(Billet 415) – L’état d’urgence salutaire…

(Billet 415) – L’état d’urgence salutaire…

De mois en mois, doucement, subrepticement, nous avons bouclé la demi-année en état d’urgence… sanitaire certes, mais état d’urgence quand même. Le gouvernement a décidé hier de prolonger la situation d’un mois encore, et le royaume vivra sous ce régime particulier jusqu’au 10 novembre. Et comme tout porte à croire que cela sera encore reconduit, l’année 2020 aura été inscrite sous le régime de l’état d’urgence sanitaire. Mais quelle est cette chose ?

La décision de décréter un état d’urgence sanitaire a été globalement acceptée par tous, ici et ailleurs, du moins dans sa première phase. Le fondement juridique n’est pas très clair, mais on peut faire recours à la « théorie des circonstances exceptionnelles » pour prendre la décision de placer un pays sous le régime de l’état d’urgence sanitaire, partant de cette jolie phrase que « des circonstances exceptionnelles appellent à des mesures exceptionnelles » ou, plus trivialement, « aux grands maux les grands remèdes ».

Les juristes, et plus spécialement les constitutionnalistes, sont pour une fois d’accord (globalement du moins) : le gouvernement doit affronter la pandémie et protéger la population, et si besoin, il peut, voire même doit, recourir à cet état d’urgence sanitaire. Mais nous, on a encore mieux, la France l’a fait, et nous a ainsi montré la juste voie ! Bon, entretemps, la France l’a levé, mais comme elle est sur la mauvaise voie, le Maroc a maintenu son état d’urgence sanitaire… voire même salutaire pour un gouvernement qui n’explique ni n’argumente sur sa décision, hormis quelques phrases convenues jetées ici et là de manière plus ou moins convenable.

Le problème avec notre gouvernement est qu’il oublie souvent de lever les mesures qu’il prend…...

Ainsi, on n’entend plus parler des fameuses zones 1 ou 2, pas plus que du sort des villes « isolées » ce funeste 26 juillet. Les frontières sont toujours fermées, et dans leur sillage un nombre croissant d’entreprises ou d’activités en liaison directe avec le tourisme. Quid des Marocains bloqués dans les villes de Sebta et Melilla ? Quel avenir pour Marrakech, cette ville touristique qui n’en plus d’attendre, puis d’espérer, avant de désespérer de voir des touristes ?

On l’a dit, on le redit et on continuera de le redire… Toutes les mesures sont acceptables, du moment qu’elles sont expliquées, argumentées, même à défaut d’être justifiées. Aujourd’hui, au Maroc, le gouvernement se contente d’attendre deux ou trois jours avant l’expiration de l’état d’urgence, pour le reconduire, conduisant le pays à un état d’exception, social et économique, préoccupant. Il est vrai que c’est mieux que si c’était pire, mais cela le pourait…

L’état d’urgence sanitaire n’étant pas explicitement prévu ni détaillé dans le corpus juridique national, le gouvernement devrait apporter plus d’explications à cette mesure dont il est chargé de la mise en œuvre. La mettre, par exemple, en parallèle, avec cette réunion prévue au ministère de la Santé pour convenir des modalités de la future, et semble-t-il pas très éloignée, campagne de vaccination anti Covid… Donner des informations sur les essais cliniques pratiqués sur nos terres… Envoyer des ministres « au charbon », pour expliquer leur politique, apporter des éclairages sur la crise, et préciser des mesures prises…

Rien de cela n’est véritablement fait pour réellement rassurer les populations. Le gouvernement décrète le prolongement de l’état d’urgence sanitaire, qui s’installe dans une permanence, pour lui, salutaire.

Aziz Boucetta