(Billet 405) – Ce vent de colère qui gronde…
Le virus frappe le monde entier et dans le monde entier, les gouvernements pataugent et les gens s’interrogent ; il en va pareillement au Maroc, à ceci près que le gouvernement tient étrangement à montrer à quel point il perd pied. La plus forte dose d’optimisme du monde s’épuiserait vite face aux valses-hésitations et à l’extraordinaire mutisme du gouvernement Elotmani et de M. Elotmani. La situation pourrait en devenir périlleuse.
La crise avait bien été gérée au départ et, comme le dit si justement et tout en image un observateur : « Dès son arrivée, nous avons pris le virus à la gorge… puis, nous l’avons soudainement relâché, énervé ! ». Aujourd’hui, les gens meurent, plusieurs villes pleurent, les malades tremblent de peur et le reste de la population est frappée de stupeur. Segment par segment, catégorie par catégorie, les choses empirent, et le gouvernement semble tétanisé, figé, dépassé… dangereusement inutile, un peu futile.
A Sebta et Melilla, des Marocains sont bloqués depuis maintenant six mois, 180 longues journées et autant de nuits dans le doute qui nourrit une rage croissante. D’autres sont toujours aux confins de la planète, oubliés par leur Etat et somptueusement ignorés par leur gouvernement et par un ministère officiellement en charge des Marocains résidents à l’étranger, dont certains sont devenus étrangement « résiduels ». Dans les quartiers huppés, les gens vendent leurs biens, commençant par les bijoux et les meubles, et se résolvant parfois à se défaire de leurs maisons.
L’entreprise râle face à une économie en souffrance et des banques qui atteignent leurs limites en capacité d’assister, et aussi en volonté de le faire. A quoi bon aider une entreprise qui, de toutes les façons, finira tôt ou tard, plus tôt que tard, par déposer son bilan ? Ne parlons même pas de la très douloureuse situation des entreprises opérant dans le tourisme, pises entre le marteau de la fermeture des
frontières qui se prolonge sans aucun avis du ministère des Affaires étrangères et l’enclume des sociétés de leasing, elles-mêmes inquiètes…
Pas de nuages à l’horizon, et pas de pluies annoncées pour un secteur agricole qui en est à encore et toujours attendre l’eau tombée du ciel, désespérément bleu, comme le RNI… Les vidéos de mères hystériques qui grondent submergent les réseaux, les violences augmentent en silence contre les conjoints et les enfants, inquiètement muets. Un vent de colère gronde…
Et face à cela, les décisions aussi contradictoires qu’incohérentes d’isolement de villes et de confinement de quartiers, mettant les forces de l’ordre directement aux prises avec une population à bout de nerfs. Les actes de désobéissance civile, voire de rébellion, sont apparus, puis se sont multipliés face à des agents qui tentent de faire leur travail, mais qui restent désarmés et aux prises avec des gens désemparés. Le tableau est sombre certes, mais telle est la réalité.
Les bloqués, les appauvris, ceux qui se sentent délaissés, ceux qui se voient précarisés, les autres, manquant de confiance… les effectifs des mécontents, des déçus, des lassés et des laissés pour compte augmentent chaque jour, parallèlement aux nouveaux contaminés et à la sinistre litanie des décès. 30 à 40 morts par jour devient une norme et aucune politique publique cohérente et pertinente ne semble prendre forme.
L’Etat s’endette de plus en plus hardiment et songe, peut-être, dans une quête désespérée de recettes, à se défaire de ses cliniques CNSS. Pas plus de vision que de prévisions, davantage d’incohérence que de gouvernance, comme si ce gouvernement était en apnée et en panne de bonnes nouvelles… Si au moins quelqu’un parlait, expliquait, appelait à une approche participative qui impliquerait tout le monde et éviterait cette funeste et périlleuse convergence des mécontentements qui risquerait de se produire.
Puisque crier est inutile, prier reste donc une solution potentielle…
Aziz Boucetta