(Billet 409) – L’industrie pharmaceutique, une diversion pour sauver le soldat Aït Taleb ?

(Billet 409) – L’industrie pharmaceutique, une diversion pour sauver le soldat Aït Taleb ?

Il se passe des choses étranges dans le Maroc du Covid-19, des faits incompréhensibles, comme une sorte de règlement de comptes économiques sous le couvert de l’opacité de la crise sanitaire, loin des regards de l’opinion publique… Et si celle-ci est prise à témoin, c’est pour lui servir les gros poissons « qui s’enrichissent sur le dos du peuple qui souffre ». Cela marche toujours, partout, et souvent, partout, ces règlements de compte servent d’écrans de fumée à autre chose.

Voici une quinzaine de jours, le député PAM Mjahri avait commis une saillie remarquée et de prime abord remarquable devant le très impassible ministre de la Santé Khalid Aït Taleb, accusant l’industrie pharmaceutique nationale d’engranger des profits de 100, 200, 1000 et même 2000% sur les prix de vente des médicaments. Puis, le même député, bouleversé par son quart d’heure de gloire, a été sollicité par les médias, auxquels il a très obligeamment répondu en s’engouffrant dans la brèche qu’il avait ouverte.

Partons d’un postulat simple : une entreprise privée cherche le profit et œuvre à l’atteindre. Il appartient alors aux pouvoirs publics, quand le secteur est « sensible », d’intervenir, de réguler, d’arbitrer. Or, le propos de M. Mhajri est tellement grave que s’il y avait une Haute Cour de justice, elle se serait réunie en urgence ! Cela n’a pas été fait, car les choses sont tout simplement… très complexes. Nous y reviendrons…

Revenons à cette séance de la commission des secteurs sociaux, dont la Santé est un élément vital. Selon la députée USFP Ibtissam Merras (donc appartenant en principe à la majorité), le ministre Aït Taleb n’y a pas mis les pieds depuis le 28 mai, montrant ainsi le peu de cas qu’il fait de la représentation parlementaire. L’élue, émue, a posé des questions en salves, durant près d’un quart d’heure ! 70 révocations au ministère (le ministre n’est ministre que depuis 1 an…),...

presque tous les responsables sont intérimaires au point, dit-elle, que le ministère est désormais appelé « le ministère de la Santé par intérim ». Mme Merras demande clairement les raisons du maintien de M. Aït Taleb à sa fonction, tout en étant de sa majorité !

Alors, quand le député PAM Mjahri fait sa fameuse sortie, celle-ci ressemble davantage à un tir de barrage qu’à autre chose. Le député n’a certainement pas pris la mesure de la gravité de ce qu’il a dit, quand il a attaqué bille en tête l’industrie pharmaceutique et l’a accusée de multiplier les prix par 20 ! S’est-il fait manipuler ? A-t-il été désinformé ? Cela en a tout l’air.

En effet, M. Mjahri aurait dû se poser la question de la parfaite disponibilité des médicaments/remèdes/placebos contre le Covid et malgré les fermetures des frontières. Il aurait pu s’interroger sur l’importance économique et sociale d’un secteur pharmaceutique qui emploie 50.000 personnes, lesquels ont conservé leur job durant cette pandémie, et crée une valeur ajoutée annuelle de 5 milliards de DH. S’il avait su, au lieu de dresser cet écran de fumée qui arrangeait bien un ministre arborant une mine sombre sur sa chemise noire, il aurait été avisé de l’interroger sur les efforts entrepris par son département pour soutenir une industrie devenue vitale contre les maladies virales et les pandémies…

Et donc, à une période où il est primordial de protéger un tissu industriel mis à mal par la rude concurrence internationale et la mauvaise gouvernance nationale, un député (même PAM) devrait éviter la démagogie mal maîtrisée et lui privilégier une pédagogie mieux étudiée. Pendant ce temps, Khalid Aït Taleb, accusé et acculé, vit un répit et laisse jouer la diversion.

Et si la diversion menace un secteur aussi important que l’industrie pharmaceutique, qu’à cela ne tienne… Rien de mieux qu’une pandémie pour régler les comptes et brouiller les cartes !

Aziz Boucetta