(Billet 400)– L’Etat veut-il vraiment vendre les cliniques CNSS… qui ne lui appartiennent pas !

(Billet 400)– L’Etat veut-il vraiment vendre les cliniques CNSS… qui ne lui appartiennent pas !

Au commencement, et à l’origine, il y avait la loi 65.00 portant code de la couverture médicale de base, et son désormais très controversé article 44. La loi remonte à 2002. Par la suite, la fameuse procrastination de nos gouvernements a fait le reste. Et alors que le roi a parlé voici un mois de la couverture sanitaire universelle, le gouvernement pense, peut-être, à vendre les polycliniques CNSS. En pleine épidémie, un scandale d’Etat est-il sur le point d’éclater ? Un webinaire organisé par la jeunesse de l'UMT apporte des éléments de réponse

Que dit l’article 44 ? Il interdit à « à tout organisme gestionnaire d’un ou plusieurs régimes d’AMO de cumuler la gestion de l’assurance maladie avec celle d’établissements assurant des prestations de diagnostic, de soins et d’hospitalisation et/ou des entreprises ayant pour activité la fourniture de médicaments, de matériels dispositifs ou équipements médicaux ». En gros, la CNSS ne peut plus gérer ses polycliniques, qui ont sauvé et sauvent encore tant et tant de malades.

Pour rappel, les polycliniques CNSS, ce sont 1000 lits, 42 salles d’opération, 12 maternités, 13 services de réanimation, 9 centres de dialyse, 13 laboratoires d’analyses médicales, 13 services d’imagerie médicale, 1 IRM, 5 scanners, 2 unités de soins intensifs en cardiologie, 10 unités de rééducation, 650.000 patients par an, et seulement 200 millions de déficit par an !

Or, ces polycliniques ne sont pas propriété de l’Etat, mais des travailleurs qui les ont payées avec leurs cotisations (depuis leurs constructions dans les années 70 à leur gestion depuis) pour les retrouver durant les temps durs de la maladie. Mais l’Etat songe aujourd’hui à auditer une à une les 13 polycliniques, et éventuellement les « externaliser », mot doux, savant et opaque pour envisager leur vente pure et simple. Il est vrai que ces 13 cliniques sont posées sur 110.000 m² en milieu urbain. On...

comprend mieux, même si on préférerait ne pas comprendre.

Début septembre, le ministre des Finances, lui-même ancien banquier – mais c’est sûrement un détail – demande à son pair au gouvernement, le ministre Amekraz, qui s’est trouvé en juin en situation délicate avec la CNSS – mais c’est sûrement un détail aussi… – de confier à « une banque d’affaires » le soin d’auditer les polycliniques, de sonder les intérêts d’éventuels investisseurs, de proposer des solutions pour chaque polyclinique, et de soumettre un calendrier pour exécuter les solutions préconisées. Cela sent le soufre… et la future souffrance financière des travailleurs quand ils voudront se soigner !

Bien évidemment, le chef du gouvernement est absent, puisque c’est le puissant ministre des Finances qui « ordonne » à son impuissant pair à l’Emploi de faire le job. Mais pourquoi maintenir l’interdiction de gestion de ces polycliniques par la CNSS, puisque plusieurs pays dans le monde ne prévoient pas cette incompatibilité ? Pourquoi ne pas penser à une gestion déléguée ? Ou à un partenariat public-privé ? Et pourquoi faire intervenir une banque d’affaires pour faire une étude, qui s’ajouterait à celles déjà élaborées depuis des années, et pour 30 millions de DH ?

L’affaire est complexe, mais la lettre de M. Benchaâboune est inquiétante car elle écarte indirectement la CNSS de la prise de décision finale qui lui revient pourtant aux termes de ladite loi, en faisant intervenir une banque privée… Et tout ceci se produit en pleine pandémie oppressante de Covid où l’offre de soins et le besoin du service public se montrent si pressants… et cela se fait moins d’un mois après un discours royal demandant les soins gratuits ou presque pour tous, et vite.

Il est plus que jamais important d’être vigilant. Et intraitable. Le RNI de Mohamed Benchaâboune est le parti des hommes d’affaires et le PJD de MM. Elotmani et Amekraz devient celui des hommes à tout faire.

Aziz Boucetta