(Billet 407) - Lutte contre le cancer : la "pétition pour la vie".. . condamnée à mort

(Billet 407) - Lutte contre le cancer : la "pétition pour la vie".. . condamnée à mort

Le Maroc est très certainement le plus beau pays du monde… et c’est encore plus vrai sur le papier ! Une pétition, dite « pétition pour la vie », qui a réuni 40.000 signatures, bien plus que les 5.000 requises, vient d’être gentiment classée par le chef du gouvernement Saâdeddine Elotmani. Et pourtant, cette pétition appelle à la création d’un « Fonds de lutte contre le cancer », un fonds dont les Marocain(e)s ont bien besoin…

On le sait, la constitution 2011 est là, avant-gardiste si on n’est pas très regardants, et une batterie de lois organiques l’ont renforcée. Parmi elles, la loi 44-14 sur les pétitions. Le mandataire de la pétition, l’universitaire Omar Cherkaoui, a abattu avec ses soutiens un travail remarquable, pour collecter les signatures et organiser la suite. Et la suite, les pétitionnaires l’attendent depuis mi-février ; il a fallu peut-être que M. Cherkaoui le mentionne à la Commission Benmoussa la semaine dernière pour que M. Elotmani s’en souvienne, et M. Elotmani a donné des miettes.

C’est bien regrettable car pour une fois qu’une pétition réunit toutes les conditions (efficacité, pertinence, légalité, santé publique…), le gouvernement aurait pu, voire dû envoyer un signal et accéder à la requête des pétitionnaires, laquelle requête, rappelons-le, consiste à rationaliser les dépenses de la lutte contre le cancer et à les regrouper au sein d’un Fonds public. Il y a tellement de Fonds, ci-devant appelés « caisses noires »… Mais c’est bien connu, les textes ne changent pas le contexte.

Les chiffres : 200.000 cas de cancer, et 40.000 nouveaux par an, 48.000 en 2019. 30.000 personnes en décèdent chaque année. 1.500 fillettes sont atteintes chaque année par le cancer du col de l’utérus,...

dont le coût du traitement voisine les 100.000 DH. Pour cela, le gouvernement s’est engagé à traiter ces jeunes filles dès 2021, mais c’est insuffisant…

La réponse du gouvernement, donc : on refuse le Fonds, mais la forme est sauve, puisque les conditions administratives sont réunies. Et on va créer tout un tas de choses, comme un comité national du cancer auprès du chef du gouvernement, ou encore un plan national de prévention du traitement du cancer 2020-2021, et on va affecter 780 milliards de centimes (7,8 milliards de dirhams) aux patients cancéreux sur les 10 prochaines années ! On peut le croire, si on veut, le gouvernement, mais on peut tout aussi bien douter de cela. Et puis, créer « un comité national » et un « plan national » ne revient-il pas à l’idée du Fonds ?

Avec 5 pétitions soumises depuis l’adoption de la loi, et autant rejetées pour moult raisons, cette fois-ci, le gouvernement aurait pu jouer sur la psychologie, en réservant un meilleur accueil à M. Cherkaoui et aux siens, et aussi en consentant un effort en matière de santé publique, plongés que nous sommes dans un immense problème de santé publique. Plusieurs structures existent, des comités, des associations, la Fondation Lalla Selma, et d’autres encore…

Mais un Fonds créé sur initiative citoyenne, récoltant de l’argent public et peut-être aussi privé, cela aurait eu du panache d’en accepter l’idée. On ne comprenait déjà plus tellement les ressorts cérébraux du gouvernement Elotmani. Avec ce refus on les comprend encore moins. Ou peut-être si, finalement… Comme le dit si justement Omar Cherkaoui, « les politiques tuent la constitution » ; c’est dommage, elle est si jeune et fut si prometteuse…

Aziz Boucetta