(Billet 401)– Quel Maroc voulons-nous ? Les « influenceurs » répondent en chœur et avec le cœur

(Billet 401)– Quel Maroc voulons-nous ? Les « influenceurs » répondent en chœur et avec le cœur

La crise sanitaire du Covid est un révélateur de nos failles et défaillances. Tout ce qui ne va pas dans ce pays a éclaté au grand jour, avec des gens qui meurent, et une population qui a peur. 60 ans de gestion publique plus ou moins hasardeuse, pas toujours ni complètement contrôlée par la vox populi et ses institutions représentatives, ou supposées telles. C’est la leçon à retenir de la séance d’écoute, d’une rare franchise, de la Commission Benmoussa avec les « influenceurs ».

Khalid el Bekkari, Redouane Ramdani, Mayssa Salama Ennaji ou encore Omar Cherkaoui sont des gens connus du grand public et reconnus pour leur implication militante dans le débat public. Très pertinemment et courageusement invités par les gens de la Commission spéciale sur le modèle de développement, Commission Benmoussa ou CSMD pour faire court, ils ont déployé leurs arguments, qui se résume en une seule et très simple idée : appliquer la constitution 2011 dans sa lettre et son esprit : équité, égalité et dignité.

Où sont les organes de médiation, Conseils divers et institutions élues ? Pourquoi ne fonctionnent-ils pas ? Pour quelle(s) raison(s) ne contrôlent-ils pas ce qu’ils devraient et ce pour quoi leurs membres ont été élus et/ou désignés ? Blocage venu d’on ne sait où ? Pusillanimité coupable ? Complotisme aigu ou complotistes aigris ?… Alors, à défaut de médiation et de médiatisation de tous les courants de pensée, ce sont les réseaux qui font le job, souvent dans le populisme facile et la contestation permanente.

L’idée qui infuse dans ce débat est que la nature des rapports Etat-population s’est reflétée dans la crise Covid. En effet, le système politique marocain n’a pas fait, malgré la loi, le droit, les textes et les prophètes, de la population un acteur de la construction d’une nation, dans l’action et la participation : le peuple est administré, souvent infantilisé, et donc réfractaire. Pour le Covid, il en aura été de même : les Marocains sont gérés et non impliqués dans les décisions,...

infantilisés, et ils se sont montrés, et se montrent toujours, réfractaires !

La solution, selon nos « influenceurs », réside donc dans l’application de la loi et de la constitution. Or, le législateur, le politique, ont « tué » la constitution, faisant selon Omar Cherkaoui des pétitions une répétition des anciens réflexes. Pour Mayssa Salama Ennaji, c’est la dignité qui manque, de l’enseignement, du logement, de la santé, du rapport à administration, et sans dignité, on ne peut construire une nation digne de ce nom. Pour Redouane Ramdani, tout n’est pas mauvais, n’en déplaise aux chantres de la facilité populiste, qui répondent au populisme politique ambiant. Et, enfin, aux yeux de Khalid el Bekkari, sans liberté d’expression et avec les pressions et restrictions, rien ne saurait avancer.

Et de fait, tout doit pouvoir être discuté pour ne plus être disputé. Interroger les divers pouvoirs, évaluer les différents corps d’Etat, analyser et commenter leurs décisions et prises de position… Aussi, critiquer ce qui doit l’être n’est et ne peut être un acte de rébellion, mais de construction. L’Etat, dans sa multidimensionnalité, doit être à la portée de tous, pour que chacun demande et que tous reçoivent, dans l’équité et la justice, dans la liberté, dans la prospérité, et dans la mesure du possible… car, non, tout ce qui est riche n’est pas forcément corrompu, et tout ce qui est makhzen n’est pas nécessairement autocrate, mais les dysfonctionnements doivent être corrigés et librement, finement débattus.

Bref, les textes, seuls, ne peuvent changer les contextes. Un peu moins de pouvoir à ceux qui en ont beaucoup, ou trop, et un peu plus à ceux qui n’en ont pas, ou peu, pour atteindre ce niveau idéal où les droits se conjuguent avec les obligations, dans une linéarité de la citoyenneté. Les générations passées l’ont demandé nerveusement sans l’obtenir, la génération actuelle le réclame gentiment, en obtenant un peu plus qu’un peu… mais la génération à venir exigera beaucoup plus que plus ; à chacun d’en décider le prix pour en réduire le coût.

Aziz Boucetta