vers de nouveaux business modèles

Réforme EEP: Vers de nouveaux business modèles

Le secteur des Établissements et Entreprises Publics (EEP) fait partie prenante du processus des réformes structurelles et historiques que connait l’économie nationale. Les missions attribuées aux EEP s’inscrivent désormais dans une vision globale, durable et intégrée du développement socio-économique, s’orientant de plus en plus vers de nouveaux « business modèles » porteurs de valeur ajoutée.

Lors de la présentation du Projet de Loi de Finances (PLF) 2021 en Conseil de gouvernement, Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Économie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, a annoncé vouloir renforcer « l’exemplarité de l’État et rationaliser ses performances », en lançant une profonde réforme des EEP, qui vise à créer une homogénéité dans leurs fonctions et accroître leur efficacité économique et sociale.

Interrogé par la MAP, Abderrahmane Semmar, Directeur des entreprises publiques et de la privatisation au sein du ministère de l’Économie, des Finances et de la Réforme de l’Administration a indiqué que le secteur des EEP occupe une place importante dans le processus de développement socio-économique du pays, en relation notamment avec ses apports en termes d’investissements stratégiques, d’infrastructures, de services publics et de rayonnement du Maroc à l’échelle régionale et internationale.

En effet, les EEP constituent un acteur majeur dans le modèle de croissance du Maroc, comme en témoignent l’évolution de leurs principaux indicateurs sur la dernière décennie, a fait remarquer M. Semmar.

« Toutefois, ces EEP souffrent de dysfonctionnements et de fragilités qui entravent leur développement et limitent leurs performances. Ainsi, le développement de la contribution des EEP à la croissance économique du pays et à sa dynamique de développement nécessite des ruptures en termes de dimensionnement de ce portefeuille, de son pilotage, de sa gouvernance et de suivi de ses performances », a-t-il relevé.

« Il s’agit en effet de dépasser les différents dysfonctionnements et insuffisances dont souffre ce secteur et qui ont été relatés, par ailleurs, par les différentes institutions et corps de contrôle dont, notamment, la multiplicité des acteurs publics dans certains secteurs avec parfois des chevauchements et doublons, ainsi que le manque de synergies entre certains EEP devant permettre de disposer d’entités de tailles critiques qui puissent concourir à une croissance externe », a fait savoir le responsable.

Et d’ajouter qu’il est question également de revoir les modèles économiques de certains EEP afin de renforcer leur rendement, la qualité de leurs services et l’optimisation de leurs relations financières avec l’État.

« A cet égard, le portefeuille public n’est plus considéré comme une sphère homogène et ses maux n’appellent pas les mêmes remèdes. Ainsi, nous distinguons entre deux grandes catégories, à savoir, les EEP commerciaux et ceux n’ayant pas de vocation commerciale », a-t-il dit.

La gestion stratégique des EEP commerciaux sera confiée désormais à une Agence nationale dédiée qui se chargera de valoriser le patrimoine de l’État, de défendre ses intérêts en tant qu’actionnaire et d’assurer une reddition sur les performances des EEP composant son périmètre, a précisé le responsable, notant qu’à ce niveau, la fonction de l’État actionnaire permettra de dynamiser et de professionnaliser la gouvernance de ces entités et, partant, de déployer des solutions à même d’améliorer l’efficacité et la création de la valeur ajoutée par les EEP commerciaux.

Pour les EEP non commerciaux, a poursuivi M.Semmar, l’efficacité de leurs actions et la réduction de leur dépendance envers le BGE


seront recherchées à travers, notamment, la revue de leurs modèles et de leurs missions, en veillant à une bonne adéquation qualité/coût de service, notant que cette revue des missions aboutirait à la liquidation/la dissolution des entités dont « la mission n’est plus opportune » avec réintégration de certaines missions aux ministères concernés ainsi qu’au regroupement de certains EEP dont la mission serait justifiée mais « nécessitant des synergies ».

De son côté, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) a révélé que le portefeuille des EEP regroupe à ce jour 44 sociétés à participation directe et 462 filiales, notant que plusieurs de ces entités sont structurellement déficitaires.

De l’avis de la CGEM, « ce fait a une double conséquence pour l’État, à savoir un manque de recettes par dividendes et un besoin de recapitalisation, car les entreprises qui sont déficitaires le sont durablement ».

Pour palier cette situation, il est nécessaire, selon le patronat, de mettre en place une nouvelle gouvernance de ces EEP pour répondre à 3 objectifs à savoir, définir un plan stratégique clair pour chaque EEP avec des moyens et des objectifs en face, mettre en place une équipe à même de déployer cette stratégie et rendre des comptes, et instaurer une gouvernance qui puisse contrôler la mise en œuvre du plan stratégique. Le mode de gestion des EEP doit ainsi être proche de celui adopté par les entreprises privées.

Abordant l’aspect de la digitalisation, la Présidente de l’Université Hassan II de Casablanca, Aawatif Hayar a, par ailleurs, mis en avant le besoin d’une réforme profonde des EEP, tant sur le plan organisationnel que des mentalités.

« Ces établissements doivent désormais adopter la culture de la performance et des résultats », a-t-elle dit, notant qu’ils pourraient s’appuyer sur la dynamique de la digitalisation accélérée et de la transformation digitale, pour assurer la conduite de changement nécessaire au sein des établissements du secteur public et des TPE et PME, moteur essentiel de la dynamique économique marocaine.

Le secteur public, a-t-elle considéré, pourrait aussi s’appuyer sur l’entrepreneuriat pour améliorer ses performances et son efficacité à travers la valorisation de ses compétences et infrastructures sous forme de prestations de services, d’expertise, conseil et formation. Cette ouverture permettrait aux EEP de se restructurer pour augmenter leur compétitivité et par conséquent améliorer leur gouvernance et productivité.

Également, « l’intéressement du personnel » est une autre forme de rémunération du travail qui permet de motiver les ressources humaines pour augmenter la productivité, le sentiment d’appartenance et l’attractivité vis-à-vis des jeunes cadres à la recherche d’emplois avec plus de motivation salariale, a-t-elle fait observer.

Dans le même sillage, le Président du Centre marocain pour l’innovation et l’entreprenariat social (MCISE), Adnane Addioui a souligné que le Maroc est actuellement à la recherche de leviers de croissance et d’inclusion, à travers une optique de performance et d’efficacité.

« En effet il ne faut plus traiter les EEP comme des instances ou des coquilles vides. Un management moderne centré sur les objectifs, une transformation juridique et sociale est requise avec une logique long-termiste et porteuse de valeur ajoutée », a-t-il dit.

« L’harmonisation des EEP nationales, régionales et même locales, avec une approche innovante contribuera à améliorer leurs performances, et à créer de la valeur et surtout des emplois durables et inclusifs », a conclu M. Addioui.